Nos coups de coeur

La belle mort de l’athéisme

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La belle mort de l’athéisme
  • Auteur : Philippe Nemo
  • Editeur : PUF
  • Année : 2012
  • Nombre de pages : 151
  • Prix : 15,00 €

Nemo Jekill, Nemo Hyde ! Ou comment les plus exactes, les plus profondes, les plus fines et les pertinentes analyses et synthèses frayent avec les plus discrètes, insidieuses mais non moins considérables erreurs de fait.

Voici qu’en ce recueil de textes et de conférences, nouveau Nautilus de l’histoire des idées, le professeur Nemo, capitaine et grand sous-marinier, draine les grands fonds sur lesquels échouent quelques-uns des grands préjugés que charrient encore, mais avec quelque peine faut-il le reconnaître, certains de nos contemporains, un Onfray par exemple, pour ne pas le nommer. L’athéisme est de ceux-là. Et Nemo, donc, nous décrit par le menu – un menu de banquet triste… plats refroidis, soufflés retombés… vous y reporter, merci – les motifs de son trépas. Le cœur de l’athéisme, s’il l’avait jamais été au reste ! ceux de ses affluents et confluents (matérialisme, scientisme, nihilisme etc … Nemo oublie le positivisme juridique de Kelsen [1]),  n’était plus irrigué. Pauvres victimes nullement regrettées de la fracture de la cocarde sans-culotte comme dirait ma concierge. Voilà son cœur asphyxié, et sans doute de cœur l’athéisme était-il de toute éternité dépourvu. Nemo fouaille la Bible comme un nouveau Saint Jérôme, vous sort le fondamental Droit et Révolution d’Harold Berman [2] pour en extraire l’argument de ce que le juriste américain nomme la «révolution papale» des XIème-XIIème siècles, montre qu’il a compris comme pas deux le Livre de Job pour, enfin, parvenir avec une apparente grande rigueur à conclure au génie du christianisme. Cerise de (toutes) saisons sur son gâteau, il nous sous-entend Platon sans verser dans le platonisme philosophique, plaçant même au-dessus du Beau et du Vrai, le Bien, alors qu’en bon logicien Nemo sait que le Vrai ne peut qu’être situé tout en haut puisque le Bien et le Beau ne sont jamais que la vérité du Bien et du Beau.

Et notre homme, même, de se faire le plus authentique évangéliste en rappelant dans son avant-propos que le christianisme s’insérait dans « le sillage de la charité du Christ ». 

A présent, revenons en arrière. Droit et Révolution est sous-titré : L’impact des Réformes protestantes sur la tradition juridique occidentale. C’est en cette occurrence que le grand officier Nemo, légiste et médecin-légiste de certains de nos défunts préjugés contemporains, s’embrouille dans ses scalpels : il ne distingue plus. Il amalgame sans en être conscient, en tous cas sans le dire, le calvinisme de Calvin et l’arminianisme et ses innombrables dérivés, subsume sous le mot de protestantisme à la fois les Réformations de Luther et de Calvin et celles effectuées par ce que le grand historien luthérien américain d’origine tchécoslovaque appelle la ‘‘Réforme radicale’’ ou ‘‘Gauche de la Réforme’’ [3], agglomère à la Tradition le libertarisme économique étato-sceptique (qui est, de droit et de fait, le faux parent de l’esprit évangélique et du canon de la foi). Bref, il ne se rend pas compte qu’il nous introduit le vers des erreurs et des falsifications qu’il dénonce dans le beau fruit que, par ailleurs, il encense et caresse.

Attendons-nous donc chez Nemo, dans les vingt ans qui viennent, à une metanoia intellectuelle, doctrinale. Son corps va ressembler à son verbe : nerveux, prolixe. Il va saisir que, dans la religion chrétienne plus qu’en toute autre, l’esprit n’est pas seulement dans la lettre : il en dépend. En un mot comme en cent, Nemo va se départir de son Kant à soi.

Hubert de Champris

 

[1] se reporter à Michel Troper, La théorie du droit, le droit, l’Etat, PUF et, du même, «La Souveraineté comme principe d’imputation » dans La nouvelle Union européenne (s.d. O. Gohin, A. Pécheul, préface de Jean Foyer), F.-X. de Guibert.

[2] Fayard.

[3] se reporter à son Histoire de la doctrine chrétienne, PUF/Quadrige.


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