Pourquoi ceux qui revendiquent un "extrême courage" face à la montée des extrême-droites et des nationalismes dans le monde se trompent lourdement...

Source [Atlantico] Les défenseurs du progrès et les pourfendeurs de l'extrême-droite sont devenus incapables de comprendre comment la mondialisation et ses profonds changements économiques ont engendré un électorat qui se détourne des partis traditionnels.

Atlantico : Pourquoi les défenseurs du progrès et les pourfendeurs de l'extrême-droite sont-ils devenus incapables de comprendre comment la mondialisation et ses profonds changements économiques (le passage de l’économie de marché à la société de marché comme le décrit Houellebecq, ou encore les combats sociétaux qui se transforment d’une lutte pour les minorités à une agression des majorités) ont produit cet électorat qui vote à l'extrême-droite ou pour la droite nationaliste ?

Edouard Husson : Le gouvernement, une partie de la classe politique, une partie des médias vivent sur une illusion d’optique.

Le macronisme, dans sa formulation d’origine, c’est le monde d’avant! La vision du monde portée par ce très jeune candidat élu président, c’était la dernière expression de la vague libérale qui a commencé dans les années 1960, que l’on appelle communément néolibéralisme (pour le distinguer de la phase libérale précédente, celle de la seconde moitié du XIXè siècle) et dont Valéry Giscard d’Estaing avait magnifiquement formulé les contenus lors de son septennat. Emmanuel Macron est le dernier giscardien en politique! N’excluons pas que le Président assure un jour la transition, du néolibéralisme qui l’avait porté au pouvoir vers le monde nouveau, encore à définit précisément mais qui, par bien des aspects sera conservateur. Actuellement nul ne peut dire s’il sera capable d’effectuer une mue analogue à celle de François Mitterrand, qui était passé en douceur du socialisme au néolibéralisme. Pour l’instant, Macron choisit une lutte frontale entre les libéraux, qu’il désigne comme les progressistes, et tous ceux qu’il qualifie, en simplifiant volontairement, de populistes. Pourtant, la nomination d’Edouard Philippe pouvait, peut encore, conduire à autre chose: la séduction tranquille de l’électorat du centre-droit; cela implique forcément une attitude pragmatique, sur l’Europe, sur l’immigration, sur les réformes de société. 

Nous sommes arrivés à un point, en effet, où le néolibéralisme n’en finit pas d’agoniser: quantitative easing forcené, accroissement des inégalités, précarisation des classes moyennes, pression migratoire venue entre autres facteurs des désastres créés par la politique américaine des années 1990 et 2000 au Proche-Orient, emballement des réformes de société. En fait, les néolibéraux, qui ont beaucoup profité de la révolution de l’information et de ses nombreuses retombées technologiques ne sont plus capables, désormais, de maîtriser les forces à l’oeuvre: quelques individus (le 1% ou même le 0,1%) se sont accaparés les liquidités surabondantes créées par les banques  mais ils ne savent en utiliser qu’une petite partie pour des investissements productifs et en thésaurisent la plus grande partie loin des capacités de prélèvement de l’Etat. Les nouvelles technologies du vivant et leurs applications dites sociétales font apparaître comme bien ringard, avec le recul, le combat des années 1960 pour la liberté des mœurs; pourtant, loin de comprendre que nous sommes face à un possible “meilleur des mondes” profondément dystopique, les néolibéraux continuent à dénoncer des ordres moraux qui n’existent plus que dans leur imagination. On pourrait multiplier les exemples. L’important est de comprendre que la tendance manichéenne de beaucoup de soutiens du Président trahit une certaine impuissance devant des forces qu’on ne maîtrise plus avec les outils du monde d’avant.  

Chantal Delsol : Les « progressistes » savent bien ce qui produit les votes dits populistes, ou nationalistes. Je pense qu’ils ont tout à fait compris ce qui se passe. Cependant ils ne peuvent pas admettre que ces « populistes » représentent une opinion politique porteuse d’alternance, avec laquelle on débat dans une démocratie normale. Pour eux, il s’agit plutôt de la colère des imbéciles qui ne veulent pas évoluer normalement. Autrement dit, ils ont frappé d’indignité la pensée adverse en disant que ce n’est pas du tout une pensée. A cet égard, ils ont une attitude idéologique : tous les idéologues font ainsi.

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