La caractéristique de notre époque est son satanisme soft. On perd son âme sans s’en rendre compte, comme l’écrevisse qui bout dans la cocotte-minute perd sa vie. L’infiltration de ce pourrissement culturel rend la résistance difficile, tant les manèges du monde subtil altèrent tout. Mais nous ne sommes pas seuls.

Le 18 novembre dernier, le pape François a admirablement exécuté le culte de la mondialisation dans sa forme actuelle au cours de sa messe à Sainte-Marthe, en montrant les voies de la résistance dans l’espérance.

J’ai eu la grâce de recevoir en italien cette belle déclaration de guerre digne de Léon Bloy, modèle littéraire du Saint-Père — et récemment condamné en France par le juge des référés de Bobigny, au mépris de toute considération intellectuelle et de toute analyse textuelle [1]. Regrettons toutefois que le texte intégral de l’homélie du pape ne soit pas disponible [2]

La compromission progressiste

Le pape François a évoqué les racines perverses de la mondanité. Commentant les Macchabées (1 M, 10-64), il a insisté sur le fait qu’en voulant éviter l’isolement des autres nations, le peuple hébreu était tombé dans les griffes du roi ("compromesso con il re"). Le mot d’ailleurs de compromission est d’une grande richesse étymologique, toute chrétienne. « C’est comme si, disait le Saint-Père, en se rappelant les moutons de Panurge, ces Hébreux avaient dit, nous sommes progressistes, et donc nous allons où vont tous les gens. »

Dans un centre commercial ? Pensez aussi aux milliards d’âmes pantelantes et pendues aux derniers clips des chanteuses Gaga et Rihanna (un demi-milliard de connexions sur Youtube par chanson, pas de quoi se rassurer sur notre état mortel et spirituel)… Mais le Saint-Père a continué sans se démonter dans l’indifférence médiatique : « C’est l’esprit du progressisme adolescent. »

On sait depuis Philippe Muray que la jeunesse – et pas seulement la vieillesse – peut aussi être un naufrage. L’adolescence muée en adulescence par les temps qui courent, signifie depuis Elvis ou les Beatles, soumission au commerce du divertissement, culte des marques et de la Bête, sexe, drogue, rock’n’roll, soumission aux lois de la société spectaculaire. Elle signifie surtout Faire comme tout le monde.

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« Ce progressisme adolescent, dit le Saint-Père (je traduis mot à mot), croit qu’aller en avant à tout prix vaut mieux que demeurer dans les habitudes de la fidélité. Cela s’appelle apostasie, adultère, parce qu’on négocie et marchande (mercanteggia : quelle belle parole en italien !) l’essentiel : la fidélité au Seigneur. »

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L’uniformité hégémonique de la pensée

Le pape a ensuite précisé à quoi nous assistions comme dans un spectacle idiot (Deleuze parlait d’un mauvais film pour notre monde moderne) : « C’est la globalisation de l’uniformité hégémonique, c’est vraiment la pensée unique. Et cette pensée unique est le fruit de la mondanité. »

Reprenant sa lecture des Maccabées, le Saint-Père ajouta que « tous les peuples se sont adaptés (adeguarsi : se rendre égal, s’ajuster) aux ordres du roi, ils acceptèrent aussi son culte, sacrifièrent aux idoles et profanèrent le sabbat ».

Je poursuis ma citation qui se passe de commentaires [3] :

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« Ces gens ont négocié la fidélité au seigneur ; ces gens, mus par l’esprit du monde, ont négocié leur propre identité, ont négocié leur appartenance à un peuple, un peuple que Dieu aime tant, un peuple que Dieu veut comme le sien propre. »

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Quelle fatigue ce pape ! C’est tellement mieux d’aller faire du shopping ! Et de se connecter !

Sacrifices humains

Toujours aussi au fait de la grande actualité culturelle, le pape a cité le roman de Robert Hugh Benson — Le Maître du monde — et il a bien évoqué l’avortement justement baptisé sacrifice humain (reliez de Maistre au passage, sur les sacrifices, avant que ce ne soit interdit par le police de la pensée de la Hollandie…) : « Mais vous pensez qu’aujourd’hui on ne fait pas des sacrifices humains ? Mais on en fait tellement, tellement ! Et il y a des lois qui les protègent ! »

Bref, l’important pour le chrétien, même dans un monde sataniquement possédé par la mode (elle est terrible en Italie, elle y détruit surtout le sexe masculin, et ce n’est pas un hasard), le fric ou les médias, est de ne pas désespérer. Je laisse le pape conclure – en italien : « Tuttavia, esiste ancora un punto di speranza per gli uomini perché Dio “rimane a loro fedele… alla mano del Signore andremo sicuri” ».

À la main du Seigneur, nous irons si sûrs.

 

En savoir plus :

La synthèse de l’homélie du pape François, par l’Osservatore Romano

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[1]. Le 13 novembre 2013, le juge des référés de Bobigny, sur une plainte de la Licra, a ordonné la censure partielle du Salut par les juifs de Léon Bloy, pour « antisémitisme ». Sans doute cette œuvre de Bloy a eu le tort d’être rééditée en mauvaise compagnie par un éditeur proche de l’extrême-droite, mais pour Pierre Glaudes, professeur de littérature à l’Université Paris-Sorbonne, « il y a eu méprise » (Ndlr).
[2] Je renvoie au compte-rendu excellent de l’excellent journal Tempi.it.
[3] On peut télécharger sur ebooksgratuits.com l’Exégèse des lieux communs de Bloy, pour comprendre en riant le caractère effarant et comique des bourgeois progressistes qui dirigent la Hollandie d’une main de fer rouillé…