Ce mercredi 26 novembre, Louis Daufresne recevait sur Radio Notre-Dame son grand témoin, le député Jean-Frédéric Poisson, très engagé sur le front du travail du dimanche , cité aussi bien dans Libération que dans le Figaro. Alors que se répand la perspective d'un compromis entre les députés de la majorité, le vice-président du Forum des républicains sociaux fait le point en invitant à ne pas baisser la garde : Rien n'est encore fait.

Le débat est difficile : quand les uns sont sur les positions de principes, les autres font des tentatives d'améliorer les modalités , mais il y a bonne volonté de part et d'autre . La loi sera-t-elle débattue avant Noël ? Rien n'est moins sûr. La conférence des présidents du 25 novembre n'a pas inscrit le sujet à l'ordre du jour du mois de décembre.

Le député des Yvelines expose d'abord ce qui divise. Il y a d'une part ceux qui craignent que cette loi ne contienne en germe l'ouverture de la porte à la régulation par le seul marché d'un certain nombre d'activités économiques et de la vie quotidiennes des Français ; d'autre part ceux qui disent : Faisons l'effort de régulariser des situations devenues aujourd'hui absurdes.

Pour Jean-Frédéric Poisson, le temps du repos est essentiel dans la société moderne, et le dimanche en est un : La course à la richesse pour elle-même, et sans limites n'est pas bonne, ni pour les individus ni pour la société. Il faut surtout contenir ces intentions libérales qui traversent l'esprit de nos gouvernants et leur rappeler qu'il y a aussi des bornes dans l'existence. Le député des Yvelines poursuit son réquisitoire : Si on ouvre cette brèche, encore une fois c'est le marché qui va prendre la main sur les activités humaines. Ça n'est pas encore le cas. Or il y a encore beaucoup de régulations dans l'économie française : C'est ce qu'on appelle le modèle français. On est à un point d'équilibre qui n'est pas inintelligent. Je ne dis pas que c'est idéal. Mais trop de marché tue le marché. Trop d'oxygène rend ivre.

Objections
L'objection vient du journaliste Yves de Kerdrel, joint durant l'émission par téléphone, auteur d'une chronique acide dans le Figaro du mardi 18 novembre intitulée Les contre apôtres du travail dominical . Il convoque le fil rouge des Écritures, la liberté et la charité, pour regretter l'incapacité des évêques à comprendre la nécessité de libérer le travail du dimanche. L'économiste ne croit pas que cela déstructurerait la vie familiale . Il sait bien que le "gagner plus" n'est pas une philosophie de vie (Soljenitsyne l'avait dit avant eux dans le discours de Harvard) , mais au nom de la charité, il vaut mieux des gens qui travaillent plus avec un salaire multiplié par deux . Il n'y a pas selon lui d'antinomie avec ce que disent les Écritures : On n'est pas du tout dans un matérialisme à tout crin d'un gagner plus, comme le pensent les évêques. Il s'agit de promouvoir la liberté de travailler pour donner plus de moyens aux travailleurs pauvres .

La réponse de Jean-Frédéric Poisson est limpide :

  L'exigence de repos dominical, un jour par semaine pour honorer son Dieu, afin de vivre longtemps, est faite pour qu'il y ait des temps de respiration personnelle, mais aussi des temps de respiration sociétaux. La dimension collective ne peut pas être complètement dissociée de la dimension personnelle. Le travail du dimanche est un repère collectif et un temps de repos personnel, à maintenir à tout prix. [...] Sur le plan évangélique, je n'ai pas de conseils à donner aux évêques. Ils ont très bien parlé en mettant l'accent sur la vie personnelle et la vie sociale de ce temps de repos. Concluant l'université d'été du Medef, le cardinal Barbarin a reçu une standing ovation pour avoir averti : "Si vous ne respectez les commandements [de Dieu], ce sera la guerre."

Sur cette question du repos, il faut faire très attention : c'est une chose chimiquement instable [...]. La création de richesses qui serait issue d'une généralisation du travail du dimanche est plus que douteuse, car je ne crois pas dans la possibilité d'un volontariat réel [...].  Pour Jean-Frédéric Poisson, il y a deux manières d'entrer dans la question : la première légaliser une situation qui est illégale , ce qui une fois de plus revient à affaiblir le principe de l'obéissance à la loi (on légalise la transgression) ; la deuxième, la validation de la fuite en avant, car ce projet contient en germe l'instauration du principe de la concurrence sans limite (entre les territoires, entre les gens, entre les commerces) et nous mettrait en situation de ne pas pouvoir résister à une logique de marché qui emportera tout avec elle .

Et pourquoi ne pas laisser faire chacun comme il veut ? Supprimer les contraintes, comme la gêne occasionnée (les magasins bondés le samedi), serait un prix très cher payé par rapport au coût induit pour l'ensemble du corps social. La vocation des pouvoirs publics consiste à encadrer la liberté personnelle pour le bien de tous. Pour quelle raison ne pas autoriser à travailler le dimanche ? Parce qu'il y a des motifs supérieurs.

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