Source [Valeurs actuelles] Emmenés par le député du Vaucluse Julien Aubert, 14 députés Les Républicains critiquent la gestion de la crise du coronavirus par le gouvernement, dans une lettre adressée au président de la République.
Monsieur le Président,
Le lundi 23 mars dernier nous vous avons adressé un courrier dans lequel nous vous interrogions sur un certain nombre de points concernant la gestion de la crise sanitaire actuelle.
Nous notons avec satisfaction que vous avez progressivement évolué vers certaines des préconisations que nous avions établies. Ainsi, le changement de doctrine en matière de tests a été pris simultanément à notre courrier, avant de trouver une application plus concrète le 6 avril lorsqu’Olivier Véran a annoncé un plan de dépistage dans les EHPAD. Sur l’utilisation possible de l’hydroxychloroquine, un décret du 26 mars a rendu possible son administration, avant qu’un décret correctif ne la restreigne aux cas les plus graves, mais nous y reviendrons.
La situation ayant évolué sur plusieurs points, nous nous permettons de vous écrire à nouveau car de nouvelles interrogations — quinze au total — surgissent et car nous n’avons pas reçu de réponse à notre premier courrier. Nous avons numéroté dans le corps de cette lettre ces 15 questions, de manière à faciliter votre réponse, qui, nous n’en doutons pas, nous parviendra.
De nouvelles interrogations surgissent et nous n’avons pas reçu de réponses.
Dans notre premier courrier nous vous interrogions tout d’abord sur la composition du conseil scientifique, notamment sur la façon dont ses membres ont été sélectionnés et sur quels critères. Surtout, nous vous demandions de nous indiquer comment les décisions sont prises en son sein, ainsi que le rôle du président du conseil.
Depuis, il semblerait que le professeur Raoult ait claqué à demi-mot la porte de ce comité et vous avez créé un second comité au nom anglophone, un choix curieux, le CARE pour : « Comité analyse, recherche et expertise », à la tête duquel vous avez installé Françoise Barré-Sinoussi, une épidiémologiste spécialiste du VIH. Celle-ci a dans le Monde insisté sur l’impératif de la “rigueur scientifique”, notamment en ce qui concerne l’utilisation de l’hydroxychloroquine, “dont l’efficacité n’a pas été prouvée de façon rigoureuse”, selon elle, en parlant de faux-espoirs.
Pourtant, vous avez vous-même décidé de vous rendre en personne rencontrer le professeur Raoult, jeudi 9 avril, après près de deux mois de polémiques et de débats intenses, manifestant ainsi votre soutien à la recherche de l’IHU de Marseille.
Il semblerait que notre stratégie sanitaire soit prise en otage de querelles de personnes, voire mandarinales. Dans notre premier courrier, nous souhaitions connaître la répartition entre les spécialistes d’épidémies de maladies aiguës et ceux spécialistes du traitement des épidémies d’infections chroniques (de type VIH par exemple). Votre choix d’une spécialiste du VIH très critique du professeur Raoult ne fait que renforcer notre interrogation première.
À ces interrogations, que nous vous renouvelons respectueusement, nous souhaiterions ajouter aujourd’hui la question suivante : (1) pourquoi, vue l’importance de ce conseil dans les décisions publiques prises pour gérer la crise actuelle, ne pas avoir demandé à ses membres de publier une déclaration d’intérêt à l'image de ce qui est prévu par la loi pour les membres des commissions et conseils siégeant auprès du ministre en charge de la santé ?
Pour quoi ne pas avoir demandé aux membres de votre conseil scientifique de publier une déclaration d’intérêts ?
En effet, les détracteurs des uns et des autres se plaisent à souligner les liens de tel ou tel avec l’industrie pharmaceutique, ce qui ne peut qu’alimenter les thèses complotistes.
Par ailleurs, notre premier courrier pointait que le conseil scientifique n’était pas uniquement composé d’épidémiologistes et d’infectiologues, mais aussi par exemple d’experts en modélisation mathématique. Par conséquent, nous souhaiterions avoir des précisions sur les hypothèses et les modèles qui ont présidé à la décision de mettre en place un confinement en France. En effet, celui-ci aurait été instauré, d’après nos informations, à la suite de la présentation d’une étude du Professeur Neil Ferguson de l’Imperial College, établissant une fourchette de 300 000 à 500 000 morts en France en l’absence de toute mesure de restriction de circulation. Peut-on toutefois considérer ce modèle infaillible ?
L’épidémiologiste britannique Roland Salmon relève ainsi que le modèle mathématique sur lequel cette modélisation s’appuie s’est trompé concernant la pandémie de grippe de 2009, ce qui a amené le Cabinet Office britannique à critiquer l’année suivante l’utilisation de ce modèle sans réflexion.
Aussi, (2) pouvez-vous nous indiquer si d’autres hypothèses et études ont été prises en compte avant de décider de mettre en place cette mesure, et si vous vous appuyez sur d’autres modèles pour décider de son prolongement ? (3) Est-ce que le fait qu’un des membres du Conseil scientifique soit un ancien chercheur de l’Imperial College aurait pu interférer avec une éventuelle critique scientifique de leur modèle ?
Par ailleurs, une étude publiée récemment et réalisée par le cabinet américain Boston Consulting Group prévoit pour la France un pic épidémique pour la troisième semaine de mai, et une fin de confinement au plus tôt à la mi-juin et au plus tard lors de la dernière semaine de juillet. (4) Pouvez-vous nous indiquer les hypothèses qui ont prévalu en faveur du scénario envisagé aujourd’hui par le gouvernement pour le 11 mai ?
Pourquoi tant de revirements dans la communication gouvernementale ?
La date du 11 mai qui a été retenue, beaucoup plus tardive que nos voisins espagnols, inquiète notamment les personnels des établissements scolaires et les parents d’élèves qui ne comprennent pas pourquoi les restaurants et les bars seraient plus dangereux que des salles de classe. Elle interroge ensuite car en gardant les frontières ouvertes avec l’Espagne, on autorise des citoyens espagnols porteurs du virus à venir propager ce dernier ici. Où est la logique ?
De manière plus générale, nous nous interrogeons sur la pertinence d’un confinement par éclipses. S’agissant d’un virus qui se propage de manière exponentielle et qui sature au bout d’un certain moment un seuil de capacité qui est légèrement en augmentation, toute période de déconfinement ne peut que se traduire par une saturation à brève ou moyenne échéance si le virus est encore sur le territoire puisqu’il croit par deux toutes les 72h.
En ce qui concerne le port du masque nous nous étonnons des nombreux revirements en matière de communication gouvernementale. En effet, le 20 mars dernier, la porte-parole du Gouvernement déclarait : « Les masques ne sont pas nécessaires pour tout le monde. » Vendredi 3 avril c’est pourtant une toute autre parole qui était portée par le Directeur général de la Santé Jérôme Salomon : « Nous encourageons le grand public, s’il le souhaite, à porter des masques… » Il est vrai qu’entre-temps la production de masques alternatifs s’est multipliée, que l’AFNOR a publié un guide de fabrication de masque chez soi et que l’Académie de médecine a recommandé le port du masque pour tous. Monsieur le Président, comment une telle attitude des pouvoirs publics ne pourrait pas nous amener à penser que les consignes qui ont été données en matière de masques ont été adaptées aux stocks disponibles ?
Il s’agit d’une question particulièrement cruciale car on ne saurait tolérer que des consignes de sécurité aient été modifiées pour dissimuler l’incurie de l’État.
Sur ce point, cette situation nous interroge : (5) qu’avait préconisé le Conseil scientifique en matière de port du masque pour la population au début de l’épidémie ? (6) Comment comptez-vous prendre en compte les recommandations formulées par l’Académie de médecine le vendredi 3 avril, en sachant que votre intervention du 13 avril n’était pas très précise ? (7) Comment expliquer que plusieurs pays européens (la République Tchèque dès le 19 mars, la Slovaquie, la Slovénie, l’Autriche depuis le 30 mars) aient déjà imposé le port du masque ou d’une protection du visage dans les lieux publics et que nous ne l’ayons toujours pas fait ? Surtout, (8) pourquoi le ministre de l’Intérieur a-t-il décidé d’entraver l’action des communes qui souhaitaient imposer le port du masque, en demandant le retrait des arrêtés municipaux pris en ce sens ?
Nous vous avons également interrogé Monsieur le Président sur le retard pris par la France en matière de dépistage massif de la population. Le lundi 6 avril, les 75 laboratoires départementaux d’analyse ont enfin été mobilisés pour participer à l’effort de dépistage, chose qu’ils ont eux-mêmes demandé le 15 mars. Trois semaines sont ainsi passées entre leur demande et leur mobilisation effective. Trois semaines précieuses qui ont malheureusement été perdues. Aussi, Monsieur le Président, (9) pouvez-vous nous indiquer quelle est désormais la capacité de tests de notre pays, à la fois en tests de dépistage du virus et en tests sérologiques visant à détecter l’immunité ?
Pourquoi ne réserver le traitement préconisé par le professeur Didier Raoult qu’aux cas graves, alors qu’il doit être appliqué dès l’apparition des premiers symptômes ?
Par ailleurs, dans notre courrier du 23 mars nous vous alertions sur les résultats positifs obtenus par le traitement préconisé par le docteur Raoult à base d’hydroxychloroquine en association avec de l’azithromycine, dans le traitement du COVID-19, et vous demandions, compte tenu de la situation d'urgence, de les prendre en compte. Le ministre des Solidarités et de la Santé a ensuite publié le 25 mars un décret réglementant les conditions de prescription des spécialités à base d'hydroxychloroquine, sans les réserver explicitement aux cas graves. Deux jours plus tard un nouveau décret, venant préciser le premier, en restreignait la portée en ne réservant le traitement qu’aux cas graves. Aussi, Monsieur le Président, nous nous interrogeons : (10) pourquoi ne réserver ce traitement qu’aux cas graves, alors que le professeur Raoult considère que le traitement doit être appliqué dès l’apparition des symptômes pour être réellement efficace ? (11) De ce point de vue-là, est-ce que l’étude Discovery et celle actuellement en cours au CHU d’Angers sont réalisées de sorte que ce caractère liant précocité du traitement avec son efficacité puisse apparaître ?
Une étude réalisée par des médecins chinois et publiée en ligne sur MedRxiv le 14 avril n’a pas constaté de résultats positifs sur des patients traités avec de l’hydroxychloroquine. (12) Pouvez-nous indiquer si les études qui se déroulent actuellement en France et en Europe sont conduites avec les mêmes paramètres ou si des différences notables doivent être constatées ?
Quels que soient les débats scientifiques ayant lieu sur l'efficacité des spécialités à base d'hydroxychloroquine dans le traitement du COVID-19, il est aujourd'hui nécessaire, par application du principe de précaution, de constituer des stocks de ces médicaments au demeurant peu onéreux. (13) Pourriez-vous nous indiquer si vous entendez prendre des mesures pour constituer des stocks de ces médicaments, et anticiper, le cas échéant, leur utilisation pour un traitement à grande échelle ?
Pourquoi ne pas avoir fait appel aux compétences de l’ANSM ?
En outre, l'avis rendu par le Haut Conseil de la Santé publique le 24 mars 2020 relatif aux recommandations thérapeutiques dans la prise en charge du COVID-19 est systématiquement visé par les textes réglementaires relatifs aux restrictions de prescription des spécialités à base d'hydroxychloroquine. Cette instance, quelle que soit la compétence de ses membres, ne regroupe pas que des médecins, mais également des experts en sciences sociales. Il est permis de s'interroger sur leur compétence pour évaluer l'efficacité d'un médicament. (14) Pourquoi n'avez-vous pas fait également appel aux compétences de l'ANSM dont le rôle habituel est d'évaluer le rapport bénéfice/risque des médicaments ?
Enfin, le vendredi 20 mars dernier plusieurs organes de presse révélaient que vous aviez été destinataire le 5 septembre 2016 d’une note confidentielle rédigée par l’actuel Directeur général de la Santé Jérôme Salomon. Cette note pointait notamment l’impréparation de la France face à un risque pandémique. (15) Aussi, Monsieur le Président, pouvez-vous nous indiquer si vous et le gouvernement avez tenu compte des recommandations de cette note dans la politique que vous avez menée depuis 2017 ?
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l'expression de notre très haute considération.
Signataires :
- Julien Aubert, député du Vaucluse
- Claude Melquior, député suppléant du Vaucluse
- Thibault BAZIN, député de Meurthe-et-Moselle
- Valérie BOYER, député des Bouches-du-Rhône
- Alain DUFAUT, sénateur de Vaucluse
- Bernard FOURNIER, sénateur de la Loire
- Philippe GOSSELIN, député de la Manche
- Sébastien MEURANT, sénateur du Val-d’Oise
- Bérengère POLETTI, député des Ardennes
- René-Paul SAVARY, sénateur de la Marne
- Guy TEISSIER, député des Bouches-du-Rhône
- Patrice VERCHERE, député du Rhône
- Stéphane VIRY, député des Vosges
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