Source [Causeur] 2020, année de l’Homo sanitarus, est l’année où le lien social s’est brisé.
2020 aura été sans contredit l’année du nouvel ordre sanitaire. Ce nouveau régime est moins un produit ex nihilo que l’aboutissement de logiques et de façons de penser propres à la modernité. Jamais le monde n’aura été autant codifié et aseptisé: place au safe space politique, psychologique et maintenant sanitaire. Naguère lieu d’échange et de saines confrontations, l’espace public est déserté (physiquement comme intellectuellement) au fur et à mesure que nous sommes invités à rester confiné dans notre bulle pour notre santé physique et mentale. De notre confinement toujours plus grand naît une polarisation toujours plus grande. C’est le triomphe de la chambre d’écho.
Des colonnes de chiffres, toujours des colonnes de chiffres…
Le nouvel ordre nous fait entrer dans une société qui n’est plus qu’un amoncellement de phobies et d’égocentrismes, un univers de l’aplanissement total où la possibilité de l’aventure est réduite à néant. Tout est gestion du risque, bilans, inventaires et police d’assurance. Notre monde désenchanté ne réfléchit plus qu’en termes de résultats, d’objectifs et d’oppressions potentielles (freiner plus de cas, épargner plus, optimiser des services, être plus représentatif de tel groupe, etc.). Nous quantifions et mesurons sans cesse, comme si les nombres affichés sur nos écrans pouvaient résumer nos vies entières.
Ce monde hyper technicisé des «produits et services essentiels» ne permet plus aucune exception: les librairies, les arts et la culture, qui ont besoin d’un public en chair et en os, sont vus comme des entraves à la santé publique et non comme le moyen par lequel l’homme parvient à s’élever. Le sacré a disparu au profit de Netflix: tout est devenu cause et conséquence dans un monde obsédé par les corrélations. Ce monde sans passion ni magie, sans profondeur ni finalité autre que celle de repousser sans fin la mort, nous fait bien plus mal que le Covid-19.
Après la mort sociale, la vie numérique
Au Québec, l’interdiction du gouvernement Legault de se réunir en famille pour Noël en dit long sur une société qui vit dans le mythe de la solidarité alors que le lien social ne tient plus qu’à un fil dans cette province nordique où l’État est roi. Le Québec n’est pas la seule société occidentale à se trouver dans une situation pareille. En encourageant la délation des vilains débauchés qui oseraient encore se réunir à Noël, le gouvernement Legault et le maire de Montréal, Valérie Plante, assurent agir pour le bien commun, mais contribuent au fond à la dislocation d’une société qui n’avait déjà plus beaucoup de repères.
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