Quinquennat Macron-Hollande : une catastrophe économique

Comment l’échec de la maîtrise des dépenses publiques pendant le quinquennat Hollande a abouti à une catastrophe sur le front de l’investissement public.

La publication des chiffres du PIB, le 28 avril, révèle la poursuite de la baisse des investissements publics depuis le début de l'année (-1.4% d'ores et déjà acquise pour l'instant en 2017). Quelles sont les conséquences, à court et à long terme, d'une telle baisse des investissements publics, qui perdure depuis plusieurs années ?

Francesco Saraceno : Les investissements publics sont une composante de la demande agrégée, donc leur baisse freine la croissance de court terme. Et ceci comme toute réduction des dépenses publiques ou privées, il n'y a aucune différence selon les postes de dépense. C'est un des freins à la croissance actuelle, il n'y a pas à chercher plus loin. En revanche, ce qui est important avec ce chiffre de baisse c'est qu'il s'agit d'une baisse qui perdure depuis très longtemps, ce qui veut dire que les stocks de capitaux publics de la France sont en train de se détériorer, comme l'OFCE l'a montré dans un rapport publié en novembre dernier.

Ceci nuit non seulement à la croissance à court-terme, comme je viens de le dire, mais aussi à la perspective d'une croissance à long terme. La croissance potentielle de la France est nécessairement affectée de façon négative.  En fait la littérature récente montre que le capital public a un impact positif sur la productivité de l'investissement privé, et donc sur la croissance de court et de long terme.

Alors que le gouvernement s'était engagé à soutenir l'investissement en France, comment comprendre un tel mouvement ? Peut on considérer qu'il s'agit avant tout d'une réaction des collectivités locales suite à la baisse de leurs ressources ? L'investissement public est il le premier poste amputé lorsque des "réductions de dépenses" sont demandées ? 

Cette réduction s'inscrit dans un processus généralisé d'austérité. Le gouvernement est en train d'essayer de rentrer dans les paramètres fixés par la commission européenne. Nous savons très bien que la France s’acquitte de ce devoir avec beaucoup plus de modération que d'autres pays – qui ont pu, eux, connaître une austérité très forte. Elle a résisté à cela, et c'est une bonne nouvelle, mais il y a quand même une tendance à la baisse et au contrôle des dépenses publiques, tant au niveau local que central. Cela explique pourquoi il y a une chute de l'investissement qui perdure dans le temps. Il est vrai que le gouvernement s'était engagé dans en une politique très differente. En 2012, quand François Hollande était arrivé au pouvoir, il avait affirmé vouloir en terminer avec l'austérité. Cela ne s'est pas passé comme cela, on le sait très bien et il est inutile de refaire l'histoire : Il n'en reste pas moins que la France est dans la même mouvance que d'autres pays, même si, je le répète, on est plus modéré et que l'on continue à être considéré comme le mauvais élève (je dirais, pour ma part, le bon élève) de l'Union européenne en terme de finances publiques.

Une deuxième chose est à prendre en compte. Il faut dire que la baisse des investissements publics est une tendance pernicieuse commune à tous les pays de l'OCDE, et ne peut donc pas être expliquée exclusivement par l’austérité de l'UE et par le règles européennes. Il y a un autre raison de cette chute, qui est que l'investissement public est une dépense qui est beaucoup moins visible que les dépenses courantes. Si on ne construit pas une autoroute ou un hôpital, si on met fin à un projet de TGV qui aurait été opérationnel dans 15-20 ans, si on ne fait pas d'entretien sur une centrale nucléaire, tout cela est beaucoup moins visible, dans la perception du public, qu'une baisse des salaires des fonctionnaires ou qu'une autre réduction des dépenses courantes.

C'est un problème généralisé : dans tous les pays de l'OCDE et en particulier dans les pays européens qui ont été confrontés à l'austérité, les gouvernements face aux choix de diminution des dépenses se tournent le plus souvent vers ces dépenses qui sont probablement plus utiles mais « invisibles » d'une certaine façon aux yeux de l'opinion publique. C'est un choix qui s'avère bien meilleur à court-terme pour la popularité et la survie du gouvernement. Ce n'est pas typiquement français, c'est le cas  dans presque tous les pays de l'OCDE. C'est pourquoi à mon avis les règles européennes sont inadaptées : si on avait une règle comme la règle d'or qui a été appliquée pendant quelques années par Gordon Brown au Royaume-Uni, obligeant les pays à financer par les revenus courants les dépenses courantes tout en permettant de recourir à la dette pour financer les investissements, le biais contre l'investissement public pourrait disparaître, sans pour autant nuire à la soutenabilité des finances publiques.

A contrario, des organismes comme le FMI ont pu soutenir une relance de l'activité par le biais de l'investissement public, quelles en seraient les conséquences ? Quels seraient les risques d'une telles stratégie du point de vue du budget et de la dette ? 

Le FMI, mais aussi l'OCDE et d'une façon un peu voilé la Commission européenne et la Bce (c'est tout le paradoxe européen!) disent que dans le contexte actuel l'investissement est  un repas gratuit (free lunch). Du fait des taux d’intérêt très bas, le coût de l'investissement public est assez limité. En outre, vu l'état des infrastructures dans la majorité des pays européens et aux Etats Unis, la productivité de ces investissements, est très élevée. Si les coûts sont au plus bas, et les rendements au plus haut, il n'est pas étonnant que l'investissement puisse être un repas gratuit. Il soutiendrait la croissance de court et de long terme, donc faisant augmenter le dénominateur du rapport entre dette et PIB. LE FMI en 2014 affirmait ainsi qu'une augmentation à très court terme de la dette suite à une augmentation de l'investissement public serait vite renversée, et que à moyen terme il y aurait une tendance à la baisse de la dette. Dans ces circonstances, l'investissement soutient la croissance à court-terme et à long terme et en faisant ainsi arrive dans le même temps à rendre plus soutenable les finances publiques.

Source : Atlantico