Nos coups de coeur
Du XVIe siècle on garde généralement l'image des guerres de religion provoquées par l'affrontement catholiques-protestants avec, en toile de fond, un catholicisme affaibli, médiocre, voir en état de décomposition. Une période troublée qui a suscité, comme naturellement, la Réforme protestante à laquelle finit par s'opposer, à son tour, une contre-réforme catholique issue du concile de Trente.
Cette vision dialectique paraît devoir être définitivement écartée à la suite des travaux de Marc Vénard qui montre que l'idée même de réforme était à l'ordre du jour dans l'Église depuis au moins un siècle. Ainsi, parallèlement aux réformes protestantes surgirent des réformes catholiques, les réformateurs protestants coexistèrent avec les réformateurs catholiques, et comme les sujets controversés étaient fort complexes, il y eut des clercs dont on ne sait pas trop s'ils étaient catholiques ou protestants et dont les ralliements successifs à des thèses opposées rend l'étiquetage difficile !C'est donc un tableau très nuancé de l'évolution des idées religieuses incarnées dans des réformes aux racines lointaines, et qui ne se confessionnaliseront que tardivement, que trace Marc Vénard. Le concile de Trente, dans ce contexte, n'apparaît pas, de façon simpliste, comme une pure réaction aux thèses protestantes mais aussi, comme l'aboutissement de courants de recherches disciplinaires et doctrinales que l'on peut faire remonter au concile de Constance et même au-delà...Ces courants traversaient donc déjà au début du XVIe siècle une Église héritière de la riche et foisonnante histoire religieuse du Moyen Âge et dont les structures étaient encore solides comme l'atteste l'enquête minutieuse qui analyse les conte-rendu des visites pastorales épiscopales. Ces dernières traversent le siècle, et le concile de Trente ne fera que les systématiser et les formaliser davantage.L'étude de ces visites pastorales, de même que celle du projet de concile national de 1551, montre que la hiérarchie de l'Église comprend des hommes conscients des problèmes posés à leur époque. Le peuple chrétien qu'ils gouvernent exprime sa foi dans de nombreuses manifestations extérieures, souvent rassemblé au sein de confréries nombreuses dans les villes. Là encore, le concile de Trente ne détruit ni n'innove mais aura pour effet de revivifier et d'approfondir les sentiments religieux en orientant la piété populaire vers des dévotions plus tournées vers le Christ et la Vierge médiatrice. C'est ainsi que, à côté où à la place des anciennes confréries médiévales patronnées par un ou plusieurs saints, se créent des confréries du Saint-Sacrement et du Rosaire qui connaissent un grand succès. Au Puy, par exemple, en 1584, deux confréries anciennes se regroupent dans la confrérie nouvelle des pénitents blancs.L'impression dominante qui se dégage de ce XVIe siècle bruissant de guerres, est que ce siècle fut, dans l'Église catholique, un temps d'évolutions plutôt que de ruptures. Le concile de Trente s'inscrit dans ce processus en lui donnant un coup d'accélérateur fortement stimulé par le défi protestant, et il eut une influence immédiate grâce à la politique volontariste de certains évêques impressionné par le modèle de Charles Borromée ainsi que le montre clairement Marc Vénard dans ses articles sur les diocèses du Midi de la France. Néanmoins, ces prémices ne verront leur plein épanouissement qu'après 1615, date de la réception officielle du concile en France, particulièrement dans le domaine de la fondation des séminaires dont les premiers essais avaient échoué.Variété des situations régionales, importance de la personnalité des évêques, inclination de la religion populaire vers le catholicisme... bien des pistes de recherches sont ouvertes par ce riche recueil, qui, en renouvelant l'image d'un siècle troublé, en clarifie la compréhension sans en omettre les infinies complexités, nuances et diversités.HELENE FRUCHARD