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La Philosophie libérale

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La Philosophie libérale
  • Auteur : Alain Laurent
  • Editeur :
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Le " laissez-faire " (comme laissez-passer, et non comme laisser-aller), ses origines intellectuelles, ses auteurs fondateurs, ses courants, sa véritable portée, son actualité, tel est le sujet d'Alain Laurent. Car ce Laissez-faire est un inconnu, tant de fois brocardé, caricaturé, malgré Benjamin Constant ou Frédéric Bastiat, best-sellers du XIXe siècle : qui orthographie convenablement son nom ?

 

Avec pédagogie, l'auteur brosse un panorama complet de l'école libérale — il faudrait dire des écoles libérales, proposant une anthologie de définitions.

Retenons celle de Walter Lippman : " Le libéralisme, qui de par sa nature morale, est un défi à tout arbitraire, n'a pas en lui le principe substantiel du bien [...]. Le libéralisme se manifeste comme le principe gardien du bien. Le libéralisme n'est ni du quiétisme, ni de la faiblesse gouvernementale. Dans ses périodes de vigueur le libéralisme a toujours signifié la rébellion contre l'oppresseur et la détermination à mettre à la raison les agresseurs et les convoitises " (La Cité libre, 1938).

 

Ce libéralisme affirme la primauté du droit sur les intérêts individuels : laissez-faire, " ce n'est pas le signal donné à un laxisme marchand ou à une permissivité morale débridés, mais l'appel au respect effectif de la liberté d'initiative et contractuelle de tous les acteurs de la vie économique et sociale considérée aussi dans ses aspects les plus courants (en termes actuels : préparer sa retraite ou choisir l'école de ses enfants). À une condition expresse qui en limite moralement le champ : agir dans un cadre réglé par le principe de responsabilité individuelle, respecter les droits et libertés des autres — donc se situer sous le couvert et le contrôle du Droit " (p. 87).

 

Certains libéraux, Tocqueville, Stuart Mill, Spencer, Lippman, Röpke, Popper, Berlin, Aron, etc. conçoivent l'État comme le gardien de l'intérêt général et lui confient la mission d'harmoniser les intérêts individuels. D'autres, Mandeville, Ferguson, Smith, Turgot, Say, Constant, Bastiat, Mises, Hayek, préfèrent s'en remettre à la main invisible, à la perfectibilité, à l'ordre spontané, avatars plus ou moins bien laïcisés de la Providence.

 

Dans son ardeur à illustrer le libéralisme dans toute sa pureté, l'auteur règle ses comptes aux religions qui prétendent avoir portée législative, à commencer par le catholicisme : " Les valeurs libérales sont enracinées dans un irréductible processus de sécularisation des sociétés : dans une société ouverte, la foi ne peut qu'être affaire privée reposant sur la seule adhésion personnelle (ce qui ne l'empêche évidemment pas de pouvoir s'exprimer et s'organiser en libre association ayant pignon sur rue) " (p. 175-176). Pour Laurent, " aucun libéral cohérent ne peut cautionner les condamnations catholiques de la liberté individuelle et moderne de choix concernant la sexualité, l'avortement, l'euthanasie, l'hédonisme ou les techniques biomédicales. [...] Au regard de l'éthique libérale, l'intolérable n'est pas une critique de ces pratiques qui est en adéquation avec son principe d'intégrale libre expression mais la prétention de les faire interdire à tous par l'État " (p. 176).

 

Primat du Droit, comme l'affirme l'auteur : mais de quel Droit s'agit-il ? " Principe gardien du Bien ", comme le définit Walter Lippman ? Mais de quel Bien s'agit-il ? Alain Laurent donne à croire que les droits qu'il proclame sont sans limite et qu'il se moque du sort de ceux qui convoitent leur propre déchéance. Une lecture hâtive conduit à penser qu'il n'a cure de ceux à qui le droit positif retire tout moyen de défendre leur dignité. Le Bien dont son libéralisme se veut le gardien ne serait pas un Bien objectif, inscrit dans la nature de l'homme, et propre à le perfectionner.

 

Mais Laurent n'ignore pas que l'homme tire les leçons des expériences qu'il vit lorsqu'il subit les conséquences de ses actes : la responsabilité est mère de sagesse. Ce faisant, il ne nie pas la loi naturelle. Il dénonce, à juste titre, la menace que le tout-État fait peser sur la liberté des hommes. Et, jetant le bébé avec l'eau du bain, il dénie à l'État le pouvoir de reconnaître le Bien qu'il lui demande pourtant défendre. Il prend ainsi le risque de laisser chaque homme à ses propres lumières et de priver l'humanité de ses propres progrès. Dommage pour un athée.

 

Arnaud Pellissier-Tanon