Source [Boulevard Voltaire] Ceux qui enterraient LR se sont-ils fourré le doigt dans l’œil ? On savait que sa victoire à la primaire de la droite allait mécaniquement donner un coup de fouet à Valérie Pécresse dans les sondages. Mais là, c’est une fusée. L’IFOP la mettait, lundi, à 17 %, au coude-à-coude avec Marine Le Pen, et Elabe, ce mardi, la hisse carrément à 20 %, laissant loin derrière Marine Le Pen, qui décroche de 5 points, et Éric Zemmour, qui oscille, d’un sondage à l’autre, entre 13 et 14 %.
Pourtant, LR ressemble à une belle maison bourgeoise dont les murs se fissurent et le plâtre tombe du plafond, à cause de la brèche dans ses fondations. Toute la famille était réunie, samedi, pour la photo, en costume du dimanche et avec le sourire de circonstance autour de la lauréate, mais dans une ambiance – sans doute une lumière bleue nuit mal choisie – un peu crépusculaire. Ceux qui habitent cette vieille demeure savent ce qu’ils ont à perdre à en précipiter la chute – il y a encore tant d’intérêts communs, de mairies, d’élus locaux -, alors comme ces familles réunies à Noël, ils évitent, pour la bonne entente générale, les sujets qui fâchent… Par exemple la politique. Compliqué, pour un parti. On glisse sous le tapis les divergences de la carpe Pécresse et du lapin Ciotti, on les minimise comme s’il s’agissait d’un désaccord sur la couleur du papier peint : l’une a appelé, en 2017, à voter Macron, l’autre dit qu’il voterait Zemmour, face à Macron, en 2022… Appelons cela une sensibilité différente et n’en parlons plus ! LR devrait changer d’acronyme : AE, pour auberge espagnole.
Pourtant, le discours de Valérie Pécresse sur le podium a, de l’avis général, manqué de souffle. Dans Le Point, l’écrivain Bernard Quiriny en exprimait, ce lundi, avec cruauté, le constat : « Y a-t-il une plume pour sauver Pécresse ? » Son premier mot a été pour son statut de femme, une posture qui rappelle moins Marie-France Garaud ou Margaret Thatcher, à laquelle la « dame de faire » veut se comparer, qu’Anne Hidalgo ou Christiane Taubira : soyons logiques jusqu’au bout, si cet argument prime sur les autres, pourquoi n’a-t-elle pas voté Marine Le Pen en 2017 ? Elle s’est posée ensuite dans le registre de la réforme, pas de la rupture, du moyen plutôt que de la fin : rétablir l’autorité, oui, mais au service de quoi ? Sa droite ne renversera pas la table, tout au plus secouera-t-elle la nappe. Elle ne s’autorise pas la locution « Grand Remplacement » et ne parle du grand déclassement que pour fustiger les Cassandre dont elle ne veut surtout pas faire partie. Sauf que Cassandre, dans la mythologie, était certes rabat-joie… mais avait in fine raison. Éric Ciotti lui-même, s’il dit « souhaiter sa victoire », affirme qu’elle n’a pas envoyé « le bon message ». Dimanche, il a créé à la hussarde son propre mouvement au sein des Républicains : « À droite ».
Et pourtant… Valérie Pécresse est créditée de 20 % au premier tour, et même d’une victoire contre Emmanuel Macron au deuxième, par 52 % contre 48. Faut-il y voir un effet « chien de berger » d’Éric Ciotti ? Il aboie fort mais empêche, par les gages que donne sa présence, que le troupeau s’enfuie vers Éric Zemmour ? Est-ce l’entrée en scène d’Éric Zemmour, et son feu continu pour se frayer une place contre Marine Le Pen (quand il fait, en même temps, l’éloge d’un LR en la personne d’Éric Ciotti), qui affaiblissent cette dernière et confortent Valérie Pécresse ? Est-ce la conjonction des deux facteurs qui ouvre une autoroute aux Républicains ?
Si cette tendant se confirme, Éric Zemmour et Marine Le Pen risquent de se retrouver face au jugement de Salomon : soit ils font alliance, avec à la clé le sacrifice de l’un ou l’autre, pour faire naître, grâce à leurs 30 %, une force de « rupture ». Soit ils gardent jalousement leurs quotes-parts électorales, unies dans les idées mais fragmentées dans les urnes, laissant l’alternance de « réforme » LR, que la France a déjà maintes fois testée, s’imposer au deuxième tour en seul recours contre Macron.
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