Source [Valeurs Actuelles] : En marge du conflit, la prolifération de matériels de tout type inquiète. Mafias et groupes terroristes y voient une opportunité pour s'équiper à moindres frais d'armes redoutables. Dans leurs mains, des outils capables de détruire aussi bien fourgons blindés qu'avions de ligne.
À un checkpoint improvisé dans l’ouest de l’Ukraine, non loin de la frontière polonaise, un groupe de civils lourdement armé fait le tri des voitures qui tentent de quitter le pays. Parmi eux, de jeunes étudiants, canette de bière dans une main, AK-47 dans l’autre, montent la garde. Pour passer, il faut en moyenne s’acquitter de quelque 10 000 dollars en liquide. Depuis le début du conflit, les hommes en âge de combattre sont en théorie tous mobilisés. Sortir du pays leur est interdit sauf autorisation spéciale. Seulement ici, ce ne sont pas des policiers qui contrôlent mais des miliciens qui n’appliquent qu’une seule loi, la leur. Certains expatriés français ont eu affaire à eux en quittant Kiev par la route en mars dernier.
Dès les premiers jours de combat, le président Volodymyr Zelensky a ouvert les arsenaux afin d’équiper à la va-vite un maximum de civils à travers le territoire, pour enrayer l’avancée russe. Parmi ces armes, un grand nombre a déjà disparu, vendu au marché noir. Il s’agit en général de fusils d’assaut qui vont grossir les catalogues des trafiquants et trouver preneur en Europe occidentale, où elles ont la valeur marchande la plus forte. De 200 euros en Ukraine, elles peuvent se négocier jusqu’à 2 000 euros. De quoi équiper tout type de réseaux clandestins, mafias, petite criminalité, mais aussi groupes islamistes et extrémistes en tout genre.
Une grande partie des armes que l’Occident fournit à l’Ukraine pourrait se retrouver entre les mains de criminels en Europe
Mais ce scénario, typique de la plupart des conflits, est cette fois plus préoccupant que les précédents du fait de son ampleur et de sa proximité avec nos frontières. Le premier à tirer officiellement l’alarme est le secrétaire général d’Interpol, l’Allemand Jürgen Stock. Lors d’une récente conférence à Paris il explique : « Une grande partie des armes que l’Occident fournit à l’Ukraine pourrait se retrouver entre les mains de criminels en Europe. Cela arrivera, je n’en doute pas… Les criminels s’en occupent en ce moment même, pendant que nous parlons. Même les armes lourdes utilisées par l’armée seront disponibles sur le marché criminel […] Une destination probable pour ces armes, car les prix sur le marché noir sont nettement plus élevés en Europe, notamment dans les pays scandinaves. »
Contacté par nos soins, Interpol précise qu’il est encore très difficile de quantifier le phénomène, mais que la menace est bien réelle. Un constat partagé par Europol, l’agence européenne de police criminelle. Sa directrice, Catherine De Bolle, déclare dans un entretien au quotidien Die Welt : « Nous voulons éviter de connaître la même situation qu’il y a trente ans, lors de la guerre des Balkans. » Elle indique qu’Europol va mettre en place « un groupe de travail international pour développer des stratégies » afin d’enrayer les réseaux de contrebande venant d’Ukraine.
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