Immigration : quand la vérité des chiffres émerge peu à peu

Source [Atlantico] Il semblerait qu’Emmanuel Macron ait décidé de faire de l’immigration l’un des fronts principaux de l’acte II de son quinquennat, quitte à froisser une partie de sa majorité. Mais ira-t-il jusqu’à assumer enfin une transparence sur les ordres de grandeur des flux migratoires et des taux de natalité connus par la France ces dernières 

Atlantico.fr : Mardi dernier, lors d’une séance à l’Assemblée Nationale, France Stratégie a dévoilé de nouveaux chiffres sur l’évolution de l’immigration au cours des vingt dernières années. D’après ces chiffres provisoires, "l’immigration est ainsi passée de 7,3 % de la population de la France en 1999 à 9,7 % en 2018." Sans parler de "grand remplacement", mot souvent porteur de fantasmes, comment caractériser le grand changement démographique qui s’opère depuis plusieurs années que l’on a encore du mal à chiffrer et à nommer ?

Gérard-François Dumont : Parmi les évolutions démographiques qui s’opèrent en France, il importe de noter une croissance régulière de l’immigration au moins depuis le début du XXIe siècle. Bien que cette croissance soit relativement bien renseignée, elle est souvent méconnue pour deux raisons. La première est que certains ne présentent que le solde migratoire de la France qui est effectivement assez faible et ne montre pas d’augmentation significative, son estimation annuelle ayant varié entre un minimum de 39 000 en 2014 et de 115 000 en 2006. Mais ce solde migratoire est le résultat de la différence entre les entrées sur le territoire qui nourrissent l’immigration et les sorties du territoire qui correspondent à l’émigration. Or, la nature de ces deux flux est fondamentalement différente. Le premier est essentiellement composé d’arrivées de personnes de nationalité étrangère ; le second comprend surtout de personnes de nationalité française qui quitte l’Hexagone pour bénéficier d’opportunités dans d’autres pays. Or la France connaît une hausse de l’immigration. Par exemple, sur le site d’Eurostat, le nombre d’immigrants annuels est autour de 300 000 dans la seconde partie des années 2000 ; il s’élève et dépasse 360 000 depuis 2015. Cette hausse témoigne de l’attractivité de la France qui se mesure principalement par l’importance du regroupement familial et l’augmentation du nombre de demandes d’asile.

Une seconde raison qui a conduit ou conduit au « refus de voir », pour utiliser la formule de mon maître Alfred Sauvy, la hausse de l’immigration tient au fait que l’Allemagne a été, en 2015, particulièrement attractive lorsque la chancelière Merkel a annoncé l’ouverture des frontières et la suspension provisoire de l’application des règles européennes par l’Allemagne en matière d’entrée dans l’espace Schengen ; plus de 1,5 million d’immigrants sont entrés en Allemagne en 2015, puis 1 million en 2016. Ceci a donné l’impression que, en comparaison, la France n’était guère un pays d’immigration. Sauf que depuis, l’Allemagne a multiplié les décisions limitant l’immigration. En conséquence, la France est devenue plus attractive, ce qui est illustré par le fait que les demandes d’asile en France de l’année 2018 sont triples de celles déposées en Allemagne.

Arnaud Lachaize : Il est très curieux de constater comment, depuis des décennies, sous couvert de vérité scientifique, les démographes les plus réputés s’acharnent à nier l’augmentation de l’immigration en France. M. Hervé le Bras expliquait ainsi doctement dans Sine Mensuel, en décembre 2013, que « le nombre d’immigrés est stable depuis 2001 ». Or, les vrais chiffres sont pourtant bien connus, ils proviennent de l’INSEE lui-même : le nombre d’immigrés, c’est-à-dire celui des personnes nées à l’étranger, de nationalité étrangère à leur naissance, résidant en France comme étrangers ou bien naturalisées, est bel et bien en nette augmentation : plus d’un million environ depuis 2000.

Les tabous ou l’aveuglement volontaire sur le sujet relèvent de l’idéologie. Pour prouver que « l’immigration est une chance », il faut faire croire qu’elle est maîtrisée et stabilisée. Or, tout le monde sait que telle n’est pas la réalité. Tout le monde le sait sauf les scientifiques et experts sur le sujet… Ce rapport de France stratégie a un intérêt particulier : il est exceptionnel qu’un rapport officiel reconnaisse la simple réalité, les faits : le nombre des immigrés est en nette augmentation depuis 20 ans. 

Dans son discours de politique générale, parmi les enjeux de l' "acte II" du quinquennat Macron, Edouard Philippe a souligné l'importance de l'immigration. La politique du gouvernement à l'égard de l'immigration et de son impact sur le marché du travail et la croissance était-elle jusque-là adaptée aux réalités de l'immigration en France ?

Arnaud Lachaize : Non, sûrement pas. La France compte 3 à 5 millions de chômeurs selon les modes de décompte, 9 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, 3,4 millions de sans domiciles ou de mal logés. La situation de ses quartiers sensibles où vivent environ 6 millions de personnes est désastreuse, violence, échec scolaire, chômage massif. Dans ces conditions, il est irréaliste d’accueillir chaque année plusieurs centaines de milliers de personnes, souvent sans qualification, non francophones, de modes de vie et de valeurs différents, alors qu’on n’a pas les moyens de leur fournir des conditions dignes de travail, de logement, de scolarisation.

Les chiffres annuels ne s’additionnent pas forcément mais ils donnent un ordre de grandeur : d’une part 250 000 « premiers titres de séjour délivrés », (dont 100 000 pour raison familiale et 80 000 étudiants), d’autre part 120 000 demandeurs d’asile, plus 80 000 Européens, sans compter les clandestins qui ne se manifestent pas par une demande d’asile. Bien sûr certains repartent, notamment parmi les étudiants, mais la masse nette annuelles des nouveaux arrivants demeure élevée. On peut toujours se contorsionner, hurler au racisme ou au fascisme, dresser des bûchers, les faits sont là et ils s’expriment dans les statistiques.

A l’évidence le poids de cette immigration, en forte hausse depuis 20 ans (les chiffres explosent depuis 1997), excède les capacités d’accueil d’un pays en crise profonde. 

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