ESPLANADE DES INVALIDES, jeudi 18 avril, 23h30. Un groupe compact de jeunes gens, calmes, déterminés, impressionnants. Ils chantent le mariage entre l’homme et la femme. Autour d’eux, des forces de l’ordre en surnombre, nerveuses et suréquipées.

Des refrains pacifiques et doux, entrecoupés de longs silences, et soudain, la brutalité aveugle, stupide, d’hommes lourdement armés, chargés d'obéir à des ordres politiques insensés.

Quatre-vingt Veilleurs, comme ils se nomment, sont entassés sans ménagement dans des véhicules grillagés. Conduits à vive allure au fin fond du nord de Paris, ils sont retenus un long moment, debout, dans un car surchauffé, puis parqués pendant plus de trois heures dans une cour cernée de barbelés.

Ils jouent, chantent, discutent, entourés par de nombreux, trop nombreux policiers, qui ne jouent ni ne chantent. Puis on les emmène par paquets dans des couloirs où ils attendent debout, toujours étroitement surveillés, qu’ils puissent enfin décliner leur identité.

Lorsqu’ils sont relâchés, au coeur de la nuit, ils se retrouvent livrés à eux-mêmes, jetés sur des trottoirs inconnus.

Motif de leur arrestation : « participation à une manifestation interdite ».

Parmi eux, tout au long de ces longues heures, nous avons vu des forces de l’ordre qui passeront, et une jeunesse qui ne passera pas : cette jeunesse de héros et de saints, par lesquels passera le relèvement de la France.

 

François Billot de Lochner
Philippe de Saint-Germain

 

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Visionner les images des Veilleurs sur l'Esplanade des Invalides, notamment la nuit du 18 avril.