Le projet de loi contre les propos homophobes a pris du plomb dans l'aile. Croyant défendre la cause des droits de l'homme en protégeant les victimes de "propos homophobes", le gouvernement s'est trouvé accusé d'atteinte à la liberté d'opinion.

L'avis négatif rendu le 18 novembre par la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), l'a obligé à botter en touche en transférant son texte sous forme d'amendements dans un autre projet de loi : celui créant la Haute autorité de lutte contre les discriminations, voté au Sénat le 25 novembre. Le nouveau projet de loi arrive au Palais Bourbon lesté des mesures anti-homophobie pour une deuxième lecture ce mardi 7 décembre. L'Église catholique et les représentants de la presse manifestent toujours leurs inquiétudes.

Le texte voté au Sénat prévoit de sanctionner pénalement "ceux qui auront provoqué à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle". Il limite cependant ce délit aux effets discriminatoires liés à l'emploi, au logement et aux services. Se calquant sur le droit commun en matière de liberté de la presse, il ramène de 12 à 3 mois la prescription des délits de provocation à la discrimination sexiste ou homophobe. Mais il aggrave les peines prévues en cas d'injure et de diffamation en les rendant passibles d'une peine d'emprisonnement.

Les sénateurs réticents au principe d'une loi spécifique condamnant les propos homophobes se sont rangés aux amendements du gouvernement dans la mesure où ceux-ci étaient prudents, respectaient la liberté de la presse et approfondissaient le droit pour protéger les victimes de violences et de discriminations illégitimes.

 

Mais pour l'avocat Thierry Massis, représentant du cardinal Lustiger à la CNCDH, l'amendement sur la répression des propos sexistes et homophobes "ne modifie pas globalement" le texte d'origine et "heurte autant" qu'avant le principe de la liberté d'expression : "Les délits d'injure et de diffamation demeurent ainsi que les sanctions. Le seul aspect positif est la prescription ramenée à trois mois et une légère restriction en ce qui concerne les provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence." Le cardinal reste vivement préoccupé. Par la voix de son porte-parole, Philippe Laborde, il relève "le risque, qui reste entier, de voir la justice instrumentalisée par des associations."

Ainsi, toutes paroles publiques sur la question seraient de fait placées sous la menace d'une plainte et le débat public perdrait en liberté d'esprit. Suggérer un lien entre homosexualité et risque de déviance pédophile pourrait être considéré comme une diffamation et donner lieu à des poursuites.

En l'état du texte, c'est la jurisprudence qui trancherait. Les sénateurs en ont une interprétation optimiste. Chez les députés, Christine Boutin (Le Monde, 7 décembre) juge pour le moment ce nouveau texte comme "un moindre mal". Mais d'autres députés UMP ne l'entendent pas ainsi. Lors du passage du texte devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, le 1er décembre, Claude Goasguen s'est élevé contre cette "énormité juridique". Jean-Paul Garraud a déposé des amendements de suppression des trois articles ajoutés par le gouvernement, mais ils ont été repoussés, notamment par le président de la commission, Pascal Clément, qui défend l'équilibre du texte, permettant selon lui de bien distinguer ce qui relève de l'opinion et de la diffamation.

Or un autre amendement de M. Garraud a recueilli la majorité, mettant le feu aux poudres : celui-ci limite aux seules associations déclarées d'utilité publique la possibilité de se porter partie civile dans les affaires d'homophobie, ce qui n'est aujourd'hui le cas d'aucune association homosexuelle. Fureur donc de l'Inter-LGBT (Interassociative lesbienne, gay, bi et trans), l'organisatrice de la Gay-pride qui fédère 63 associations. À l'origine du projet de loi, ce lobby voit dans cette opération une mesure qui rend la loi "inapplicable" en la "vidant de son sens".

Au Sénat, on s'inquiète de cette tentative de blocage : en sollicitant leur reconnaissance d'utilité publique, les associations concernées confierait de fait au Conseil d'État le soin de désigner officiellement des accusateurs publics, la notoriété en prime.

Plus certainement, le risque de l'amendement Garraud est de déplacer la loi sur le terrain procédural, les principes demeurant, et la menace avec. Il reste que le lobby homosexuel sort affaibli de cette première bataille. Ses revendications outrageuses sont dévoilées pour ce qu'elles sont, sous un angle inattendu : liberticides.

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