En matière de fertilité humaine, les voyants sont tous au rouge. Selon l'Agence de la biomédecine, un couple sur sept est aujourd'hui amené en France à consulter pour une infertilité supposée, c'est-à-dire lorsqu'aucune grossesse ne survient après deux années de rapports sexuels sans méthode contraceptive. Et ce sont entre 25 000 et 30 000 couples qui chaque année finissent par se tourner vers l'assistance médicale à la procréation (laquelle n'aboutira à la naissance d'un enfant que pour la moitié d'entre eux).

Des chiffres alarmants qui indiquent que nous nous trouvons face à un véritable problème de santé publique, lequel n'est d'ailleurs pas l'apanage de notre pays, tous les pays industrialisés y étant confrontés.
L'instruction Dignitas personae sur certaines questions de bioéthique publiée par le Vatican en 2008 avait insisté à juste titre sur le fait que les recherches et les investissements consacrés à la prévention de la stérilité méritent d'être encouragés . Nous connaissons en effet de mieux en mieux les causes sous-jacentes à la baisse de la fertilité tant chez la femme que chez l'homme.

Selon les experts qui ont préparé la rédaction du document romain, une partie non négligeable des cas d'infécondité qui se présentent aujourd'hui au médecin, chez la femme comme chez l'homme, pourraient être évités, si la vertu de chasteté était vécue plus fidèlement, si les sujets adoptaient un style de vie plus sain, et si les facteurs de risque aux niveaux professionnel, alimentaire, pharmacologique et écologique étaient éliminés [1] (n. 13). Un diagnostic largement partagé par les sociétés savantes.
Adopter un nouveau style de vie
Les scientifiques ont démontré que l'exposition à certains composés chimiques polluant notre milieu de vie altère la production des spermatozoïdes et perturbent les équilibres hormonaux féminins. D'où leur nom de perturbateurs endocriniens. Certains spécialistes n'hésitent plus à ranger dans cette catégorie les contraceptifs hormonaux rejetés massivement dans l'environnement via les eaux usées.
Les toxiques comportementaux ont également des effets délétères très puissants sur la fertilité des couples. Le tabac, l'alcool, les drogues (marijuana, cocaïne, héroïne, cannabis,...) entraînent à des degrés divers une baisse de la réserve ovarienne et une diminution des chances d'implantation embryonnaire chez la femme ainsi qu'une altération de la qualité du sperme chez l'homme. L'Agence de la biomédecine note en outre que l'obésité fait partie des facteurs aggravant la diminution de la fertilité ; avec une perspective de près de 20% d'obèses dans leur population, les pays occidentaux font face à une nouvelle épidémie... [2] .
Autant de facteurs dont les répercussions sur la fertilité pourraient être considérablement limitées si les personnes étaient enclines à adopter un style de vie plus sain pour reprendre l'expression de Dignitas personae.
Le second aspect mis en lumière par l'Instruction – vivre plus fidèlement la vertu de chasteté – trouve aujourd'hui un écho particulier dans plusieurs études épidémiologiques parues ces derniers mois à propos de la recrudescence sans précédent des maladies sexuellement transmissibles.
Les conséquences dramatiques des infections sexuelles sur la fertilité
On assiste en effet à une explosion des MST dans notre pays du fait de l'expansion des rapports sexuels à multiples partenaires, notamment chez les jeunes. Les épidémiologistes s'inquiètent en particulier d'une augmentation considérable des infections à gonocoques et à chlamydia dans les deux sexes. Concernant les gonococcies, l'Institut de veille sanitaire (IVS) avait déjà alerté les autorités sur l'existence d'une hausse globale de + 50 % entre 2005 et 2006 [3]. Un récent article du Figaro fait état d'une nouvelle augmentation de 52% entre 2008 et 2009. Pour le docteur Anna Gallay de l'IVS, les gonococcies ont commencé à augmenter en 1996 mais leur croissance s'accélère [4] . Le réseau français d'infectiologie avait même enregistré une explosion de + 264% chez les seules femmes entre 2005 et 2006 ! Les femmes touchées ont un âge moyen de 23 ans [5].
Même constat pour l'infection à chlamydia qui ne cesse de croître en France – comme dans tous les pays occidentaux – depuis les années 2000. On estime que le nombre de cas a augmenté de 62% chez la femme entre 2003 et 2006 [6].
Pourquoi évoquer plus particulièrement ces deux pathologies bactériennes ? C'est qu'elles font des ravages sur l'appareil reproducteur féminin. Si les hommes se plaignent de symptômes d'appel aigus comme des brûlures urinaires douloureuses avec présence de pus permettant une prise en charge médicale efficace, ces deux infections passent souvent inaperçues chez la femme. Le diagnostic est alors posé au cours d'un dépistage systématique après entretien avec un médecin. Souvent trop tard. Or, en l'absence de traitement antibiotique adéquat, les MST induisent des lésions redoutables au niveau des trompes responsables de stérilité ou de grossesse extra-utérine.

La chasteté protège la fertilité
Cette progression des gonocoques et chlamydia est le signe d'une hausse des comportements sexuels en dehors de toute relation stable, ainsi que le reconnaît le docteur Gallay : Le contexte de la sexualité a beaucoup évolué chez les moins de 30 ans. Il y a davantage de rencontres occasionnelles et de multipartenaires (Le Figaro, 21 août 2010). Avec le risque de découvrir plus tard qu'une infection chronique a pu se développer silencieusement et conduire à une stérilité définitive.
Autrement dit, toutes les études actuelles corroborent indirectement le jugement éthique de l'Église : la chasteté préserve la fertilité. Dans une société façonnée par la révolution sexuelle de 68, la chasteté est évidemment un gros mot largement occulté dans les campagnes de prévention contre les maladies sexuellement transmissibles [7]. Avec comme conséquence le fait que les jeunes générations payent aujourd'hui un lourd tribut à l'irresponsabilité de leurs aînés.
La chasteté n'est pas là pour réprimer, elle n'est pas une force de négation, elle signifie l'intégration réussie de la sexualité dans la personne et par là l'unité intérieure de l'homme dans son être corporel et spirituel. La sexualité, en laquelle s'exprime l'appartenance de l'homme au monde corporel et biologique, devient personnelle et vraiment humaine, lorsqu'elle est intégrée dans la relation de personne à personne, dans le don mutuel entier et temporellement illimité de l'homme et de la femme [8] .
Force est de reconnaître que le vagabondage sexuel est un comportement qui non seulement contrarie objectivement cette vérité mais peut en outre avoir des répercussions durables sur le corps lui-même. Et l'on s'aperçoit que le concept d'écologie humaine développé par le magistère récent, tant par Jean-Paul II dans Evangelium vitae que par Benoît XVI dans Caritas in veritate, n'est pas un vain mot. Dégrader les valeurs anthropologiques de la sexualité humaine, c'est mettre en danger la santé du corps et déséquilibrer son fonctionnement. Le livre de la nature est unique et indivisible, qu'il s'agisse de l'environnement comme de la vie, de la sexualité, du mariage, de la famille, des relations sociales, en un mot du développement humain intégral (Caritas in veritate, n. 51).
Le droit à l'amour libre, l'objectivation des corps, la promiscuité, la sexualité vécue sur le mode de la consommation blessent les personnes, corps et âmes. Les jeunes qui font le choix de réserver leurs corps comme un don à offrir à leur futur(e) époux(se) respectent la signification anthropologique pleine et entière de la sexualité humaine. Ils consolident dès maintenant le lien existentiel et ontologique qui relie amour, fécondité (laquelle ne s'exprime pas forcément par la naissance d'un enfant), responsabilité et mariage. Ils contribuent indirectement à protéger leur fertilité. Les autorités sanitaires ne devraient-elles pas sensibiliser les jeunes générations par un message éducatif qui aille dans ce sens ?
De manière générale, plutôt que de compter sur une assistance médicale à la procréation de rattrapage qui laissera sans enfants au moins la moitié des couples, les pouvoirs publics n'auraient-ils pas intérêt à prendre le problème en amont lorsqu'il est possible de prévenir les causes de l'infertilité ?
[1] Cardinal William Levada, Congrégation pour la doctrine de la foi, Instruction Dignitas personae sur certaines questions de bioéthique, 8 septembre 2008, n. 13.
[2] Agence de la biomédecine, Rapport annuel 2009, p. 112.
[3] Martine Perez, Les MST explosent à nouveau en France , Le Figaro, 6 février 2008.
[4] Sandrine Cabut, Les infections à gonocoques en forte progression en France , Le Figaro, 21 août 2010.
[5] Institut de veille sanitaire, Les infections à Neisseria gonorrhoeae en 2006 : progression importante chez les femmes , Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 5 février 2008.
[6] Institut de veille sanitaire, Augmentation des diagnostics d'infections à Chlamydia trachomatis en France : analyse des données Rénachla de 2003 à 2006 , Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 5 février 2008.
[7] Cf. Olivier Bonnewijn, Ethique sexuelle et familiale, Editions de l'Emmanuel, 2006, p. 83-103.
[8] Catéchisme de l'Eglise catholique, n. 2237.
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