Lundi 27 juillet à 21h45, s'est déroulé le début des débats en seconde lecture du projet de loi bioéthique. Les députés de la majorité sont absents, pour cause de cocktail au ministère des relations avec le Parlement.
Julien Aubert compte 2 députés de la majorité.
Voici l’intervention du député Thibault Bazin :
Nous arrivons à une nouvelle et importante étape de l’examen de ce projet de révision des lois de bioéthique.
Ces questions touchant à l’intime et aux convictions de chacun, chaque député du groupe des Républicains aura à nouveau une liberté absolue de vote et se prononcera en conscience.
Cela étant rappelé, nous regrettons ce calendrier imposé alors que la session extraordinaire devait déjà se terminer la semaine dernière, en pleine période estivale pour que nos concitoyens ne puissent se mobiliser ni être informés de cette nouvelle version du projet, bien pire que les précédentes.
Nous pouvons regretter aussi la manière dont s’est déroulél’examen en commission spéciale dans un temps contraint, à marche forcée, avec la présence du gouvernement pour un seul article sur une trentaine, permettant ainsi le débordement de ce texte et le franchissement de nouvelles lignes rouges comme la ROPA.
Dans un contexte de difficultés économiques, sociales et sécuritaires profondes comme l’actualité récente nous l’a cruellement rappelé, n’est-ce pas une manière pour le gouvernement de faire diversion ?
En tout cas, c’est faire fausse route pour répondre aux attentes des Français car l’inscription de la bioéthique à l’ordre du jour ne fait pas partie de leurs préoccupations selon un récent sondage et ce projet de loi divise profondément la société française.
Nous pouvons regretter aussi que les amendements du Sénataient été balayés les uns après les autres, sans la recherche du moindre consensus.
Cette révision des lois bioéthiques, qui ne se résume pas à la PMA, loin s’en faut, prétend répondre aux progrès de la science et aux évolutions de notre société.
Mais il faut nous interroger. La science évolue mais est-ce toujours un progrès ? Le techniquement possible est-il toujours humainement souhaitable ?
Ne peut-on craindre les effets de l’intelligence artificielle, de la médecine prédictive, de la neuromodulation ? Ne va-t-on pas vers l’homme augmenté ?
La génomie, le séquençage, le ciseau moléculaire Crisper Kas 9, et même aujourd’hui Crisper Kas 13, nous conduisent-ils vers plus d’éthique ?
L’élargissement de l’accès à la PMA va créer des problèmes de ressources.
Ressources budgétaires, avec l’accès au remboursement de la Sécurité Sociale alors qu’actuellement celui-ci se limite à un critère thérapeutique. Est-ce à l’assurance maladie de financer la création d’orphelins de père, d’orphelins d’un 2ème parent ? La grande majorité des Français ne le souhaitent pas. Mesure-t-on d’ailleurs les effets à venir sur la relation au médecin, ainsi détourné de sa mission de soigner ?
Problèmes de ressources biologiques aussi, car nous allons nous heurter au manque de gamètes, surtout avec la levée programmée de l’anonymat. Comment allez-vous gérer cette pénurie ? En important des gamètes de pays où les dons sont rémunérés ?
Cet élargissement de la PMA va générer des tensions, affaiblissant le respect du principe de gratuité et pourrait conduire inéluctablement à une dérive marchande.
96 % des PMA jusqu’à maintenant se font avec les gamètes du couple, sans problème majeur. L’assistance médicale à la procréation avec tiers donneurs est donc très largement minoritaire. Or on se rend compte qu’elle pose des questions éthiques persistantes provoquant notamment le mal-être des enfants souhaitant accéder à leurs origines.
Ce projet tente d’y pallier en prévoyant la levée programmée de l’anonymat à la majorité de la personne issue du don.
L’élargissement de la PMA avec donneur sans limites aura les conséquences que l’on sait : absence de lien biologique, défaut de parentèle, absence de filiation paternelle, pénurie de gamètes…
La réflexion éthique semble biaisée en semant volontairement la confusion entre des réalités objectives différentes. Ce slogan de la PMA pour toutes tend à masquer la réalité d’une nouvelle PMA bien différente de celle qui se pratique actuellement.
Votre souci de répondre aux désirs de femmes très minoritaires d’accéder à la PMA sans père justifie-t-elle de supprimer le critère thérapeutique de la PMA actuelle ? de supprimer le consentement du conjoint du donneur ? de supprimer la condition d’un lien biologique avec au moins un des parents ? En réalité, vous modifiez aussi la donne pour les couples hétérosexuels, leur rendant également plus difficile demain l’accès à la PMA avec tiers donneurs.
Votre souci de répondre aux désirs de femmes très minoritaires d’accéder à la PMA sans père justifie-t-elle de bouleverser la filiation, de créer des gamètes artificiels, des embryons transgéniques, des embryons chimériques ?
N’y aura-t’il plus aucune limite à la toute puissance de la volonté des adultes ? Notre société n’est-elle plus capable de répondre négativement aux demandes d’accès à la technique si celles-ci ne sont pas humainement souhaitables ?
Désormais avec l’élargissement proposé et la possibilité du double don, il pourra ne plus rester aucun lien biologique. Ne va-t-on pas amplifier le mal-être des enfants en quête de leurs origines ?
Mesure-t-on les effets à terme sur les familles de la suppression du consentement du conjoint sur le don de gamètes ?
Mesure t’on les effets sur ces enfants ? Nullement. Les études citées sont toutes partisanes et sans bases scientifiques suffisantes.
Or l’enfant et son intérêt supérieur devraient être au centre des préoccupations de cette loi. Malheureusement on en est bien loin. Quels risques prenons-nous pour les générations futures ?
On va donc créer des enfants son père, des enfants qui n’auront pas de deuxième parentèle, est-ce là l’intérêt de l’enfant ? 82 % des Français y sont hostiles.
Ne crée t’on pas de nouvelles inégalités entre les enfants ? Ne porte-t-on pas préjudice aux enfants ? La société ne va-t-elle pas créer ab initio des vulnérabilités ?
Et on ne « commande » pas des enfants. Les enfants ne sont pas un bien, une marchandise, un dû.
Pourquoi aussi avoir levé les freins mis par le Sénat contre la GPA ?
Certes la gestation pour autrui reste pour l’instant interdite en France. Mais, en même temps, votre gouvernement et votre majorité ne veulent pas vraiment dissuader nos concitoyens d’aller louer le corps de femmes à l’étranger. Il faudrait même pour certains d’entre vous leur faciliter les démarches à leur retour. Quelle hypocrisie ! Au fond, Monsieur le Ministre de la Santé, ne seriez-vous pas favorable demain à une GPA que certains ici osent qualifier d’éthique quand notre société renoncera à s’y opposer ?
Monsieur le Garde des sceaux, allez vous tout mettre en œuvre pour qu’il n’y ait plus demain d’enfants conçus a l’étranger par GPA pour des Français ?
L’artificialisation de ces procréations nous amène de surcroît à des risques importants comme le droit à l’enfant parfait.
Deux dispositifs adoptés en commission spéciale veulent nous y conduire : le DPI-A qui conduit à trier les embryons en fonction de leur génome et l’élargissement du diagnostic prénatal.
Imaginez-vous la dérive eugénique.
La pression de certains laboratoires est forte car les intérêts sont énormes et pourtant la fiabilité de ces dispositifs est faible et leurs résultats scientifiques contestés.
Mais l’une de leur motivation non avouée est le refus systématique de certains handicaps comme la trisomie 21.
On nous parle de société inclusive, on va même visiter un Café joyeux, et en même temps, on autorise un tri des enfants à naître ?
Stop aux faux-semblants. En bioéthique aussi, un peu de cohérence ne ferait pas de mal.
Quel signal donne–t–on aux personnes handicapées et à leurs parents ? Où est l’accueil du plus vulnérable ?
Le coût de ces examens est très important, gardons plutôt ces ressources pour la recherche afin de soigner ces maladies et l’infertilité.
Quelle considération aussi pour l’enfant conçu à des fins de bébé-médicament ?
La dérive transhumaniste est aussi présente dans ce texte avec notamment la création de gamètes artificiels à partir de cellules IPS, la création d’embryons transgéniques, certes uniquement pour le moment à des fins de recherche, et la création d’embryons chimériques avec l’insertion de cellules souches embryonnaires humaines dans un embryon animal qu’on insère dans la femelle.
Ces manipulations transgressent les frontières entre les espèces.
Est-ce anodin de détruire des embryons pour faire de la recherche ? Sinon, pourquoi toujours assouplir davantage les démarches jusqu’à une simple déclaration comme le prévoit votre projet ?
Les embryons ne sont-ils pas des êtres en devenir ? Chacun de nous n’a t-il pas été embryon ? Il convient de respecter l’intégrité de l’embryon humain.
La pression des commerces de la reproduction ne doit pas nous mener à franchir toutes ces barrières éthiques.
La fin ne justifie pas les moyens. Le respect de la nature humaine, de l’écologie humaine, le principe de précaution devraient primer.
Pourquoi ces principes valables pour notre planète ne le seraient pas pour l’Homme ?
L’écologie, à laquelle les Français accordent de plus en plus d’importance, devrait respecter la nature et la dignité de l’homme, dès sa conception.
Mes chers collègues, je suis très inquiet par les conséquences des transgressions éthiques contenues dans ce projet.
Avec un président et une majorité hors sol, allez-vous faire de l’humain hors sol par chimérisme ou transgenèse, jusqu’à faire croire à un nouveau monde où l’humain serait parfait par tri préalable ?
Je ne veux pas de ce nouveau monde profondément inhumain.
Comme la grande majorité des Français, je suis contre ce texte qui nous amène à la fin de la bioéthique à la Française.
Espérons que nos débats, dans le respect, puissent redresser la barre en faisant prévaloir l’éthique de la vulnérabilité, l’intérêt supérieur de l’enfant et le respect inconditionnel de la personne humaine.
Alors, mais alors seulement, nous pourrons en être fiers. »
Emmanuelle Ménard critique un texte qui “va donner vie à des enfants volontairement programmés sans père”.
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