Nos coups de coeur
Petit traité d’éducation conservatrice
Dès les premiers mots de l’introduction, l’auteur a le don de piquer agréablement notre curiosité : il met le doigt là où cela fait mal, c’est-à-dire notre envie de transmettre à nos enfants une éducation « carrée » (ce sont ses termes »), mais la paralysie nous gagne à l’idée que l’on puisse être des « exclus » du monde moderne. Ce dilemme cornélien nous fait malheureusement, contrairement à ce que prônait l’ami Corneille, trop souvent choisir le terme médiocre de l’alternative, avec de lourdes conséquences pour notre société actuelle, et pour les générations à venir. L’ouvrage de Pierre-Henri d’Argenson se propose de remettre les choses en ordre, avec liberté et bon sens.
Sa réflexion conduit à un constat puissant, que nous partageons entièrement : « on ne demande plus aux parents de discipliner leurs enfants pour en faire des adultes autonomes et cultivés, mais seulement de les maintenir au niveau de sociabilité strictement nécessaire à la poursuite du commerce. » On ne saurait être plus clair. Le problème n’est plus celui de la mauvaise éducation chère à Brassens, mais de l’absence d’éducation qui rend les individus toujours plus malléables, donc aliénés.
L’auteur égrène tout au long de cet essai très dense et bien pensé des principes simples et structurants à garder en mémoire dans le long et magnifique chemin de l’éducation, qui consiste à élever l’âme, pour faire grandir l’enfant au service des autres et du Bien : insuffler l’âme chevaleresque, c’est-à-dire l’ambition du meilleur ; assumer l’autorité pour réintroduire la verticalité, éveiller au beau et cultiver l’imaginaire par la fréquentation des grands textes et des belles histoires, pour n’en citer que quelques-uns.
Même si l’auteur a parfois un peu trop tendance à se défendre de ce qu’il est et à multiplier les précautions oratoires, on lui saura infiniment gré de rappeler que la colonne vertébrale ultime de notre société civilisée est constituée par les plus antiques valeurs chrétiennes.
Un vademecum indispensable pour les parents, les grands-parents, les éducateurs déboussolés, qui ont bien senti qu’il y avait aujourd’hui un problème de transmission abyssal, mais à qui les penseurs officiels de l’éducation et de la transmission se gardent bien de donner des pistes concrètes, durables, profondément enracinées dans notre tradition culturelle et spirituelle.
Constance Prazel
