L’euthanasie pour les déprimés, c’est maintenant !

[Source: Boulevard Voltaire]

En matière d’euthanasie, la France n’est pas aussi avancée que les Pays Bas, mais nous les rejoignons à grands pas.

On a appris, il y a une quinzaine de jours, qu’une jeune fille de 20 ans — 20 ans ! — qui ne parvenait pas à se remettre d’abus sexuels subis dans son enfance avait été, à sa demande, euthanasiée aux Pays-Bas. Piqûre létale. Et hop, terminé. C’est un traitement redoutablement efficace et garanti sans récidive. Il est un fait qu’elle ne se plaint plus du tout. À qui le tour ?

Il y en aura pour tout le monde. Burn out, baby blues, dépression chronique, deuil difficile, divorce mal digéré, échec scolaire, revers de fortune, chômage longue durée, cancer, handicap, rupture sentimentale… aucun des maux, grands ou petits, qui vous font penser, l’espace d’un instant, qu’il aurait mieux valu que vous ne soyez jamais né, que vous aimeriez en finir une bonne fois, n’y pourra résister.

Soyez prudent. Ne dites plus, montant péniblement votre armoire Ikea, « Je me tire une balle ! » ni encore – l’ayant mal fixée et vous voyant forcé de la démonter – « Je vais aller me pendre » ou « J’hésite entre la corde et le gaz ». Sait-on jamais, l’État pourrait vous prendre au mot.

Sommes-nous devenus fous ?

Il est vrai qu’en matière d’euthanasie, la France n’est pas aussi avancée que les Pays-Bas, mais nous les rejoignons à grands pas.

Pour une raison inexplicable, l’euthanasie, comme l’avortement, est devenue, dans l’imaginaire collectif, un pré carré catholique, un ratiocinage de sacristie, une sorte d’activité de patronage. Même surBoulevard Voltaire, ces sujets laissent certains assez froids. Ils bombent le torse, eux autres n’ont pas le temps de chercher des poils sur les œufs, ils mènent des combats plus essentiels : par exemple le défi migratoire. Comme si une Europe qui tue ses propres enfants dans la fleur de l’âge était le moins du monde crédible, audible, armée, préparée pour faire face à quelque défi démographique que ce soit. Comme si tout ne commençait pas par là.

Et puis, parfois, on est heureusement surpris. Le bon sens frappe où l’on s’y attendait le moins. Marcela Iacub – pas tout à fait, on en conviendra, une grenouille de bénitier -, dans une chronique intitulée « L’euthanasie pour les déprimés ? » publiée dans Libération, se déclare « choquée » par ce cas qui, dit-elle avec raison, est « loin d’être isolé », et demande noir sur blanc : « Ce droit à mourir ne dissimulerait-il pas un assassinat d’État ? » L’État devenu, en effet, ce passant qui, voyant un pauvre hère désespéré en train d’enjamber le parapet d’un pont, se précipite, non pas pour le retenir, mais pour lui faire obligeamment la courte échelle : mais sautez donc, mon brave !

Pour avoir débattu avec Marcela Iacub sur un plateau télévisé au moment des grandes manifestations contre le mariage pour tous, je lui sais des analyses, le plus souvent, diamétralement opposées aux miennes, mais aussi, je dois le reconnaître, une part d’honnêteté.

Cette part d’honnêteté lui permettra-t-elle de pousser le raisonnement jusqu’au bout ? De tirer la pelote jusqu’à son extrémité ? Euthanasier, c’est décider que certaines vies ne méritent pas d’être vécues. C’est donc placer un curseur subjectif — en l’occurrence sur une jeune fille de 20 ans en souffrance — là où il y avait un interdit objectif : celui de tuer. Et ce curseur-là a été inauguré le jour où l’IVG a été légalisée.