Confiant dans le résultat des élections prud'homales, [ce 11 décembre (Ndlr)], le congrès des syndicats chrétiens du 12 au 15 novembre à Toulouse, a plébiscité ses nouveaux dirigeants. Reste à clarifier la communication : une image déconnectée des principes sociaux chrétiens précipiterait la CFTC dans le piège d'une audience éphémère avant marginalisation.

Très uni, le congrès de la CFTC, a rendu hommage à Alain Deleu, président sortant, porté Jacques Voisin à la présidence de la CFTC, reconduit Jacky Dintinger au secrétariat général et s'est aisément accordé sur l'orientation de la centrale pour les trois années à venir. Le tout sur fond de sondages et rumeurs optimistes quant aux résultats des prud'homales. Seule ombre au tableau, la communication de la CFTC, aujourd'hui peu disante sur l'originalité de l'organisation, n'a guère été discutée, et pourtant.

"C comme constructif " proclamait il y a quelques semaines le répondeur téléphonique de la CFTC, enfonçant ainsi le clou du récent slogan de campagne "CFTC, le syndicat constructif". Ah bon ! On aurait pourtant juré que le deuxième " C " signifiait chrétien.

Soyons sérieux. Le sigle CFTC , abréviation de Confédération française des travailleurs chrétiens mérite, certes, un mot d'explication pour une organisation syndicale non confessionnelle qui réunit, heureusement, des salariés de bonne volonté bien au-delà des milieux chrétiens. La CFTC doit évidemment indiquer à ses adhérents comme à ses interlocuteurs pourquoi elle inspire son action de la morale sociale chrétienne, alors qu'elle ne s'adresse pas aux seuls chrétiens. Elle doit faire valoir que ces principes, historiquement formulés par l'Eglise, à laquelle on rend justice en les qualifiant de "chrétiens", expriment mieux que toute idéologie connue la vérité sur l'homme et sur ce que doit être une société faite pour des êtres humains.

Comme l'ont maintes fois exprimé les papes eux-mêmes, la doctrine sociale de l'Eglise ne vise pas à permettre aux chrétiens de vivre en chrétiens : elle s'attache à formuler avec précisions ce minimum de valeurs universelles qui doivent être respectées pour que tout homme puisse vivre en homme. C'est si vrai que la centrale "chrétienne" a toujours compté des non chrétiens parmi ses militants et que, a contrario, les catholiques peu portés sur cette doctrine sociale se tournent toujours vers d'autres organisations syndicales. Souvenons-nous, par exemple, des prêtres ouvriers qui militaient à la CFDT ou, plus souvent encore, à la CGT communiste, jamais à la CFTC !

Seule organisation syndicale utilisatrice de ce trésor dans notre pays, la CFTC justifie pleinement son existence au service du monde du travail. Ses valeurs étant les plus universelles qui se puissent imaginer, elle détient aussi le meilleur potentiel de développement, même s'il est aujourd'hui fortement contrarié par la culture ambiante. A condition d'enseigner sérieusement ce corpus doctrinal à ses militants pour en inspirer réellement son action. A condition aussi de ne pas s'ingénier à ressembler aux autres dans son image publique.

"La CFTC le syndicat constructif". Mais la CFDT aussi aujourd'hui, et peut-être davantage ! "Nous, on veut mettre l'homme au centre de l'économie." Mais FO et la CGC également ! "A la CFTC, on est pour la dignité du travailleur" voire "pour la tolérance et la solidarité". Ah, parce que les autres sont contre ? De tels propos souvent entendus du 12 au 15 novembre à la tribune du congrès de Toulouse, à l'image de la communication récente de la centrale, ne rendent pas justice aux valeurs, principes d'action et spécificité du syndicalisme chrétien. Heureusement, ils n'épuisaient pas non plus l'inspiration profonde, autrement précise et opérationnelle, dont témoignaient l'expérience des militants et dirigeants côtoyés au hasard des rencontres dans le centre des congrès.

Pour progresser de façon significative aux élections prud'homales, le 11 décembre prochain, la CFTC aura intérêt à dévoiler les trésors qu'elle détient et que les autres organisations ne peuvent offrir aux salariés, sur le travail et sa valeur pour la personne et la société, sur l'entreprise, l'autorité et la subsidiarité, sur le juste salaire, sur la famille et les corps intermédiaires, etc. Et dans les mois à venir, pour la négociation des grands dossiers qui s'ouvrent comme celui des retraites ou de l'assurance maladie, la CFTC devra une fois encore faire fond sur ses ressources originales pour dénouer les antagonismes systématiques, bloquer les fausses bonnes idées et promouvoir des solutions conformes à l'intérêt véritable des personnes et au bien commun. Alors pourquoi gommer cette identité ?


France Catholique 60, rue de Fontenay 92350 Le Plessis-Robinson


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