Le mois dernier, la Libre Belgique annonçait que Mgr Aloys Jousten, l'évêque responsable de l'enseignement au sein de la conférence épiscopale, " [acceptait] la proposition faite par le secrétariat de l'enseignement catholique de transformer le lien qui unit l'école catholique à l'Église : désormais, il ne sera plus hiérarchique, mais deviendra symbolique ".

Cette information appelle quelques précisions selon les orientations du Congrès de l'Enseignement catholique, dont le secrétariat général (Segec) tenait son congrès à Louvain-La-Neuve, le 3 novembre.

1/ Le lien avec la hiérarchie est toujours qualifié de "symbolique fort" et pas simplement de "symbolique". Cela implique que les instances supérieures du Secrétariat général de l'enseignement catholique devront toujours recevoir l'aval de la hiérarchie, même si les décisions sont précédées de consultations à la base (notamment les assemblées locales de Pouvoirs organisateurs (P.O. = une sorte de Conseil d'administration ou de Directoire dans chaque école) et les directions d'école.

2/ Le Congrès parle de "pluralisme situé" et pas simplement de "pluralisme". Cela signifie que l'enseignement catholique prend acte du pluralisme de fait existant en son sein (parents, élèves, enseignants, personnel) mais il entend que ce pluralisme soit situé par rapport à l'option confessionnelle du réseau catholique.

3/ On ne peut réduire la hiérarchie aux seuls évêques. Le tiers de nos écoles catholiques dépend de religieux (jésuites, frères des écoles chrétiennes, aumôniers du travail, maristes, soeurs de Notre-Dame, soeurs de la doctrine chrétienne, etc.) Dans ces écoles dépendant de religieux, la hiérarchie, ce sont les Supérieurs majeurs et l'Union des religieuses de Belgique qui siègent dans un Bureau central avec les vicaires épiscopaux de l'enseignement. Ils disposent des mêmes prérogatives que les évêques dans les deux tiers restants, y compris pour l'engagement des professeurs de religion.

4/ Les évêques disposent toujours du droit de reconnaître ou non le caractère confessionnel catholique de telle ou telle école.

En conclusion, il faut affirmer qu'il n'y a pas de rupture hiérarchique entre l'Église de Belgique et les écoles catholiques. Néanmoins, on sent une emprise croissante de l'État qui tient un raisonnement logique : "Puisque nous vous subsidions, vous devez respecter certaines règles que nous édictons." Cela peut se justifier dans certains secteurs de la réglementation où il est inopportun d'avoir entre réseaux d'enseignement (de l'État, de la Communauté de langue française de Belgique, des provinces, réseau catholique) des différences non fondées sur des critères objectifs. Nous devrons néanmoins toujours rester vigilants pour garder le caractère spécifique de l'école catholique. Et si – ce qu'à Dieu ne plaise – celui-ci venait à disparaître dans un pluralisme mou (le risque n'est pas hypothétique), ne devrait-on pas alors créer un réseau libre, ne bénéficiant pas des subventions de l'État, et réaffirmant clairement et sans ambiguïté le caractère catholique des écoles ? Avec comme conséquence un accès réservé — dans un premier temps du moins — à ceux qui pourraient se payer un tel enseignement.

Une toute dernière précision, tout à fait personnelle. Aujourd'hui, le trinôme "Pluralisme-Sécularité-Laïcisation" se retrouve partout : c'est un cancer qui ronge les esprits, a pénétré jusque dans les séminaires et paralyse les chrétiens désireux de témoigner de leur foi. Si l'école catholique, sous prétexte qu'elle reçoit de l'argent de l'État et accueille des élèves qui ne partagent pas tous la foi chrétienne, en vient à ne plus se différencier de l'enseignement dit neutre et laïque (mais celui-ci est-il si neutre qu'il l'affirme ?), à quoi sert-elle encore ?

L'évangélisation commence par la famille mais se poursuit à l'école par des maîtres qui ne doivent pas craindre d'exposer la foi mais aussi de la partager. Ce que l'école catholique offre, ce ne sont pas seulement des valeurs (dont beaucoup de retrouvent ailleurs), c'est l'adhésion à une personne : Jésus-Christ.

Jean-Marie Huet est vicaire épiscopal du diocèse de Namur.

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