La mesure emblématique annoncée par le président Macron dans son allocution du 10 décembre, le relèvement de 100 € du SMIC, montre à elle seule qu’il n’a pas vraiment compris ce qu’est le mouvement des Gilets jaunes. Sans tenir une telle augmentation pour négligeable, force est de constater qu’elle n’intéresse qu’un petit nombre de manifestants. Beaucoup d’autres sont au-dessus de ce seuil mais n’arrivent quand-même pas à s’en sortir . C’est notamment le cas des petits propriétaires qui n’ont droit à rien et payent des impôts et des charges de plus en plus lourds. Le président ignore aussi que jouent un grand rôle dans le mouvement les travailleurs indépendants. Les retraités aussi : la suspension de la CSG sur les retraites de moins de de 2000 €, qui en satisfera peut-être quelques uns, ne va pas au fond des choses quand les charges qui pèsent sur ces petits retraités , eau, gaz, électricité, s’alourdissent sans cesse. Confondre les demandes des gilets jaunes avec une revendication syndicale classique portant sur les bas salaires est très réducteur ; pour Macron et les hautes sphères l’Etat, ce sont les « petits » , masse indistincte, qui revendiquent, c’est tout .Leur échappent les autres dimensions comme l’angoisse des classes moyennes en voie de paupérisation ou le désir de reconnaissance.
Macron a beau présenter des espèces d’excuses , se dire prêt au dialogue , les Français ont du mal à lui trouver l’air sincère .
Il a consulté, fait remonter peut-être quelques chiffres, il se dit à l’écoute, mais fondamentalement, il n’a pas fait l’effort d’aller au-delà des quelques clichés, pour comprendre dans toute leur diversité ce que sont les Gilets jaunes.Car pour Macron , la société française se résume à des clichés et sur aucun sujet, il ne semble avoir remis en cause sa conception du monde.
Il n’ a pas parlé de l’Europe, mais il elle reste pour lui plus que jamais en toile de fond. D’aucune manière, il n’envisage de remettre en cause, ni l’euro ni les plafonds de déficit imposés à Bruxelles. S’il ne le fait pas ,il est clair qu’ il ne pourra pas satisfaire vraiment les revendications des gilets jaunes. Or, n’en doutons pas, le projet européen compte toujours pour lui plus que le peuple français.
Pour résoudre la crise, loin de changer d’orientation, il propose d’aller plus vite et plus loin dans le programme de réformes qu’il s’était fixé ; or c’est bien ça que craignent les Français .Non que, comme il l’a dit, les Gaulois soient réticents au changement, mais parce qu’ils ne croient pas au genre de réformes que veut faire Macron. Ils ne croient pas que, si ces réformes sont difficiles, si elles sont douloureuses aujourd’hui , tout ira mieux demain. On leur serine cela depuis vingt ou trente ans et ils ne voient rien venir, sinon l’érosion continue de leur pouvoir d’achat. Ces réformes projetées, d’ailleurs ils les connaissent , ce sont celles qui se trouvent dans les cartons des ministères depuis dix, vingt ou trente ans . Jamais en effet on n’a vu un président adhérer aussi aveuglément à tout ce qui émane de la haute technocratie, sans qu’ apparaisse la moindre plus-value pouvant émaner de son expérience personnelle ou de sa réflexion. Corollaire de ce conformisme sans égal , un mépris, tout aussi sans égal pour ceux qui n’adhèrent pas à ces logiques , mépris que le président a déjà eu maintes fois l’occasion d’exprimer et dont personne ne pense qu’il s’en serait tout à coup guéri .
Absence totale d’imagination
Parmi ces réformes annoncées, la réforme de l’Etat . Mais on la mène depuis bientôt trente ans avec toujours les mêmes schémas simplistes : gestion privée, affaiblissement des corps , fusions, évaluation, rémunération au mérite . Le résultat que voient les gens de la base : la gestion privée, ce sont des augmentions de tarifs incessantes ; la prime au résultat, c’est l’envol des rémunérations du haut del’échelle et, pour le reste, des critères arbitraires, le favoritisme, la mauvaise ambiance, la désorganisation , le découragement. C’est dans ce sens que Macron veut aller « plus vite et plus loin ». Non merci, disent les Français.
Il propose aussi plus de décentralisation Mais on en fait depuis quarante ans ! Quel manque d’imagination ! Le résultat, les Français le connaissent aussi : toujours plus de pouvoirs à des élus en qui ils ne font plus confiance et qui, pensent-ils , s’en mettent plein les poches, des impôts locaux de plus en plus lourds, spécialement l’impôt foncier. Les riches s’imaginent qu’il n’y a qu’eux qui payent des impôts. Ils se trompent : de réforme en réforme, on est arrivé à ce que certains petits retraités en payent en proportion plus que les PDG ! Mais cela , Macron ne le sait pas.
Pas de remise en cause non plus des logiques environnementales auxquelles des gens comme lui ont réussi à donner une tournure exclusivement punitive ; il est même allé jusqu’à parler dans son discours de« dette climatique » , comme pour culpabiliser un peu plus les Français, spécialement les « beaufs » qui roulent au diésel. Comment les Françaisn’auraient-ils pas entendu dire que des scientifiques émettent des doutes de plus en plus grands sur la réalité du réchauffement climatique ? Comment ne sauraient-ils pas que la plupart des grandes puissances, hors d’Europe, s’en désintéressent ? Alors pourquoi eux seuls payeraient ? Et le président n’a-t-il pas entendu dire que les Français rejettent massivement les éoliennes qui défigurent ce qui sera bientôt leur seule richesse: les paysages ? Eoliennes qui ne sont rentables que grâce aux subventions dont le coût pèse directement sur leur facture d’électricité.
L’immigration, dit-il, mérite une « réflexion » et un « débat » . Le lendemain, il ratifie le Pacte mondial sur les migrations dont il sait que les Français ne veulent pas.
Malgré ses promesses de dialogue, rien de tout cela n’ébranle Macron qui reste campé sur ses certitudes européennes , réformatrices, climatiques ou migratoires .
« Le bon berger connait ses brebis ». Pas lui.
Ce président, dont la rigidité intellectuelle n’a sans doute aucun précédent parmi les chefs d’Etat français , aura assurément du mal à convaincre les Gilets jaunes de rentrer chez eux.
Roland HUREAUX
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