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La guerre des empires – Chine contre Etats-Unis

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La guerre des empires
  • Auteur : François Lenglet
  • Editeur : Fayard
  • Année : 2010
  • Nombre de pages : 248
  • Prix : 17,00 €

« Le Péril jaune qui menace l’Europe peut donc se définir de la manière suivante : rupture violente de l’équilibre économique international sur lequel le régime social des grandes nations industrielles de l’Europe est actuellement établi, rupture provoquée par la brusque concurrence, anormale et illimitée, d’un immense pays nouveau. » Ce pronostic a cent-dix ans ; il émane d’un économiste français, Edmond Théry que François Lenglet se plaît à citer, faisant ainsi pièce à l’irénisme majoritaire des Occidentaux. 

Si la Chine s’arme monétairement, financièrement, économiquement et militairement, serait-ce vraiment pour ne pas un jour ou l’autre accroître manu militari, et de toutes les manières sus-énoncées, son emprise sur le reste de la planète ? Est-ce pour demeurer dans ses frontières et, de la sorte, nous conforter dans la réconfortante pensée qu’elle répondra toujours à son immémorial statut d’Empire du milieu ?

Elle est plaisante l’histoire de cette équipée diplomatique anglaise partie en 1792 rendre visite à l’empereur céleste afin de le convaincre des mérites et bienfaits (commerciaux) de la future grande puissance industrielle et d’un échange d’ambassades. L’empereur du Milieu garda son quant à soi, récompensa le jeune anglais – le seul – qui s’était quelque peu acculturé au chinois, congédia sans mot dire ses hôtes dépités qui, de retour dans leur perfide Albion, reçurent ce message à transmettre à qui de droit, c’est-à-dire à Georges III : « Nous n’avons jamais été intéressés par les produits industriels, et n’avons pas davantage besoin des manufactures de votre pays. En conséquence, ô Roi, au sujet de la demande que vous nous avez faite pour installer l’un de vos envoyés à la capitale, non seulement ce ne serait pas en accord avec les lois de l’Empire céleste, mais nous avons la conviction que cela ne serait d’aucun intérêt pour votre pays. »

Loupant le coche vers 1850 de la révolution industrielle pour des raisons encore sujettes à discussion [1], la Chine, aiguillonnée par une absence totale de résilience avec le léonin traité de Nankin, avec la guerre de l’Opium et toute cette époque d’épreuves et d’humiliations qui culmineront avec l’agression japonaise de 1930, la Chine, oui, à partir de 1978, à l’instigation de Deng Xiaoping, allait entièrement changer de stratégie. Capitaux, savoir-faire etc, elle emprunterait ou, plutôt, attirerait chez elle le meilleur de l’Occident, pour en faire son miel avant tout grâce à sa main d’œuvre inépuisable. Pour, dans un second temps, face à lui, se rendre indispensable, incontournable jusqu’à paraître, même, prétendre, des Etats-Unis et de l’Europe, devenir le banquier [2].

François Lenglet nous conte d’abord les vingt ans précédant, préparant, anticipant cette reconquête. On se glisse en soixante-neuf sur le fleuve Amour quand soldats soviétiques et chinois en venaient presque aux mains pour quelques îlots inhabités. On se souvient, en 1972, de ces pongistes américains et chinois, officieux premiers ambassadeurs, de leurs tournois et des rebonds de la balle deux mètres au delà du bord de table. On manigance avec Nixon et Kissinger préparant la première visite en Chine du président républicain contre un Congrès moins attaché à ménager l’avenir du Yuan que celui de Taïwan. On vérifie à nouveau, en lisant La Guerre hors limites, ouvrage de deux officiers de l’armée de l’Air chinoise paru en 1999, qu’à l’égal du chancelier du IIIème Reich et de son Combat, les conquérants, pour qui veut bien les lire, ne cachent au fond jamais beaucoup leur (Grand) Jeu.

Si l’on constate que la part des dépenses militaires de la Chine va rattraper à échéance d’un dizaine d’années celle des Etats-Unis, c’est un conflit chaud plus qu’un statut-quo (celui-ci, au reste, prendrait-il la forme d’une nouvelle guerre froide) entre ces deux grandes puissances qui devrait être redouté. Quel en sera le déclencheur ? Un besoin vital de conquérir, de recouvrir un espace à proportion pour occuper des masses inassouvies et faire diversion en raison de graves troubles sociaux ? Une tentative de fusion-absorption de Formose qui se heurterait à une Marine américaine plus belligérante qu’escomptée [3] ?

Quoi qu’il en sera, bien documenté et, avant tout, plus intuitif que nombre de rapports de services spéciaux, nous pourrons désormais fouiner à loisir dans cette Guerre des empires, qui voit de loin les choses venir, comme un contre-espion s’immergerait dans une nouvelle centrale de Langley. 

 

Hubert de Champris

[1] voir notre recension de Kenneth Pomeranz, La Chine, l’Europe et la construction de l’économie mondiale, Albin Michel dans Liberté politique n°49, été 2010 et www.le magazine des livres.

[2] A ce sujet, la plume de notre auteur n’aurait-elle pas une seule et unique fois fourché lorsqu’il écrit (p. 140) : « Comme toujours, le banquier qui a trop prêté voit son sort lié à celui de son créancier. » Le créancier ne serait-il pas en l’espèce un débiteur ?

[3] voir Thierry Dussart, 2009, la troisième marine du monde dans Chine Plus n°11, juin 2009.


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