L’IVG sans détresse : Simone Veil trahie ?

Le projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes sera débattu jeudi 17 avril au Sénat, en deuxième lecture. Le texte prévoit la suppression de la notion de détresse pour faciliter l’accès à l’IVG.

À première vue, la suppression de la condition de détresse  glissée dans la loi sur l'égalité femmes-hommes soumise au vote du Sénat  pourrait sembler assez mineure. Les mots : « que son état place dans une situation de détresse » sont remplacés par les mots : « qui ne veut pas poursuivre une grossesse ». Elle aurait même, selon ses promoteurs, l'avantage de constater la banalisation de l'avortement et le « droit de la femme à disposer de son corps ». Et pourtant ! c'est tout l'équilibre de la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 qui bascule.

Le déséquilibre entre la santé de la mère et la vie de l'enfant

Simone Veil déclarait : « Il s'agit de tout faire pour mettre fin aux avortements clandestins pratiqués dans les pires conditions, qui sont souvent le fait de celles qui se sentent dans une telle situation de détresse qu'elles sont prêtes à interrompre leur grossesse dans n'importe quelle condition. » Et posait en principe « le respect de tout être humain dès le commencement de la vie » (art 1 de la loi). Or ce difficile compromis entre deux biens — la vie de l'enfant et la protection de la santé de la mère — est aujourd'hui réduit à néant.

Le principe, c’était jusqu'alors le respect de la vie, et l'exception, l'avortement médicalisé jusqu'à 10 (puis 12) semaines. Cette exception au principe n'était justifiée que par la protection de la santé de la mère. On n'a pas assez dit qu'il s'agissait là d'une loi « sanitaire » et que dans le conflit entre l'intérêt de l'enfant conçu et celui de sa mère, on avait choisi de protéger la santé de la mère.

En supprimant la condition de détresse, on supprime un plateau de la balance. Le conflit entre l'intérêt de l'enfant conçu et la santé de la mère est nié. Reste seule la volonté de la mère. L'enfant conçu a disparu. Du moins jusqu'à 12 semaines !

Le "droit à porter atteinte à la vie"

Simone Veil précisait que, si la loi n'interdit plus, « elle ne crée aucun droit à l'avortement ». Ce qui signifiait que si droit il y avait, c'était le « droit à l'assistance médicale » pour mettre à exécution la décision d'avortement. La voilà trahie totalement : l'absence de poursuite pénale transforme une atteinte à la vie en « droit à porter atteinte à la vie ».

Les principes même du droit pénal tremblent sur leurs bases. Les contradictions internes se court-circuitent – et puis, comment concilier l'article 16 du Code civil, l'article L 2211-2, la répression des avortements illégaux avec ce nouvel article ? Jusqu'à présent le Conseil Constitutionnel (1975 et 2001) a estimé qu'en réservant la faculté de recourir à l'avortement « à la femme enceinte que son état place dans une situation de détresse » le législateur a entendu exclure toute dénaturation du principe du « respect de l'être humain dès le commencement de sa vie ». Qu'en sera-t-il désormais ?

Quant à la violation des articles 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ou 6 de la Convention internationale des droits de l'enfant — « tout enfant a un droit inhérent à la vie »,  les États parties (dont la France) « assurent dans tout la mesure du possible la survie et le développement de l'enfant »- le contentieux clos par la Cour de cassation (1996) ou le Conseil d'Etat (1990) s'ouvre à nouveau...  

À aucun moment le législateur de la loi de 1975 n'a sous-entendu ou même conçu l'idée que l'enfant en gestation jusqu'à 12 semaines n'était pas un être humain. Les réticents furent convaincus par le dispositif de soutien qui devait permettre aux femmes de résister aux pressions extérieures, de pouvoir choisir de poursuivre la grossesse et développer ensuite la contraception. Résultat : plus de 200 000 avortements par an.

 

 

Bénédicte Palaux Simonnet est juriste.

 

 

Addendum : le communiqué de la fondation Jérome Lejeune après le vote au Sénat.

 

POUR AGIR :

 Ecrivez à votre sénateur pour demander la suppression de l’article 5 (quinquies C) et le maintien de la notion de détresse dans la loi.  

Modèle de lettre proposé par la Fondation Jérôme-Lejeune :

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Madame, Monsieur le sénateur,
J’ai appris que le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes (n°1380) serait débattu en séance plénière à partir du 20 janvier 2014. Figurent dans ce projet de loi différents amendements qui conduisent à banaliser l’avortement.
Le respect de la vie de l’être humain est une valeur qui est antérieure à la loi. Ce n’est pas parce que l’avortement a été dépénalisé dans certains cas que cet acte peut être érigé en droit. Au nom de quoi le non respect du principe de protection de l’être humain dès le commencement de sa vie (article 16 du code civil) quitterait le régime d’exception sinon pour instaurer un droit de vie et de mort ?
De mon point de vue, il s’agit d’enjeux trop importants qui ne peuvent être votés sans un vrai débat national, c’est pourquoi je vous demande de voter contre ces amendements concernant l’avortement.
Confiant dans votre souci de l’intérêt général, je vous prie de croire, Madame, Monsieur le sénateur, à l'expression de ma considération,
(signature)

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Pour en savoir plus : 
 L'IVG au Sénat : Les Droits de l'homme sans l'homme