Paul a fait partie des organisateurs du Téléthon dans sa région. Catholique, enthousiasmé par l'élan de générosité et de compassion qui animait cette œuvre collective, il en a peu à peu découvert la face cachée.

C'est en conscience qu'il a renoncé à participer au Téléthon. Il nous a adressé son témoignage.

"EN TANT QU'ANCIEN PROMOTEUR et organisateur du Téléthon, je tiens à exprimer toute ma sympathie et mon profond respect à l'égard des familles atteintes par la maladie ainsi qu'à tous les dévoués bénévoles et généreux donateurs du Téléthon qui donnent sans compter de leur temps et leur argent. Cette souffrance et cette absence de réponse définitive, cet échec apparent face à la maladie et la mort nous laissent chacun révolté, et c'est, croyez-moi, avec la plus grande humilité que je tâche de m'exprimer dans ce propos sur un sujet aussi délicat dont il peut paraître si facile de parler.

[...] Étant donc "un peu" au courant de ce qui se passe dans ce domaine pour l'avoir abordé en tant qu'homme curieux de toutes les questions qui touchent à la vie et à la souffrance de ses semblables, puis en tant que catholique mais également et surtout fort de l'expérience que j'ai acquise en prenant une part non négligeable à l'organisation du Téléthon en 2005, en tant que président d'association et coordinateur d'un collectif, je pense pouvoir m'exprimer sur le sujet en connaissance de cause et apporter ainsi un témoignage crédible qui pourra susciter voire nourrir une certaine réflexion.

Comme certains le savent, c'est avec grand cœur que je me lançais à la conquête du Téléthon 2005 et ce malgré les nombreuses discussions échangées avec quelques amis catholiques, qui plus est hommes et femmes de science puisqu'ils sont chercheurs, médecins ou pharmaciens, qui tentèrent de m'avertir en vain, à l'époque, de la dérive éthique du Téléthon, les laissant à leurs convictions parce que j'y croyais dur comme fer, comme tous ceux et celles qui oeuvrent et donnent de leur temps et de leur argent dans cette formidable aventure humaine et à qui il faut rendre hommage.

Surprise

Quelle ne fut pas ma surprise alors de découvrir, et de toucher ainsi du doigt, ce qu'est vraiment la manipulation génétique d'une part, et de l'autre l'énorme machine à engranger de l'argent qu'est l'organisation du Téléthon. Attention ! ce dernier point n'est pas, par principe, péjoratif, dans la mesure où le carburant est nécessaire pour faire tourner le moteur : il s'agit simplement d'une réalité ; celle d'une machine bien rôdée, bien structurée, qui place la récolte de fonds comme priorité première, a priori totalement assumée, mais au détriment, à mon sens, d'une relation plus proche aux autres, d'une écoute attentive, détriment qui engendre des malentendus et nous a fait marcher parfois, mes compagnons et moi, en eaux troubles, comme nous en avons fait la triste expérience [...].

Tout d'abord, il est faux d'entendre que l'Église ou les catholiques sont contre le Téléthon. Voire même de dire que certains catholiques le sont plutôt que d'autres, laissant croire ainsi qu'il y a une division profonde sur le sujet. Ce n'est pas ainsi qu'il faut poser le problème même si cela arrange. L'Église soutient fondamentalement tous les mouvements qui vont dans le sens du soulagement de la souffrance dans la mesure où ceux-ci le font dans le respect de la vie et de la dignité de l'homme. Rappelons les propos de Jean- Paul II lui-même : " Je salue ensuite de grand cœur les promoteurs de l'initiative noble du Téléthon [...], ceux ci se préoccupent d'accomplir [...] une œuvre importante. L'engagement et la recherche scientifique [...] constituent un message encourageant pour notre temps..." (audience générale du mercredi, 4 décembre 1996). Ou encore : "Dans les prochains jours, une initiative appelée "Téléthon" aura lieu en Italie pour combattre la dystrophie musculaire et d'autres maladies génétiques. Il s'agit d'un projet de solidarité auquel je souhaite un grand succès, tandis que j'assure de mon souvenir dans la prière les personnes et les familles qui souffrent de cette maladie. " (Angelus du 8 décembre 1999).

Basculement

Mais le problème est survenu lorsque l'A.F.M. a commencé à envisager de faire pratiquer des manipulations génétiques sur l'embryon et a fait voter en été 2004 (période de vacances!) une loi novatrice l'y autorisant. Là, l'Église dit : attention! on touche à la vie. De quel droit ? Ainsi, lorsque ladite association engage des récoltes de fonds destinés, certes, et en partie, aux laboratoires de recherche, mais dont la conséquence in fine de certaines d'entre elles est la destruction radicale d'embryons, donc de la personne humaine, l'Église, effectivement, ne peut plus en être d'accord et, dans ce cas, ne peux appeler qu' à la plus grand vigilance voire, effectivement, condamner purement et simplement tout ce qui de près ou de loin porte atteinte à la vie dans son état le plus fragile.

"L'embryon devra être défendu dans son intégrité [...] comme tout autre être humain" (cardinal Ratzinger, Donum Vitae). "L'Eglise soutient et respecte la recherche scientifique, lorsque celle ci conserve une orientation authentiquement humaine, en se gardant de toute forme d'instrumentalisation ou de destruction de l'être humain et en conservant son indépendance vis-à-vis des intérêts politiques et économiques" (Jean-Paul II, discours aux membres de l'Académie pontificale pour la Vie, 24 décembre 2003).

Alors, vous pouvez, théoriquement, demander que les dons que vous effectuez soient exclusivement affectés aux programmes de recherche autres que ceux sur l' embryon. Mais quid alors de la traçabilité de votre don dans la masse? Cette possibilité ne serait-elle pas alors purement démagogique et à tout le moins inefficace? Il existe d'autres organismes privés qui oeuvrent dans le domaine de la recherche génétique qui ne font aucune recherche sur l'embryon.

[...] Ne nous méprenons pas! La manipulation génétique n'est pas un soin. Et le bébéthon, dans ce contexte, n'est que le produit d'une sélection d'embryons humains dont les malades (ses petits frères ou petites sœurs diront certains) sont purement et simplement éliminés comme de vulgaires plans de tomate en devenir. Or, dans l'inconscient collectif, et c'est malheureux, il est si facile d'associer bébéthon et thérapie . Quant à la légalité, est-telle un gage de moralité? Certainement pas : les philosophes et les juristes le savent bien.

Alors peut-on ou doit-on blâmer ceux qui par ignorance ou désespoir choisissent, en dépit de la raison, de favoriser la destruction des embryons? À mon avis, certes non. Devant des cas de figures aussi douloureux, devant de telles détresses, il n'y a jamais de mots suffisants. Cette souffrance est bien réelle. Au delà de ce que nous pouvons imaginer. Il ne peut y avoir que le témoignage de parents qui acceptent de laisser vivre et d'accueillir leur enfant malade et celui des malades eux mêmes. Eux seuls peuvent attester, en connaissance de cause, qu'en attendant la découverte d'un remède, toute vie vaut la peine d'être vécue [...].

Chacun fait selon sa conscience

Voici donc le fruit de ma réflexion, couchée sur le papier, qui se veut témoignage mais également explication de ma volte-face brutale et radicale aux autorités qui m'ont demandé à maintes reprises de renouveler l'opération Téléthon cette année. Et bien entendu, loin de moi l'idée de juger qui que ce soit! Chacun fait selon sa conscience. Encore faut-t-il que celle ci soit éclairée comme le fût naguère la mienne (merci Thierry, merci Brigitte, merci aux autres qui se reconnaîtront peut être). C'est le seul et unique but de ma démarche parce que je crois en ce que je dis et que je sais à quel point nous sommes tous trop souvent mal informés sur certains enjeux et sur la vie de l'Église, nous contentant parfois, par commodité ou manque de temps, du ouï dire ou d'articles très superficiels, même s'ils ont tout de même le mérite d'exister.

Enfin, s'il on a bien entendu le droit de ne pas être d'accord avec l'Eglise, de la traiter de "rétrograde", j'ai relevé dans Nice Matin le commentaire de l'un des fondateurs du Téléthon dans le Sud-Est en 1987, Roger Delacroix qui, interrogé, déclare : "Je ne suis pas catholique pratiquant mais à l'époque, si l'on m'avait dit que l'on irait vers ce type de pratique, il est certain que j'aurais été moins enthousiaste. Il faudrait que l'AFM se démarque clairement de ces pratiques".

Pour en savoir plus :

■ Le témoignage complet de Paul sur son blog http://telethonselecthon2006.hautetfort.com/

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