Dans votre homélie du dimanche des rameaux, vous vous demandez si les chrétiens comprennent le sens de la souffrance qui peut être celle du pape en ce moment, à travers les attaques formulées contre l'Église à cause du péché de quelques uns. Vous faites un parallèle entre la souffrance de Benoît XVI aujourd'hui, et celle qui fut celle de Jean-Paul II pour la famille : pourquoi ce rapprochement ?

Je voudrais tout d'abord vous répondre que le rapprochement entre la souffrance de Jean-Paul II, en mai 1994 et celle de Benoît XVI en ces jours de la Passion s'est fait d'une manière tout à fait fortuite ou peut-être mieux : providentielle . En préparant une émission radio sur la famille, vendredi dernier, je recherchais le texte de Jean-Paul II que j'ai cité et dont je me suis beaucoup servi dans mes enseignements auprès des foyers et des jeunes.
En 1994, année internationale de la famille, Jean-Paul II s'était dépensé sans compter pour la défense de la famille, mais il souffrait de ne pas être écouté par les responsables politiques. La divine Providence permit une longue hospitalisation. Au terme de cette hospitalisation, il laissa parler son cœur au moment de la prière de l'angélus du 29 mai :

Comprenez pourquoi le Pape souffre ! Le Pape devait souffrir, de même qu'il a dû souffrir il y a treize ans, de même a-t-il dû souffrir cette année. J'ai médité, j'ai repensé à nouveau à tout cela pendant mon hospitalisation. Et j'ai compris que je dois faire entrer l'Église du Christ dans le troisième millénaire par la prière, par différentes initiatives, mais j'ai vu que cela ne suffisait pas : il fallait l'y faire entrer avec la souffrance, avec l'attentat d'il y a treize ans et avec ce nouveau sacrifice. Pourquoi maintenant, pourquoi en cette année, pourquoi en cette Année internationale de la Famille ? Précisément parce que la famille est menacée, la famille est agressée. Le Pape doit être agressé ; le Pape doit souffrir, pour que chaque famille et le monde entier voient que c'est un Evangile supérieur, dirais-je : l'Evangile de la souffrance, avec lequel il faut préparer l'avenir, le troisième millénaire des familles, de chaque famille et de toutes les familles.

Ces paroles de Jean-Paul II, longuement mûries dans la prière et la réflexion, n'étaient pas des théories mais des idées vécues. Elles ne contenaient aucune amertume de la part d'un pape qui aurait été découragé par l'échec de sa mission visant à faire découvrir le plan de Dieu sur la famille. Elles étaient des paroles d'espérance, qui se fondaient sur l'Évangile supérieur de la souffrance en vue du troisième millénaire et plus particulièrement du troisième millénaire des familles. En citant ces paroles, je désirais faire découvrir aux auditeurs de l'émission sur la famille que cette institution familiale a de l'avenir parce qu'elle a été créée par Dieu et parce qu'elle est Gaudium et Spes , c'est-à-dire la joie et l'espérance de l'humanité et de l'Église.
Après l'émission, je pensais à l'homélie du dimanche des Rameaux. Les paroles de Jean-Paul II me paraissaient alors donner une signification à la croix courageusement portée par Benoît XVI en ce temps de la Passion. Voilà la raison pour laquelle j'ai rapproché la souffrance de Jean-Paul II pour la famille en 1994, de la souffrance de Benoît XVI pour l'Église et le sacerdoce en cette année sacerdotale.
Comment concevez-vous cette souffrance actuelle de Benoît XVI ?
Je ne peux pas parler, c'est évident, de ce que je ne connais pas : la vie intérieure du Saint-Père. Je n'ai donc aucune autorité pour cela, mais peut-on penser que notre pape puisse rester insensible devant l'attaque médiatique dont il est l'objet en ce moment ? Nous souffrons, tous, des scandales dont se sont rendus coupables des prêtres et des consacrés. Notre Saint-Père, c'est évident, souffre plus que nous encore. Mais nous souffrons aussi des calomnies contre notre Saint-Père.
Nous pouvons dire, sans exagération, qu'il s'avance vers la Semaine Sainte en portant sur ses épaules – comme Jésus dans sa Passion et avec Lui — le poids des péchés de ses fils. Mais il s'avance aussi vers cette Semaine Sainte en montrant à tous ses fils et filles la voie du courage. Il ne faiblit pas. Il ne se décourage pas. Il remplit sa mission de témoin de l'espérance Il se tait comme Jésus devant les ignobles calomnies. Il laisse ses collaborateurs rétablir la vérité. Il a choisi comme devise collaborateurs de la vérité , il sait que la vérité finira par éclater et permettra de mettre en lumière les complots médiatiques mensongers contre lui.
Ne pouvons-nous pas dire avec les mots de Jean-Paul II : notre pape actuel sait qu'il est agressé, sait qu'il souffre avec Jésus et pour l'Évangile de la vérité, mais il sait aussi que la souffrance offerte en union à celle du Christ peut porter des fruits. Elle en portera, nous en sommes convaincus, pour le sacerdoce.
Peut-on dire que le pape est calomnié ?
Les évêques de France viennent de le dire et avec eux nous le pensons. Le père Lombardi a donné avec précision les éléments pour défendre notre Saint-Père. Pourquoi s'acharne-t-on à vouloir absolument compromettre Benoît XVI ? Pourquoi ce titre — lu dimanche dans des informations données par Google — : Benoît XVI est-il coupable ? Que cherche-t-on à travers ces questions et ces insinuations ?
Nous voudrions dire à ceux qui, aujourd'hui, attaquent Benoît XVI, d'une manière injuste et calomnieuse, qu'ils se trompent de cible. Notre Pape n'est pas coupable . Les faits sont là pour le démontrer. Pourquoi l'attaque-t-on ? Pourquoi l'agresse-t-on ? Ne serait-ce pas parce qu'Il est tout simplement Pierre en notre temps , le Vicaire du Christ , le Vicaire de Celui qui est la Vérité en Personne ? Benoît XVI, depuis le début de son pontificat — et en tant que préfet de la Congrégation de la doctrine de la foi — a eu le courage de s'attaquer aux dictatures du relativisme. Il continuera à parler en témoin de la vérité. Ne serait-ce pas à cause de ce témoignage rendu à la vérité qu'il est la cible de tant de critiques ?
N'y a-t-il pas un lien mystérieux entre ces attaques et l'année sacerdotale ?
Il m'est difficile de répondre à cette question. Il faudrait connaître les intentions profondes de ceux qui accusent Benoît XVI aujourd'hui. Dieu seul sonde les reins et les cœurs. Mais nous pouvons dire qu'il est pour le moins mystérieux — pour reprendre ce terme de votre question — que l'on attaque aujourd'hui particulièrement le sacerdoce.
Pourquoi ces attaques en cette année sacerdotale ? L'intention de notre Saint-Père, en décidant de cette nouvelle année de grâce, était la sanctification des prêtres. Cette sanctification ferait-elle donc peur aux dictatures du relativisme ? Ceux qui cherchent à tout prix à étaler dans les médias les graves péchés scandaleux de certains prêtres — péchés qui ont été commis en ces cinquante dernières années — ne voudraient-ils pas en fin de compte démontrer que les prêtres sont des pécheurs, voire des pervers ?
En disant cela, nous ne voudrions pas soupçonner les intentions de tous les journalistes. Nous comprenons que ces derniers doivent accomplir leur travail et transmettre des informations objectives. Mais l'objectivité des faits devrait les obliger à reconnaître que la pédophilie ne concerne pas la grande majorité des prêtres et que cette question n'est absolument pas liée à la question du célibat sacerdotal. Dans les cinquante dernières années, il y a eu, c'est évident, beaucoup plus de prêtres saints que de prêtres pédophiles. La pédophilie, c'est un fait, n'aurait jamais dû concerner des prêtres. Benoît XVI a dit sa honte et nous partageons cette honte. Mais n'oublions pas de dire que les prêtres de l'Église catholique assurent un service très important pour les fidèles de leur Église mais aussi pour beaucoup d'hommes de notre temps. Qui n'a pas été aidé à un moment de sa vie par un prêtre ?
En cette Semaine Sainte de l'année sacerdotale, nous ne pouvions pas nous taire : nous n'acceptons pas que notre pape soit attaqué aussi injustement, nous n'acceptons pas que les prêtres soient soupçonnés de perversion sexuelle, nous n'acceptons pas que Jésus-Christ, le Grand Prêtre de l'Alliance nouvelle et éternelle, dont nous sommes les pauvres, fragiles et faibles instruments, soit critiqué à travers son Vicaire, notre pape Benoît XVI.
Comment l'Église peut-elle sortir renouvelée de cette tempête ?
Nous avons, avec la Tradition de l'Église, cette conviction : Dieu peut toujours tirer d'un mal un plus grand bien. Benoît XVI nous montre l'exemple : déjà en tant que préfet de la Congrégation de la doctrine de la foi, il avait clairement exprimé sa ferme conviction : tolérance zéro pour la pédophilie ! Mais cette tolérance zéro doit se faire dans la vérité et la justice.
Notre Saint-Père pense en premier aux victimes : justice doit leur être rendue. Il est énergique envers les coupables : ils ont à rendre compte devant la justice humaine et devant la justice divine. Mais il pense aussi à leur salut éternel en les invitant à s'ouvrir à la miséricorde divine qui n'est jamais refusée à un cœur humble, contrit et repentant. Il veut aussi faire grandir l'espérance des baptisés. L'Église des États-Unis est en train de se renouveler. Si les membres de l'Église d'Irlande accueillent avec humilité et confiance la lettre que le pape vient de lui adresser, leur Église pourra, elle aussi, se relever et se renouveler.
Imitons Benoît XVI et, par la grâce de Dieu, notre Église sortira renouvelée de cette tempête. À la suite de ce pape qui, depuis son ordination sacerdotale, a toujours exercé son ministère dans un cœur pur, à l'image du Cœur si pur de Jésus, vivons la sixième béatitude : Bienheureux les cœurs purs, ils verront Dieu (Mt 5). Avançons-nous vers la Semaine Sainte en aidant notre pape à porter sa croix pour être les bons cyrénéens de Jésus. Ne traînons pas notre croix, mais, avec notre Saint-Père, portons-la avec courage à la suite de Jésus. Partageons aussi les sentiments de Jésus qui, avant de mourir, a dit à son Père : Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font ! .
Les premières paroles de Jean-Paul II, après l'attentat du 13 mai 1981, avaient été : Je pardonne de tout cœur au frère qui m'a agressé. Benoît XVI fait sienne aujourd'hui, nous en sommes convaincus, cette même prière pour demander à Dieu de répandre sa miséricorde sur ses calomniateurs. Imitons-le et notre Église sera sel de la terre et lumière du monde.
Que peuvent faire les catholiques de France pour participer à ce renouvellement ?
Tout simplement mettre en pratique ce que Benoît XVI a demandé à tous les catholiques irlandais : retrouver le chemin de la pénitence. Vivre chaque vendredi de notre année comme un jour de pénitence, de prière et de jeûne. Nous avons tous besoin de nous convertir en reconnaissant que nous sommes des pécheurs et en nous ouvrant à la Miséricorde de Dieu. Retrouvons le chemin du sacrement de la pénitence, retrouvons le chemin de l'adoration eucharistique et de la prière du rosaire et observons les dix commandements de Dieu. Alors, nous participerons, tous, au renouvellement de notre Église.
L'Église peut-elle aider également la société à lutter contre le fléau de la pédophilie ?
Oui, nous en sommes convaincus. L'Église est, pour le concile Vatican II dans la fidélité à la Tradition, comme le sacrement de l'union des hommes à Dieu et de l'unité des hommes entre eux. Elle a donc, dans et par le Christ, la mission d'aider les hommes de notre temps à se convertir et à s'ouvrir à Dieu. Sa mission a aussi un effet temporel : elle peut collaborer à l'instauration de la civilisation de l'amour. Mais une telle civilisation ne peut s'instaurer que sur des fondements solides : la loi naturelle que la raison de tout homme peut découvrir dans le sanctuaire sacré de sa conscience. L'observance de cette loi naturelle permettra l'éradication de la pédophilie mais aussi de ce grand fléau actuel de nos sociétés : la pornographie.
Permettez-nous de vous poser à vous qui, aujourd'hui, critiquez injustement Benoît XVI, cette double question : Êtes-vous prêts à imiter notre pape en agissant énergiquement à sa suite pour "purifier" l'humanité de ce péché honteux et gravissime qu'est la pédophilie ? Êtes-vous prêts à poser un acte plus courageux encore : lutter avec énergie contre la pornographie qui obscurcit les consciences et fait tomber dans l'esclavage des passions charnelles désordonnées ? Le renouveau de la France et de l'Europe passe par cette courageuse détermination.
Avant de commencer la Marche pour la vie, le 17 janvier dernier à Paris, nous avons dit aux responsables politiques et sociaux : Posez cet acte courageux : reconnaissez que l'embryon est un enfant. Aujourd'hui, nous disons aux mêmes responsables politiques et sociaux : Imitez Benoît XVI et posez ce nouvel acte courageux : tolérance zéro pour la pédophilie ! Tolérance zéro pour la pornographie !

*Le père Bernard Domini est modérateur de la Famille missionnaire de Notre-Dame.
Propos recueillis par Pierre-Olivier Arduin pour Libertépolitique.com
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