Etre conservateur, c'est le progrès !

Alors qu’une manifestation des opposants à l’extension de la PMA et à d’autres dispositions du projet de loi bioéthique se tiendra dimanche à Paris, l’universitaire Yann Raison du Cleuziou analyse la dynamique du catholicisme français. Des changements imperceptibles des mentalités «peuvent contribuer à faire du catholicisme une ressource pour les raisons qui le rendait ringard hier», explique l’auteur.

Le dimanche 19 janvier à Paris, la Manif pour tous (LMPT) et une coalition d’associations défileront une nouvelle fois en dénonçant la banalisation de la GPA et la marchandisation du vivant. Depuis novembre 2012, à combien de manifestations en sommes-nous? Il est beaucoup question de la durée des grèves car c’est une mesure de la force de la contestation. La durée de la mobilisation orchestrée par LMPT est également importante à prendre en considération. Ses militants, franchement typés et marchant en famille, font désormais tout autant partie du paysage contestataire que les cheminots avec leurs chasubles orange saturées d’autocollants syndicaux. Je crois qu’il faut s’y faire car, bien qu’ils n’utilisent pas d’arguments confessionnels, les cortèges de LMPT offrent un aperçu sur les dynamiques structurelles qui recomposent durablement le catholicisme français.

À mesure que celui-ci s’effondre statistiquement (en 2016, environ 2 % de pratiquants hebdomadaires dans les 18 ans et plus), son visage dépend de plus en plus de ceux qui restent et parviennent encore à transmettre la foi à leurs enfants. Tendanciellement, il s’agit de ceux que je qualifie de catholiques observants.

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Si les observants constituent un groupe homogène en raison d’une endogamie certaine, leurs sensibilités restent diverses et se déploient en un continuum des traditionalistes aux charismatiques, en passant par les néoclassiques. Les jeunes circulent de l’un à l’autre au gré des offres d’adoration ou de retraites. Habitués à se penser et à s’organiser comme une minorité active dans l’Église, les observants sont déjà adaptés au statut minoritaire qu’acquiert désormais le catholicisme dans la société française. Leur visibilité croissante est un effet paradoxal de la sécularisation de la société. Car c’est l’érosion même du nombre des fidèles qui donne toujours plus de poids aux conservateurs dont la force est de durer.

Cette dynamique, qui change le visage du catholicisme tout autant qu’elle renouvelle le paysage de l’univers contestataire, s’ancre probablement d’autant mieux que le contexte global d’une société postchrétienne lui est paradoxalement favorable. Je fais l’hypothèse que nous vivons un tournant considérable dont seuls des signaux faibles nous avertissent pour l’instant: l’effondrement de l’idée de progrès. Quand je lis des textes des années 1960, je suis toujours frappé par l’enthousiasme pour les jours meilleurs à venir qui les sous-tendent. Et par comparaison, je mesure à quel point le fond de notre époque est bien différent. Certes l’idée de progrès se perpétue à l’échelle individuelle, comme possibilité de dépasser les limites qui entravent le plein accomplissement du désir. Mais l’idée de progrès collectif me semble en régression.

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