Source [Le Figaro] Le chef du gouvernement a annoncé lundi 29 avril que la loi de bioéthique serait présentée en Conseil des ministres en juillet. Pour Jean-René Binet, cette loi prévoit une révolution anthropologique sans précédent, qui n’est pourtant pas la priorité du moment.
Jean-René Binet est professeur à la faculté de droit de Rennes, membre honoraire de l’Institut universitaire de France, et auteur du manuel Droit de la bioéthique (LGDJ, coll. «Manuels», décembre 2017).
FIGAROVOX.- À l’issue d’un séminaire gouvernemental (censé apporter des solutions à la crise des «gilets jaunes»), Édouard Philippe a annoncé que le gouvernement ferait voter la «PMA pour toutes» en juillet prochain. Est-ce vraiment la priorité du moment?
Jean-René BINET.- Cela semble en tout cas être une priorité du gouvernement, mais je ne crois pas qu’il s’agisse d’une réponse à la crise des «gilets jaunes». Le projet de loi de bioéthique devait être présenté en Conseil des ministres l’année dernière. Toutefois, probablement en raison du fait que les États généraux de la bioéthique ont révélé une forte opposition aux perspectives de révision, notamment sur la question de l’assistance médicale à la procréation, le gouvernement a temporisé à deux reprises. D’abord en permettant la constitution d’une mission d’information parlementaire, à laquelle il était initialement opposé. Puis en organisant, après la remise du rapport de cette mission en janvier dernier, un séminaire gouvernemental, sur la pertinence duquel il est permis de s’interroger. Il est dès lors paradoxal de ressentir comme une urgence à reparler de ce projet de loi alors même que le gouvernement est attendu sur sa réponse aux questions posées par des citoyens mobilisés depuis mi-novembre et à un moment où le calendrier politique et parlementaire semble plus encombré que jamais. Bioéthique et précipitation ne sauraient faire bon ménage.
On se souvient qu’au moment du mariage pour tous, François Hollande avait profité de l’hostilité de la gauche envers les anti-mariage gay pour faire oublier ses difficultés à mener des réformes économiques et sociales… L’histoire se répète?
Ce n’est pas certain, car Héraclite disait qu’on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Toutefois, si l’on compare les deux situations, on doit bien admettre qu’elles présentent des points communs. Le premier réside dans le fait que, comme pour la loi Taubira, le projet d’extension de la PMA aux couples de même sexe est constamment présenté comme un moyen de lutter contre une discrimination. Or, les mots ont un sens et toutes les juridictions - Conseil constitutionnel, Conseil d’État, Cour européenne des droits de l’homme - ayant été appelées à se prononcer sur le point de savoir si le fait de réserver l’accès à l’assistance médicale à la procréation à un couple formé d’un homme et d’une femme constituait une discrimination à l’égard des couples de femmes ont répondu par la négative. S’agissant de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, c’était pareil. Cela signifie que ces réformes ne sont en rien dictées par un impératif juridique mais ne sont gouvernées que par un choix politique. Depuis les premières lois de bioéthique, en 1994, le droit français conçoit l’assistance médicale à la procréation comme une réponse médicale à un problème du même ordre. Cette conception, constitutive du modèle français en matière de bioéthique, permet d’offrir à l’enfant conçu par le recours à ces techniques une filiation crédible: il peut se représenter comme étant effectivement issu de ceux que la loi désigne comme son père et sa mère. S’il ouvre l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes, le législateur assumera une rupture radicale avec ce modèle, ce qui conduira à changer profondément le droit de la filiation et la perception du rôle du médecin qui, en la matière, deviendra un prestataire de services.
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