Les députés français ont souhaité que le sang de cordon ne soit plus considéré comme un déchet opératoire mais comme une ressource thérapeutique et scientifique de premier plan. A Rome, dans un discours adressé samedi 26 février 2011 aux membres de l'Académie pontificale pour la Vie, Benoît XVI a encouragé les institutions à promouvoir le don de sang de cordon dans un  esprit de solidarité authentique .

La France a pris la mesure de son retard

Le sang de cordon va enfin bénéficier du statut juridique qu'il mérite. Ainsi en a décidé l'Assemblée nationale le 15 février dernier lors du vote en première lecture du projet de loi relatif à la bioéthique. Les députés ont prévu de modifier le code de la santé publique pour faire du sang de cordon une ressource thérapeutique et scientifique d'intérêt stratégique pour la politique de santé de la France. Le Sénat ne devrait pas rencontrer de difficulté particulière pour confirmer une proposition qui semble dépasser les clivages politiques.

Une décision d'autant plus attendue quand on sait que le sang de cordon et le cordon lui-même recèlent différentes classes de cellules souches déjà utilisables en thérapie. Prélevés au moment de l'accouchement, les quelques millilitres de sang recueilli dans le cordon et/ou le placenta peuvent sauver une vie en étant greffés chez des patients, adultes ou enfants, atteints de pathologies hématologiques graves comme les cancers (leucémies, lymphomes,...) ou des maladies génétiques sévères comme la drépanocytose ou les thalassémies. Ce sont en fait plus de 85 maladies qui peuvent être traitées selon ce protocole.

Le sang de cordon est en effet riche en cellules souches hématopoïétiques, ce qui en fait une alternative majeure à la transplantation de moelle osseuse plus difficile d'accès. A ce jour, plus de 20 000 greffes de sang de cordon ont été pratiquées dans le monde[1]. Depuis 2006, il existe en France plus de patients ayant bénéficié d'une greffe de sang de cordon que de moelle osseuse, le nombre de poches transplantées augmentant de près de 60% chaque année depuis 2003.

En 2010, la France a dû importer quasiment les 2/3 des greffons. Longtemps à la traîne, avec seulement trois banques et huit maternités collectrices en 2008, notre pays a décidé de donner un sérieux coup d'accélérateur pour augmenter son stock d'unités. En fin d'année dernière, on comptabilisait ainsi neuf banques opérationnelles et 32 maternités ayant reçu l'agrément de prélèvement. En 2013, 60 maternités intégrées au réseau français de sang placentaire devraient couvrir 20% de toutes les naissances dans notre pays. Si en novembre 2010 la France disposait de 10 000 unités de sang de cordon, ce sont 30 000 unités qui devraient être conservées en 2013 (on estime que pour répondre aux besoins de la population il en faudrait 50 000).

 La France a enfin pris sa collecte en main, s'est félicité la sénatrice de Paris Marie-Thérèse Hermange, auteur d'un rapport très documenté sur la question en 2008. Elle va dorénavant mieux participer à l'effort de solidarité internationale [2].  Contrairement à ce que l'on pense, la France compte déjà parmi les premiers pays exportateurs de sang de cordon. Qui plus est reconnu unanimement au niveau international pour la qualité de conditionnement et de conservation de ses greffons.

Donner le sang de cordon peut sauver une vie

L'idée, il faut le reconnaître, a tout pour séduire mamans et équipes soignantes : la naissance d'un enfant peut désormais sauver une vie. C'est même l'engouement si l'on en croit un sondage récent révélant que 87% des personnes en âge de procréer se déclarent prêtes à faire don du sang de cordon de leur enfant à des fins thérapeutiques, 91% d'entre elles à des fins scientifiques (Grégory Katz et al., Transfusion, in press).

Lorsque Montpellier a ouvert sa banque en mars 2010, toutes les maternités publiques et privées du secteur ont fait acte de candidature pour participer à la collecte, même si cela supposait de former l'ensemble de l'équipe et de dédier à cette activité une sage-femme à temps plein (Le Figaro, 1er février 2011). Si les Françaises sont enthousiastes, il faut cependant pas oublier que 30% seulement des prélèvements seront retenus après sélection rigoureuse des échantillons pour être en conformité avec les normes internationales.

Une recherche scientifique prometteuse

Sur le plan de la recherche scientifique et clinique, les perspectives sont également très prometteuses contrairement aux cellules souches d'origine embryonnaire. En effet, à côté des cellules souches sanguines, le cordon ombilical et le placenta contiennent d'autres catégories de cellules souches adultes susceptibles d'être différentiées en cellules spécialisées ainsi que l'a révélé un rapport récent de l'Académie nationale de médecine.

Les études que nous avions présentées dans ces colonnes (Libertepolitique.com, 5 mars 2010) montrent que le cordon et les annexes placentaires génèrent des quantités très importantes de cellules souches dites mésenchymateuses dotées de qualités désormais bien établies : outre le fait qu'elles ne soulèvent aucun problème éthique, ces cellules sont facilement accessibles, possèdent de réelles capacités de différentiation et sont très bien tolérées sur le plan immunologique lorsqu'elles sont injectées dans un organisme étranger. Autant de propriétés qui ouvrent la voie à des thérapies cellulaires innovantes.

En 2009, 112 essais cliniques ont été réalisés dans le monde à partir de ces cellules, parmi lesquels 19 essais de phase I et II portant déjà sur des applications en médecine régénérative (source : FDA-EMEA, 2010). Des chiffres impressionnants qui n'ont malheureusement guère été mis en avant durant les travaux parlementaires. À comparer avec les rares essais à base de cellules embryonnaires qui ne sont en réalité que des tests de tolérance et d'innocuité.

Une alliance public-privé sans précédent

C'est dans ce contexte qu'il convient de saluer l'initiative de la Fondation Générale de la Santé, émanation du premier groupe hospitalier privé, qui a annoncé en fin d'année dernière son alliance avec l'Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) dans la collecte de sang de cordon (communiqué de presse du 30 novembre 2010). L'objectif de ce partenariat public-privé sans précédent est double.

En premier lieu il s'agit de participer à l'effort de prélèvement des échantillons de sang de cordon en élargissant le maillage national des maternités collectrices. Première pierre apportée au dispositif, l'hôpital privé de la Seine-Saint-Denis est venu rejoindre en janvier différents établissement publics de la région parisienne. Comptabilisant plus de 2700 naissances annuelles d'origines ethniques variées, la contribution de cet hôpital privé va permettre de recueillir des greffons aux profils génétiques rares et diversifiés.

On sait que ce point est essentiel pour mettre un terme à la pratique du double DPI dite du  bébé-médicament . Cette action de mécénat va également permettre de former les obstétriciens et les sages-femmes aux bonnes pratiques de prélèvement en vigueur et informer au mieux les femmes sur l'intérêt de ce don solidaire. C'est le volet thérapeutique.

Mais il existe également un volet scientifique extrêmement novateur. Les circuits d'approvisionnement en échantillons de sang de cordon et de cordon à des fins scientifiques sont actuellement peu mis en valeur, ce qui pénalise les chercheurs français. La Fondation générale de la santé, en lien notamment avec le laboratoire public de thérapie cellulaire de l'hôpital Saint-Louis à Paris, a créé un point d'accès permettant de distribuer à l'ensemble de la communauté scientifique des échantillons préparés dans des conditions optimales. L'intérêt est en effet de ne pas laisser perdre les quelques 70 % d'unités non validées pour un usage thérapeutique et de les mettre à la disposition des équipes scientifiques.

C'est ainsi que l'hôpital Saint Louis vient de mettre en place un Centre de ressources biologiques uniquement dans le but de développer la recherche scientifique et clinique dans le champ de la médecine régénérative à partir des cellules souches de cordon. Un conseil scientifique est chargé d'examiner les demandes des équipes afin de répondre au mieux à leurs besoins.

Un enjeu de solidarité humaine et chrétienne

La stratégie encouragée jusqu'ici par les pouvoirs publics est celle du don solidaire, anonyme et gratuit, dans l'intérêt d'une personne ayant besoin d'une greffe. Les députés sont restés sur cette ligne lors des débats parlementaires : du fait de l'absence d'indication thérapeutique et des dérives éthiques constatées à l'étranger, l'implantation de banques autologues pour un usage strictement personnel du sang de cordon devrait demeurer interdite sur le sol français. Pour autant, le système est souple puisqu'est autorisé le don dédié à l'enfant né ou au bénéfice de ses frères et sœurs en cas de nécessité thérapeutique.

Dans un discours adressé aux membres de l'Académie pontificale pour la Vie réunis pour leur congrès annuel consacré aux thèmes des  banques de cordon ombilical  et du  traumatisme post-avortement , Benoît XVI a encouragé les institutions, les scientifiques et l'ensemble de la communauté civile à faire le choix de  la valeur de la solidarité  et de  recherches valides sur le plan éthique . Pour le Pape, l'utilisation des cellules souches provenant du cordon ombilical reflète éminemment ces valeurs  visant à la promotion du bien commun  : Il s'agit d'applications cliniques importantes et de recherches prometteuses sur le plan scientifique mais dont la réalisation dépend beaucoup de la générosité au niveau du don du sang de cordon au moment de l'accouchement et de l'adaptation des structures pour rendre praticable la volonté du don de la part des femmes qui accouchent .

Benoît XVI fait du don de sang de cordon un enjeu de  solidarité humaine et chrétienne vraie et consciente . Fort logiquement, le Pape a émis un jugement très négatif sur le fonctionnement de banques privées de sang de cordon à usage strictement personnel :

 De nombreux chercheurs médicaux regardent avec perplexité, à juste titre, la floraison de banques privées pour la conservation du sang de cordon pour un usage personnel exclusif. Une telle option – comme le démontrent les travaux de votre assemblée – non seulement est dépourvue d'une réelle supériorité scientifique par rapport au don de cordon, mais elle affaiblit l'esprit de solidarité authentique qui doit constamment animer la recherche de ce bien commun auquel tendent, en dernière analyse, la science et la recherche médicale .

C'est cette vision d'envergure qu'ont retenu les députés français. Lors du réexamen de la loi de bioéthique, ils ont en effet souhaité répondre aux deux défis posés par le sang de cordon : développer l'aspect thérapeutique en encourageant l'effort national de prélèvement d'une part et aider les chercheurs à développer leurs travaux dans un but scientifique d'autre part.

L'Assemblée nationale a ainsi prévu de modifier comme suit le code de la santé publique :  Le prélèvement de cellules hématopoïétiques du sang de cordon et du sang placentaire ainsi que des cellules du cordon ou du placenta ne peut avoir lieu qu'à des fins thérapeutiques ou scientifiques et à condition que la femme, durant sa grossesse, ait donné son consentement par écrit à un tel prélèvement  (art. L. 1241-1). Un sujet de satisfaction pour tous ceux qui sont attachés au développement d'une médecine régénérative ne sacrifiant pas l'éthique du respect de la vie humaine.

 

En savoir plus :

La voix de la conscience morale. Le discours de Benoît XVI aux membres de l'Académie pontificale pour la vie, 26 février 2011

 

 

 

[1] Tous les chiffres cités dans cet article sont issus des données de la Fondation générale de santé.
[2] Delphine Chayet,  Pourquoi conserver le sang du cordon ombilical du bébé , Le Figaro, 1er février 2011.