Familles : le gouvernement socialiste prêt à sacrifier l’avenir pour boucler le budget

Comme on pouvait le craindre, le gouvernement socialiste, incapable de réduire les dépenses publiques et contraint par Bruxelles de limiter les déficits, envisage, pour parer au plus pressé, d'adopter les solutions de facilité.

À COURT DE RESSOURCES, le gouvernement de M. Valls s'en prend une nouvelle fois à la politique familiale, proposant, dans le projet de budget social, de réduire encore le congé parental et la prime à la naissance du troisième enfant et de porter atteinte au complément du mode de garde, ce que Mme Touraine appelle « poursuivre la modernisation de la politique familiale ». On reparle également au Parti socialiste de moduler les allocations familiales selon le revenu.

Cette proposition, vieux serpent de mer, revient sur le tapis chaque fois qu'un gouvernement, à court d'argent, cherche une issue facile à ses difficultés. Cela avait été le cas avec la réforme Juppé (1995) et la réforme Jospin (1997). La réaction forte du mouvement familial avait alors gelé ces projets pendant quelques années, sans empêcher toutefois un grignotage au fil des ans de l'ensemble des avantages familiaux, que l'on peut estimer à 17 milliards sur vingt ans.

S'est poursuivi en outre un transfert de charges de la branche vieillesse vers la branche famille (9 milliards d'euros au moins) qui permet d'alléguer un déficit de celle-ci parfaitement artificiel.

L’universalité des allocations

Les arguments qui avaient été mis en avant pour défendre l'universalité des allocations familiales semblent avoir été perdus de vue. Il convient de les rappeler.

Beaucoup ont dit fort justement que la politique familiale doit demeurer distincte de la politique sociale de redistribution "verticale" qui se fait par l'impôt ou autrement. La politique familiale vise une redistribution "horizontale", sans considération du revenu, des familles sans enfants vers celles qui en élèvent. Loin d'être une politique "nataliste", cette redistribution n'est que le légitime pendant du système de retraites où la solidarité joue en sens inverse, les personnes âgées n'ayant pas eu d'enfants — ou peu — (et ayant eu par là la vie plus facile) bénéficiant des cotisations des enfants des autres. Compensation partielle : si la solidarité est de presque 100 % pour le troisième âge, elle n'atteint pas les 50 % pour le premier âge, malgré les allocations.

On sait moins que ce principe d'une allocation universelle (ne tenant pas compte du revenu) avait été si bien compris à la Libération que l'Assemblée constituante, largement dominée par la gauche (PC et SFIO), l'avait adopté à l'unanimité et sans débat — de pair avec un quotient familial non plafonné. Mais il semble que cela soit sorti de la mémoire du Parti socialiste, qui n'est plus celui de l'après-guerre et ne cache pas au contraire depuis trente ans son hostilité sournoise à la famille.

Un principe déjà largement entamé

Au demeurant, le principe d'universalité a été bien entamé au fil des ans puisque il ne s'applique qu'à 50 % des prestations. Raison de plus pour ne pas toucher à ce qui reste.

Car cette universalité est essentielle pour assurer la dignité de la politique familiale? laquelle doit rester attachée à la qualité de citoyen (ou de résident). Il n'en serait pas ainsi si, en concentrant les allocations sur les familles nombreuses (les autres ne recevant que peu) affichant les plus faibles revenus, on donnait le sentiment fâcheux qu'elles sont réservées en grand partie aux populations immigrées. Un sentiment qu'a déjà une partie des Français et qu'il serait fort inopportun d'aggraver, d'autant qu'il ne profite guère au vote PS !

D'ailleurs les bénéficiaires restants auraient vite honte de recevoir une aide qui ne serait pas un droit, mais un "secours".

La modulation ou la mise sous condition de ressources a un tel effet destructeur sur la politique familiale qu'elles ont servi de préalable à leur démantèlement dans tous les pays latins (Espagne, Portugal, Italie) où le déficit de naissances est devenu criant.

Ajoutons qu'une modulation des prestations de base selon les revenus exige une lourde procédure bureaucratique de contrôle de ceux-ci.

Une manœuvre politique

Ne négligeons pas non plus dans la tentation socialiste de plafonner ou moduler les allocations, celle de prendre une revanche sur La Manif pour tous. Les familles nombreuses sont rares en France, en dehors de l'immigration. Nul n'ignore le rôle qu'ont joué celles de la classe moyenne dans le grand mouvement de protestation contre la "mariage pour tous" qui vient encore de montrer le 5 octobre qu'il conserve sa vitalité.

Déjà le budget 2014 avait ponctionné ces familles de 1 milliard d'euros par une nouvelle réduction du plafond du quotient familial.

Nul doute enfin que l'existence d'une politique familiale généreuse (quoiqu’elle le soit beaucoup moins qu'autrefois) a contribué à maintenir la France en tête de la fécondité en Europe (2,01 pour une moyenne européenne de 1,5). Le congé parental d'éducation que l'on a commencé à réduire, sous prétexte de parité homme/femme, avait joué un rôle particulier dans le redémarrage des naissances.

Confrontée à une Allemagne qui maintient sa croissance et a rétabli son équilibre budgétaire, notre pays pouvait se réjouir d'avoir depuis 2006 plus d'enfants qui naissent chaque année (pour la première fois depuis 1870) que son partenaire d'outre-Rhin. Faute d'autres, il se doit de garder cet atout.

Loin d'être un cas dont il faudrait raboter la singularité, la France montre le chemin de la survie à une Europe qui meurt lentement. Tailler encore une fois dans la politique familiale pour des raisons budgétaires témoignerait d'un singulier manque de vision.

 

R.H.

 

 

 

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