Source [Conflits] : Hier placé au cœur de la civilisation chrétienne et européenne, le centre de gravité de l’Occident s’est déplacé en Amérique au XXe siècle. Les atlantistes des deux rives rêvent néanmoins d’un pilier européen de l’Occident qui protégerait les États-Unis de ses démons et l’Europe de ses velléités d’autonomie stratégique.
Article paru dans le numéro 47 de septembre 2023 – Occident. La puissance et le doute.
« L’Occident regarde la mer et l’Orient regarde la montagne. » C’est avec cette citation de Paul Claudel puisée dans L’oiseau noir dans le soleil levant, que le dictionnaire Larousse illustre l’énigme civilisationnelle que constitue « l’ouest » dans notre imaginaire géopolitique. De fait, l’Occident semble une notion insaisissable, comme un navire voguant sur l’océan, un nouveau monde fluide, plat et horizontal, sujet à toutes les interprétations, à toutes les équivoques. Dernièrement, le maire du Havre, le plus grand port français de notre façade atlantique, a choisi pour symbole de son nouveau parti, Horizon, une grande ligne blanche sur fond bleu. Ce monde horizontal qui sépare la mer et le ciel s’opposerait, si l’on suit le poète, au refuge vertical et continental de la montagne orientale.
De l’Europe à l’Amérique
De la Jérusalem hébraïque à la Rome paulinienne, de la Sorbonne de Paris à la Réforme anglo-saxonne, l’Occident chrétien n’a cessé de se déplacer vers l’ouest, jusqu’aux réveils protestants des églises américaines. Tandis que les patriarches grecs-orthodoxes conservent fidèlement leurs rituels, le mouvement woke, qui prospère aux États-Unis et qui arrive chez nous en écho, pourrait s’inscrire dans cette tradition du réveil et de la réforme, de la déconstruction de la foi et des dogmes collectifs.
Politiquement, l’Europe occidentale a suivi la même route. Endigué à l’est par les forêts et les steppes du monde orthodoxe et défié au sud par la conquête musulmane, l’Occident s’est d’abord confondu avec la chrétienté romaine, conquérante ou assiégée. Quand le Génois Christophe Colomb se lance à travers l’Atlantique, le monde occidental s’ouvre à un nouveau monde héliocentrique, une terre américaine considérée comme pure et vierge de toute histoire. Les autochtones sont réduits à quantité négligeable. Adossée à un continent gigantesque et nourrie par des vagues successives de colons européens, l’Amérique anglo-saxonne ne tarde pas à s’émanciper du foyer d’origine à la fin du XVIIIe siècle.
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