Suite à l’éviction de Pascal Gannat, conseiller régional des Pays de La Loire, du Rassemblement National, nous avons interrogé ce dernier.
Selon la presse, vous avez été exclu du RN pour des histoires d’argent, qu’en est-il exactement ?
Comme beaucoup de cadres et militants politiques de la droite nationale, j’ai subi les conséquences professionnelles de mon engagement politique, à plusieurs reprises : licencié deux fois dans le milieu associatif dans les années 90, quand le fait d’avoir été le chef de cabinet de Jean-Marie Le Pen avait été connu. En 2015 mener la liste régionale RN en Pays de la Loire a eu l’effet de déclencher pour la petite PME familiale de courtage dont j’étais l’un des associés une vague de désagréments : déréférencements, harcèlement de l’URSSAF qui ne s’était jamais manifestée avant, plus d’autres agressions dont la motivation politique est évidente pour tous les professionnels du conseil et du droit consultés. D’où une baisse de revenus et de réelles difficultés financières. J’en avais averti la direction du RN qui a préféré tenter de me faire passer pour un escroc que de prendre en compte le risque politique assumé. La vraie raison est politique : je me suis opposé très tôt à la ligne de gauche voulue par Marine Le Pen, avec Florian Philippot d’abord, et sans lui depuis son départ. 2 exemples : durant les régionales j’avais proposé de cesser toute subvention au Planning tant qu’il n’offrirait pas le libre choix sur l’IVG, c’est-à-dire une aide aux femmes en difficulté, mais souhaitant mener leur grossesse à terme, et m’était opposé à l’idée monstrueuse de Sophie Montel, proche de Marine Le Pen, de ‘’sanctuariser l’IVG’’, donc explicitement de l’inscrire dans la Constitution : cela m’avait valu d’être débarqué peu après par téléphone de ma fonction de Secrétaire Départemental de la fédération de la Sarthe (‘’pour rajeunissement des cadres’’, selon les mots Jean-Lin Lacapelle) puis une heure après de ma présidence du groupe d’élus régionaux par SMS de Marine elle-même, qui n’a pas fait montre en cette occasion de la délicatesse qu’elle affiche pour ses chats. Autre raison fondamentale de cette exclusion : ma certitude étayée depuis les cantonales de 2015 que la majorité alternative à la gauche se bâtira avec les électeurs de droite plus qu’avec ceux populaires de gauche qui votent déjà RN depuis 30 ans à cause de l’immigration, et des conséquences ressenties sur leurs emploi et l’insécurité. Bruno Bilde la tête pensante et agissante officieuse depuis quelques années avait alors déclaré en Bureau Politique : ‘’Les riches ne voteront jamais pour nous’’. J’ignore si son indemnité de député payée par les Français modestes du bassin minier l’ayant élu le classe dans cette catégorie honnie, ni comment il vit cette dichotomie existentielle, à se vouloir du peuple sans en avoir les revenus modestes, boboïtude typique de la gauche…
Vous avez créé un groupe dissident avec 4 autres élus RN au conseil régional des Pays de la Loire. Pensez-vous pouvoir être réélus en 2021 sans l’appui du RN ?
J’ai signé l’Appel d’Angers pour l’Union des droites : ce n’était pas dans un but électoraliste premier, mais de recomposition politique, sur un programme de droite qui soit un programme commun acceptable largement en vue de créer une majorité politique face à Emmanuel Macron. Attendre perpétuellement dans un parti qu’il accepte de débattre en interne, alors que cela n’aura pas lieu, est une lâcheté ou une naïveté. La question n’est pas celle de la réélection. Si on fait de la politique en ne songeant qu’à sa réélection, alors on devient un ersatz du PS et des LR : un pion dans un réseau de pouvoir et d’intérêts partisans. J’avais été élu régional dans le Nord Pas de Calais dans les années 90 et demandé à Jean-Marie Le Pen (très surpris car j’étais son collaborateur) de ne pas être réélu parce que je n’appréciais pas l’attitude de certains cadres régionaux : il faut mettre ses actes en conformité avec sa pensée. Le RN est un parti malade, sans stratégie, et dont les deux groupes parlementaires travaillent peu, à part certaines individualités talentueuses, paradoxalement non issues des rangs du RN, à part Nicolas Bay et Louis Aliot, et ceux éliminés des investitures ou ré-investitures, et combattus en interne par les Khmers roses de Hénin Beaumont. Comme cela s’est fait aux européennes pour les sortants de droite, une quarantaine de candidats aux municipales ont été rejetés parce que ‘’trop’’ de droite, voire même parce que trop proches de la lutte anti-PMA sans père, et pour beaucoup, simplement parce que se déclarant catholiques, et non laïcistes.
Le RN est malade financièrement. La lecture de ses comptes dans le Journal Officiel témoigne du désastre inéluctable. Avec 20 à 25 millions de dettes, dont certaines exigibles ces mois-ci, et entre 6 et 7 millions de rentrées annuelles, l’existence de sa structure est obérée dramatiquement. En versant des salaires mirobolants à de faux cadres durant plusieurs années, en acceptant que l’équipe Philippot dépense en frais de taxi annuellement le double de ce que Mme Saal, Présidente de l’INA, avait dépensé, mais elle avait dû démissionner, on aboutit à une impasse : les passe droits et la facilité ont créé une situation intenable, que la plupart des cadres ne connaissent pas dans sa vérité, ni dans ses causes. On utilise les militants pour entretenir une vie de cour qui fait par exemple que 2 des maires RN aient fait élire députés européens deux de leurs adjointes, au lieu de faire élire des cadres confirmés, comme par exemple Gilles Pennelle retoqué, malgré son travail indiscutable : le Grand Ouest (7 millions d’habitants avec une agriculture et une PAC en crise) n’a aucun député européen.
Le RN est surtout malade d’absence de stratégie. Ce qui est le pire. Le souverainisme ne constitue pas une vision politique. C’est une exigence d’indépendance nationale de l’Etat, mais qui peut s’accompagner d’une absence d’indépendance de la société en interne par rapport à l’Etat technocratique et socialisant, voire totalitaire. Ceaucescu fut un excellent souverainiste et le dirigeant coréen actuel l’est certainement. La vraie question est de dire aux Français quelle espérance nous leur offrons, et sur quels principes, quelles valeurs et quelles méthodes. Sur ce point le flou règne au RN.
De plus avoir comme projet électoral de renoncer aux 8, 5 % des électeurs de F-X Bellamy aux européennes, pour les ‘’échanger’’ théoriquement avec les 6 et quelques de La France Insoumise, ne parait pas cohérent arithmétiquement ni pertinent : même déguisé en ‘’souverainiste dédiabolisé’’, le RN ne gagnera pas les voix des Français soumis à l’utopie internationaliste, un des ciments de la gauche.
Exemples : sur la PMA sans père Marine Le Pen affirme son opposition, ne participe pas aux débats parlementaires (pourquoi ?), mais vote contre. Mais elle affirme également ne pas y être opposée moralement, mais simplement sur le fait juridique du flou sur la filiation, légitimant indirectement la PMA : car déconnecter le droit de toute éthique sur ce sujet, c’est par avance accepter la GPA qui en découle. Jordan Bardella son porte-parole a déclaré l’absence de volonté d’abolition de la loi Taubira, et sur la PMA une fois votée également, par un ‘’On consultera les Français’’, une promesse vague qui vaut abandon.
Autre exemple, les retraites : avec notre démographie et par répartition, maintenir les 60 ans, et sans retraite à points donnant de l’adaptabilité, sans introduction de capitalisation privée ou publique (comme dans beaucoup de pays européens à régimes mixtes) comment financer le déficit sans rien changer ? Le RN a choisi de s’aligner sur la gauche radicale en proclamant l’intangibilité du système, y compris des régimes spéciaux dérogatoires et devenus injustifiables. Il ne fait pas désespérer le Billancourt d’une gauche fantasmée, alors que c’est un mensonge démagogique évident.
Les Gilets Jaunes avaient exprimé une voix populaire de refus de l’état oppresseur et fiscaliste : cette France périphérique des couples travaillant à deux souvent de nuit pour 2 à 3 Smic est celle qui paie proportionnellement le plus car c’est elle que la redistribution ignore, et que les partis ont abandonnée au profit des banlieues. Le RN ne leur a parlé que de proportionnelle et de referendum. Ce n’était qu’un aspect de la question, qui était que la redistribution tue l’emploi des Français modestes en abolissant la définition exacte du travail par destruction de la frontière entre travail et revenus par l’assistanat. Mais il aurait fallu rompre avec la doxa de gauche issue du modèle périmé de 1945 qui a causé dénatalité, amoindrissement des patrimoines, coût exorbitant des charges, et donc désindustrialisation par perte de compétitivité. C’est cela qu’il fallait porter : un vrai populisme des libertés et de la dignité, une politique familiale permettant aux femmes de ne pas être rivées à leur emploi au point de limiter leur nombre d’enfants pour raisons matérielles, une réforme de la protection sociale libérant le travail, et non des promesses de lois électorales sans rapport avec la vraie vie de ces travailleurs modestes. La famille, réalité que Marine Le Pen n’a pas évoqué durant toute sa campagne présidentielle, sauf en passant lors du débat du second tour, est le lieu naturel d’une politique sociale en rupture avec la gauche : salaire maternel et politique du logement et donc du crédit, fiscalité des patrimoines, etc…. autant de pistes soigneusement évitées par le RN : pas de gauche, Stop.
Le souverainisme comme unique slogan et l’opposition entre mondialistes et souverainistes ne recouvre pas le champ social et économique dans sa globalité : critiquer le socialisme dirigiste bruxellois tout en acceptant le socialisme jacobin de la Vème République bloque le débat et ferme la porte à une quelconque majorité électorale possible.
Ainsi le cas de l’immigration : elle n’est pas une cause en soi, mais l’effet d’un mal plus profond. C’est la redistribution socialisante qui a permis l’installation à vie puis naturalisée et maintenant accélérée de millions de gens par un effet d’aubaine surréaliste, fondée sur l’indifférenciation culturelle de l’après 68. Le voile, le Coran, l’Islam, la laïcité, tout ceci permet des débats infinis : mais sans redistribution socialiste, la question ne se poserait plus, y compris pour ceux qui sont naturalisés. Une réforme des prestations fondée sur des critères qualitatifs et non plus quantitatifs, comme le préconise le Professeur Bichot, favoriserait les Français de souche. Mais là encore ce serait remettre en cause la confusion entre socialisme et social, et accepter de réfléchir à une politique sociale moderne reposant sur de la responsabilité et de la subsidiarité. La Doctrine Sociale de l’Eglise, qui a inspiré le catholicisme social, présente plus d’actualité que le socialisme.
Quant à l’islam, déclarer qu’avec 20 % de population immigrée, l’Islam serait compatible avec la République témoigne d’une profonde incompréhension de l’Islam peut-être, mais surtout d’une grande indifférence à ce qui fait notre identité : la loi morale comme éthique supérieure, la dignité de la personne humaine comme objet de la politique, et l’attention portée aux plus faibles comme réalisation de la justice. De cela découle l’égalité de dignité entre hommes et femmes, et la séparation des pouvoirs nécessaires pour que le droit ne soit pas un arbitraire. Avec 40 % des naissances qui seront arabo-africano musulmanes en 2040, émettre ce jugement c’est préparer les électeurs du RN à devoir accepter un jour un grand appel à un Islam ‘’national’’.
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