[Source : Nouvelles de France]
Donald Trump va-t-il à nouveau créer la surprise au mois de Novembre ? Sa capacité de le faire jusqu’à présent n’a jamais été en défaut depuis sa candidature aux Primaires républicaines.
Son personnage est en-soi surprenant car paradoxal. Vu de France, il paraît invraisemblable. Certains cherchent à le mettre dans une case. Ce n’est pas facile. A gauche, Manuel Valls dont l’ennemi prioritaire est « le populisme qui rôde » a parlé de « trumpisation » des esprits, une manière d’identifier le candidat républicain à la Présidence des Etats-Unis à Jean-Marie Le Pen et à la « lepenisation » comme vecteurs du danger populiste. Un entrepreneur milliardaire qui attire à lui non le monde des affaires, mais le peuple des sans-voix, des oubliés du système, ce n’est pas banal.
Le vénérable « Grand Old Party » a donc, contre tous les pronostics initiaux, investi un candidat hors-norme qui a fait choir tous les notables qui étaient ses rivaux, les modérés comme les conservateurs. La Convention d’investiture a totalement échappé à la tradition. Les grandes figures du mouvement étaient absentes, les Bush notamment. Les présents n’ont guère manifesté d’enthousiasme : Marco Rubio et Paul Ryan ont fait le service minimum. Ted Cruz ne s’est pas rallié. Les médias ont souligné les défections et raillé le plagiat de Mme Trump reprenant des formules de Mme Obama en 2008. Certains commentaires n’hésitent pas à parler de désastre et des membres du parti craignent sa division et des résultats calamiteux pour le Congrès.
En fait, ces aspects négatifs ont peu de prise sur Donald Trump puisque sa stratégie consiste précisément à bousculer l’ »Establishment », que ce soit celui du Parti Républicain aujourd’hui, ou le clan Clinton et le Parti Démocrate demain. C’est ce que lui demandent ses fervents supporters et il aurait tort de les décevoir. Il a simplement et habilement présidentialisé son discours en évitant les outrances et les vulgarités, mais en maintenant sa ligne. « Son » candidat à la Vice-Présidence, Mike Pence, consacre ce recentrage très relatif. Contrairement à la tendance majoritaire au sein du parti, Trump est un empirique, pas un doctrinaire. Marié trois fois, il n’est pas un conservateur religieux ou compassionnel et s’intéresse peu aux problèmes sociétaux comme le mariage homosexuel contre lequel le programme républicain s’est clairement prononcé. Il a vampirisé le « Tea party » tombé de 32% à 17% des électeurs. Le libertarisme avec lui se fait concret : certes, libérer le pays réel de l’emprise de Washington, laisser les Etats libres de leurs choix, sauvegarder le second amendement et la liberté de porter des armes, mais aussi favoriser avant tout l’emploi, pousser à l’augmentation du salaire minimum et ne pas préserver l’imposition des plus riches. Ce cocktail de libéralisme et de populisme fait mouche chez les « laissés-pour-compte » de la mondialisation.
« L’Amérique d’abord », « la Loi et l’Ordre », rendre aux Etats-Unis, leur sécurité, leur fierté, leur grandeur, tels sont les points forts d’un discours qui met l’accent sur la protection plus que sur la liberté. Au premier rang, figure la sûreté des Américains et de l’Amérique. Les événements nationaux et internationaux insufflent une force exceptionnelle à ce discours qui rend bien pâles les paroles politiquement correctes de sa concurrente, Hillary Clinton. Le massacre d’Orlando, suivi par deux assassinats de policiers à l’intérieur, la tuerie de Nice, et maintenant l’attentat de Münich semblent le justifier et soulignent l’aveuglement et l’inefficacité de la classe politique en place. L’évolution de l’opinion publique en Europe et les votes récents montrent que le rejet de l’oligarchie politique par une partie grandissante de la population devient un phénomène essentiel dans les démocraties occidentales. L’anathème de « populiste » jeté avec mépris par l’Establishment risque de devenir un boomerang pour ceux qui le lancent.
La lutte contre le crime et le terrorisme s’accompagne également d’une remise en cause de l’immigration , sujet beaucoup plus délicat aux Etats-Unis qu’en Europe tant les immigrés ont façonné l’histoire et le développement du pays. La consolidation de la frontière mexicaine, la limitation des visas pour les ressortissants des pays dangereux, et notamment musulmans, répondent à la fois aux préoccupations en matière de sécurité et à la crainte des travailleurs d’être concurrencés par les immigrés. La protection du travail américain amène également le candidat républicain à briser le tabou libéral du libre-échange.
La présidence Bush a correspondu à un pic du messianisme américain en faveur de la démocratie y compris au moyen d’interventions militaires qui avaient peut-être d’autres objectifs plus économiques qu’idéologiques. L’échec de cette politique a été suivi par un messianisme « mou » sous le règne d’Obama, mêlant un respect marqué pour l’islam sunnite à la poursuite de la guerre par drones et troupes spéciales, tandis que la bonne vieille guerre froide contre la Russie était restaurée. Donald Trump veut mettre fin à cette stratégie désastreuse, demander plus aux alliés, leur promettre moins et retrouver un terrain d’entente avec la Russie de Vladimir Poutine. On ne peut que l’approuver tant la politique menée depuis Clinton par les Etats-Unis est responsable du monde angoissant qui est aujourd’hui le nôtre.
L’élection présidentielle aux Etats-Unis de 2016 sera beaucoup plus intéressante pour les Européens que la précédente. Malgré la distance culturelle, et en dépit de ce personnage de milliardaire populiste et grand communicant haut en couleurs assez improbable en Europe, la similitude des affrontements politiques est cette fois frappante. Deux forces vont se heurter : d’un côté, l’establishment, les notables soumis à la pensée commune malgré leurs différences politiques superficielles et soutenus par la majorité des médias ; de l’autre, une large partie de la population qui ne supporte plus la caste qui dirige, qui cumule privilèges, mépris et absence de résultats. Dans cette bataille, Donald Trump s’embarrassera peu d’idéologie. Il sera patriote, comme Nixon et Reagan, raisonnablement conservateur, mais sans plus.
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