Source [Boulevard Voltaire] C’est une grande victoire sur l’adversité, nous dit-on : pour la première fois, une « marche des fiertés » (Gay Pride, en français vernaculaire) s’est déroulée, dimanche, dans la capitale du 9-3, à Saint-Denis exactement.
C’était la toute première « Marche des fiertés en banlieue ». Pas n’importe quelle banlieue, on l’a bien compris.
Illustration par la polémique qui éclata, en 2016, autour des propos du chevelu Chevènement, l’INSEE précisant alors que, si les Français étaient majoritaires à Saint-Denis – mais pas les Français de souche –, on y recensait pas moins de 134 nationalités. Chose qui faisait dire à notre sourcilleux Jean-Pierre que la ville où reposent les rois de France est l’illustration même d’« un échec du “processus de l’intégration” et des “problèmes d’équilibre de la société française ». Ouhhhh… le vilain garçon !
Le brave Chevènement voulait dire, on le suppose, qu’il n’y avait plus guère de visages pâles autour de la basilique, mais bon, vous savez ce que c’est, il faut rester prudent. D’ailleurs, l’INSEE interdit de détailler la liste de ces nationalités de façon exhaustive. En effet, nous dit-on, « en dessous d’un certain seuil de population, il y a un principe de “confidentialité statistique” » ». Sic.
J’aime bien ça, la confidentialité statistique. C’est un truc qui préserve de tout… sauf de l’homophobie, sans doute, puisqu’il paraît qu’elle est plus vindicative là qu’ailleurs. Allez savoir pourquoi…
Bref, le millier de personnes qui ont défilé dans Saint-Denis aux couleurs de l’arc-en-ciel « entendaient lutter contre l’homophobie et montrer que l’on peut s’afficher lesbien, gay, bi ou trans même dans les zones les plus sensibles ». Défilé sage, au demeurant, où l’on s’est gardé d’arborer les tenues hautement provocatrices et carnavalesques qui sévissent à Paris.
Il n’empêche, le reporter envoyé par Europe 1 a entendu quelques râleurs dans la foule, comme ce jeune homme de 16 ans qui déclare : « Ça me choque franchement de voir ça dehors, comme ça… J’ai 16 ans, je n’ai pas envie de voir des gens comme ça dehors. » Ou cet autre, plus véhément : « Dans les lieux publics, ils font des trucs pas bien, comme s’embrasser. Même un homme et une femme qui s’embrassent dans la rue, ce n’est pas bien, mais encore plus avec eux. » Choc des mondes… Une jeune fille des Tarterêts raconte ainsi : « Du temps où j’ai fait mon coming out au lycée, ça a été deux ans d’harcèlement, d’insultes, d’injures, de crachats, de coups et… deux à trois bastons par jour. »
Comment dire… Je vais poser une question épouvantable mais qui me paraît la seule à devoir être posée : quelle nécessité y a-t-il à faire son « coming out » ? De façon plus générale, pourquoi les gens, aujourd’hui, éprouvent-ils le besoin de balancer leur intimité à la face du monde ?
Objectivement, le monde s’en fout – du moins, il me semble. Personnellement, je n’éprouve nullement le besoin de savoir ce que mon voisin fait dans sa chambre à coucher, avec qui et comment. C’est sa liberté, elle lui est aujourd’hui acquise par la loi. Il peut faire ce qu’il veut, comme il l’entend, et même désormais épouser dans son genre, alors, où est le problème ? Plutôt : quel est ce problème qu’on se refuse à nommer ?
Allons-y carrément, explicitons la chose : la montée de l’homophobie qu’on dénonce quotidiennement va de pair avec la montée de l’islam intégriste. Elle est aussi le résultat des campagnes de matraquage qui visent à nous faire entrer dans le crâne – si besoin par la force et, demain, par la loi – l’idée que les genres n’existent pas.
Si vous avez un moment à perdre, allez voir, par exemple, les images des défilés de couture. C’est édifiant… D’abord, on en rit, et ça finit dans les larmes de honte et de dépit devant ce qu’est devenu ce fleuron de la culture française.
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