Une fois encore, la communication du gouvernementale sur l’avènement du travail du dimanche laisse songeur. Voici, proposée par le ministre de l’Économie, la haute civilisation des centres commerciaux et du plateau-repas devant la télévision.
Oui, nous en sommes là… À cette noble ambition, s’ajoute un argument habilement décliné : non, le travail étendu n’est pas une généralisation. Ce serait même peanuts, à entendre le gouvernement, au regard du principe du repos hebdomadaire réaffirmé, un acquis ouvrier qui ne serait pas du tout en danger. Les ZTI (zones touristiques internationales) ne concerneraient d’ailleurs que 6% de l’espace parisien… Rien de plus fourbe.
Dimanche is money
En réalité, Paris n’étant pas que commerces, le chiffre réel avoisine plutôt les 30% avec les 531 rues concernées par le nouveau zonage. Si ouvrir les magasins le dimanche dans la capitale n’était pas grand-chose, pourquoi s’obstiner à le faire ? Pourquoi dépenser tant d’énergie, de tours de passe-passe pour l’obtenir ? Pourquoi tant d’unanimité à droite comme à gauche du côté des puissances d’argent ?
Qu’on arrête de prendre les Français pour des niais : les grosses enseignes ne se cachent même plus pour capter les parts de marché restantes des petits commerces. Elles veulent devenir toujours plus grosses et à n’importe quel prix. La morale et la justice, ce n’est pas pour elles ! Time is money, la gratuité du dimanche doit tomber. La généralisation du travail le dimanche est bel et bien là. Le paiement double et le volontariat ne sont que « fumisterie ». Sur tous ces points, les syndicats ont raison.
Après le 49.3, négation de la représentation nationale
L’amendement dit « Bompard », écrit au Sénat mais rejeté à l’Assemblée nationale en juin dernier, doit ainsi finir de nous ouvrir les yeux. L’amendement de circonstance, entièrement fait pour le PDG de la FNAC, comme en son temps l’amendement félon Confokéa d’Isabelle Debré, est sorti par la porte pour revenir par la fenêtre. La fenêtre ? Entendre le projet de décrets que Bercy vient de rendre public. Les quatre ZTI promises sont subitement devenues douze et dans chacune d’elle se trouve curieusement une FNAC. Non content de gouverner par 49.3, le gouvernement Valls promet des décrets de la Loi Macron niant la représentation nationale. C’est du beau !
Dans l’émission On refait le monde du 19 août sur RTL, même Yves Thréard, directeur-adjoint de la rédaction du Figaro, acquis comme tout son journal au travail le dimanche, favorable à Emmanuel Macron, semblait choqué de la manip échafaudée en plein cœur des vacances. Ne l’entend-on pas, dès le début de l’émission, affirmer que « le libéralisme, c’est pas n’importe quoi non plus » ? Posture d’opposition anti-gauche systématique ou réelle prise de conscience ?
Il n’est pas jusqu’à Roland Cayrol qui ne se lâche : le gouvernement « se fiche du monde ». Refusant de tourner autour du pot, il conclut : les zones retenues pour l’ouverture des magasins à Paris le dimanche et la nuit « ne sont pas des zones touristiques, ce sont des zones commerciales ». Beaugrenelle, Millénaire, même combat ?
Bien mal acquis ne profite jamais
Nul besoin de dire ici que les syndicats dupés sont furibards. Ils le sont d’autant plus que les jours du ministère du Travail autonome ont l’air d’être comptés au profit d’un super pôle à Bercy. On concéderait malgré tout un vague secrétariat d’État au dialogue social.
La bataille du travail dominical n’est en tout cas pas finie et promet encore quelques offensives épiques.
Reste pour finir des détails tristes mais hautement symboliques annonçant le fiasco à venir.
Le premier concerne les Chinois qui devaient affluer dans les commerces le dimanche à Paris. Avec la crise boursière de cet été, m’est avis que leur envie de voyages en France tournera court.
Le deuxième : un Centre Leclerc, ouvert le samedi 15 août toute la journée, a subi dans le même week-end une panne de ses toutes nouvelles armoires réfrigérantes l’obligeant à en jeter le contenu le lundi. Cela donnerait-il raison au proverbe italien : « L’argent gagné le dimanche s’envole par les fenêtres » ?
Hélène Bodenez a publié A Dieu, le dimanche ! (Ed. Grégoriennes, 2010).
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