Source [Le Salon Beige] « «Piquer un enfant viable», selon l’expression d’un gynécologue-obstétricien, au motif d’une détresse psycho-sociale » ne saurait être un infanticide, puisque l’enfant n’est pas né (bon sang, mais c’est bien sûr) et répond au contraire à des motifs éthiques de justice et d’autonomie selon les bien-pensants du monde progressiste…
L’examen en deuxième lecture du projet de loi de révision de la loi de bio-éthique par l’Assemblée Nationale s’est terminé dans la nuit du 31 juillet au 1er août, à l’issue de 12 séances de travail, par l’adoption d’un texte remanié. Parmi les remaniements, l’adoption inattendue d’un amendement à l’article 20 du projet de loi modifiant gravement les conditions d’exercice de l’interruption médicalisée de grossesse (IMG), celle-ci étant déjà autorisée à tout moment de la grossesse pour deux raisons : l’enfant à naître est atteint d’une affection particulièrement grave et incurable, ou la grossesse met gravement en danger la santé de la femme enceinte : cet amendement vise préciser que l’IMG est possible quand le péril menaçant la femme enceinte peut « résulter d’une détresse psycho-sociale ». Par ce vote, la rédaction de l’article 20 du projet de loi est ainsi devenue :
«Lorsque l’interruption de grossesse est envisagée au motif que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, ce péril pouvant résulter d’une détresse psycho-sociale, l’équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande de la femme comprend au moins quatre personnes qui sont un médecin qualifié en gynécologie-obstétrique, membre d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, un praticien spécialiste de l’affection dont la femme est atteinte, un médecin ou une sage-femme choisi par la femme et une personne qualifiée tenue au secret professionnel qui peut être un assistant social ou un psychologue. Le médecin qualifié en gynécologie-obstétrique et le médecin qualifié dans le traitement de l’affection dont la femme est atteinte doivent exercer leur activité dans un établissement de santé ».
« Détresse » : voilà qui rappelle la loi du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de la grossesse, couramment appelée Loi Veil, qui, après le texte originel de l’article 1er du Titre 1er selon lequel « La loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu’en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi », définissait ce cas de nécessité comme « une situation de détresse » que personne n’a jamais pu définir, jusqu’au moment où il a été supprimé de la loi pour aboutir à un droit à l’avortement.
« Je regrette que, dans des conditions un peu surprenantes – un simple amendement intervenu au milieu d’un débat –, nous ayons élargi les conditions de l’interruption médicale de grossesse. Le débat fut très bref et je crains que l’adoption de cette mesure n’ait amené des évolutions considérables ».
La loi barbare peut être votée par l’Assemblée nationale française à bas bruit.
Essayons de comprendre quelques raisons possibles à cette absence totale de réactions.
- Les députés hostiles aux dérives éthiques auraient pu (auraient dû) être dans un certain état d’alerte : il y avait déjà cette proposition de loi citée ci-dessus. Il y avait eu aussi en mai dernier, un recours déposé par deux associations devant le Conseil d’Etat pour s’opposer à cette possibilité dont avait parlé le ministre Véran d’une IMG pour situation de détresse psycho-sociale. Dans un arrêt du 15 juin 2020, le Conseil d’État avait rejeté le moyen juridique utilisé, mais reconnu a contrario qu’une IMG jusqu’au 9e mois décidée pour le seul motif d’une «détresse psychosociale» sans qu’un péril grave certain et immédiat pour la santé de la mère ne soit constaté, constituerait une pratique illicite.
- Il faudrait comprendre aussi le moment précis de dépôt (et donc d’étude et de travail à préparer) de ces trois amendements identiques. En effet, sur le site internet de l’Assemblée nationale [NDLR : pour tout dire, une véritable honte en terme de facilité d’accès aux informations recherchées. Et, au 15 août, le texte complet adopté par vote du 1er août n’est toujours pas disponible !, le texte qui était débattu a fait l’objet comme à l’habitude d’un Dossier législatif. Dans ce dossier, aucun d’entre eux n’apparaît dans la liste des amendements étudiés article par article déposée au 25 juin avant examen par la commission spéciale.
Au final, le sujet traité par ces amendements n’est aucunement cité dans le rapport de la commission spéciale enregistré le 3 juillet.
- On peut comprendre aussi que les implications éthiques des principales mesures du projet de loi, comme des amendements parfois les plus fous, sont tellement vertigineuses qu’il est parfois difficile de se mobiliser pour toujours être capable de réagir à bon escient au bon moment.
- D’autre part, la discussion se faisait selon la procédure du temps législatif programmé, sur la base d’un temps maximal attribué à chaque groupe politique. Cela permet aux groupes de programmer des temps d’intervention sur certains sujets. Si des sujets apparaissent sans avoir été évoqués avant –et si au surplus le temps programmé a déjà été consommé- il peut y avoir comme des phases de moindre attention.
- Enfin, il peut y avoir aussi une baisse de vigilance en ce milieu de nuit, quand on sait qu’en plus le vote sur l’ensemble du projet de loi se profile.
Terminons sur les remarques suivantes :
- Le gouvernement au moment du vote des amendements était représenté par M.Taquet. M.Taquet est secrétaire d’Etat préposé à la protection de l’enfance. Il est aussi le responsable d’un projet intitulé « Les 1000 premiers jours de l’enfant » . Dans son projet, cette période de 1000 jours débute au 4ème mois de grossesse. Cela n’a pas empêché M.Taquet de ne pas s’opposer aux amendements et de s’en remettre à la sagesse de l’Assemblée. Il a ajouté après le vote de l’ensemble du projet de loi : « Oui, l’intérêt supérieur de l’enfant a bien été au cœur de nos préoccupations lors de l’élaboration du texte comme lors de nos débats…Au total, vous venez d’adopter un texte équilibré et porteur d’avancées majeures, véritable hommage à la bioéthique à la française dont nous sommes tous fiers ».
- Au moment même où M.Derville commençait d’alerter, le grand exhibitionniste de l’Elysée se réjouissait du vote d’une loi d’équilibre, avec des droits de l’enfant sécurisés :
- Ce vote souligne l’importance du bicaméralisme (Assemblée Nationale et Sénat), parfois décrié, dans le processus d’examen et de vote de la loi. On peut espérer que le Sénat supprimera cette mention.
- Ce vote souligne aussi l’importance du mode normal de la discussion d’un projet de loi (sans déclaration d’urgence), qui fait que le texte, après réexamen par le Sénat, viendra en troisième et dernière lecture à l’Assemblée Nationale. Les députés auront été alertés. La clause n’est donc pas encore définitivement adoptée.
- Il sera important de suivre alors les débats, la position finale du gouvernement et le vote.
- La position de l’Eglise catholique est bien développée dans un message de Mgr Marc Aillet. N’en citons qu’un extrait :
« Un amendement, adopté in extremis et passé totalement inaperçu, a même institué une « cause de détresse psycho-sociale », en soi invérifiable, pour étendre le délai de l’avortement – appelé ici, pour raison de convenance : IMG – jusqu’à la fin de la grossesse, ce qui constitue un aveu sur la qualification d’infanticide de tout avortement, la différence entre IVG et IMG étant ici purement sémantique. Car il s’agit toujours, quelles qu’en soient les justifications, du meurtre d’un enfant (infans: sans voix), de ce que saint Jean Paul II désignait clairement comme « la suppression délibérée d’un être humain innocent » (Encyclique Evangelium Vitae, n. 58) ».
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