Comment François nous fait comprendre ce qu’est l’infaillibilité pontificale - et surtout ce qu’elle n’est pas

Source [Atlantico] Alors que le souverain pontife effectue une visite en Thaïlande et au Japon, Edouard Husson revient pour Atlantico sur le pontificat du pape François, qui pourrait rester dans l'histoire comme un pape de l'éphémère.

François ou l’avènement du relativisme sur la Chaire de Saint Pierre

Le pontificat du pape François pose un redoutable défi à la communauté des catholiques à travers le monde. Jusqu’à la démission de Benoît XVI, en février 2013, la crise intellectuelle et morale d’une parti du clergé catholique avait été largement surmontée grâce à la qualité des papes qui se sont succédés, depuis que Pie X (1903-1914) avait engagé la lutte contre le modernisme, terme qu’il faut entendre comme l’introduction du relativisme dans la théologie et l’interprétation de l’Ecriture. Jusqu’à François, les papes ont su que le relativisme était, à court terme, une menace mortelle pour une institution bimillénaire, s’appuyant sur une tradition scripturale encore plus ancienne, au moins trimillénaire. Pensons aux trois défenseurs de l’esprit européen face à la guerre et au totalitarisme que furent Benoît XV (1914-1922), Pie XI (1922-1939) et Pie XII (1939-1958); au « bon pape » Jean XXIII (1958-1963), si imprégné du principe de saint François de Sales, « rien par force, tout par amour »; à ces deux géants de la fidélité que furent, dans une époque troublée, Paul VI (1963-1978) et Jean-Paul II (1978-2005); pensons enfin à ce théologien d’exception qu’est Benoît XVI (2005-2013). Tout au long du XXè siècle, une partie du clergé s’est laissée séduire par le relativisme, que ce soient les sophismes de la philosophie allemande ou les tentations de la vie mondaine. Mais les catholiques pouvaient se reposer sur le fait qu’à Rome on tenait fermement le gouvernail. 

Et puis vint François, dont le seul fait qu’il ne veuille pas que l’on adjoigne de numéro à son pontificat (« François Ier ») montre bien qu’il est un in individualiste, en rupture, arrivé comme par accident sur le siège de Saint Pierre. On ne compte plus ses approximations théologiques, ses déclarations provocatrices, ses gestes inappropriés à la fonction qu’il occupe. Le récent synode sur l’Amazonie a représenté le franchissement d’un cap supplémentaire puisque plusieurs moments de célébration païenne  - en l’honneur d’une représentation andine de la Terre-Mère, la Pachamama - ont eu lieu en la présence du Saint-Père, sans que celui-ci en soit choqué. 

Trois attitudes face au pape actuel

Aussi ne faut-il pas s’étonner que, face à son comportement iconoclaste, trois attitudes soient en train de voir le jour:

- la tendance « sédévacantiste », c’est-à-dire l’idée selon laquelle le trône de Saint Pierre serait actuellement inoccupé, malgré les apparences. Cette théorie est née dans les milieux traditionalistes les plus durs, dans les années 1970, devant l’instrumentalisation de l’esprit du Concile Vatican II par des théologiens, intellectuels et prêtres modernistes. Réservé à l’origine à une minorité un peu farfelue, qui refusait de reconnaître l’autorité des papes depuis Paul VI, le sédévacantisme trouve des renforts inattendus depuis la démission de Benoît XVI. Ce dernier y a d’ailleurs contribué en continuant à porter la soutane blanche alors qu’il avait démissionné du souverain pontificat. Aussi les durs du sédévacantisme ont-ils été rejoints par un groupe de catholiques, aux Etats-Unis ou en Europe, qui pensent que Benoît XVI est en fait encore pape, François ne pouvant pas avoir été élu pape, vue le nombre de dérapages qui caractérisent sa parole et son action. Un pape ne peut dévier de la doctrine de toujours disent-ils; or François fait des sorties de route quasi-quotidiennes; donc François ne peut être pape. 

- la tendance que l’on pourrait qualifier, pour en sourire, d’« autruchienne ». Un certain nombre de catholiques fidèles sont très mal à l’aise devant le modernisme effectif de François car ils ont admiré le travail de redressement de l’Eglise entrepris sous Jean-Paul II et Benoît XVI. Mais ils ne savent pas très bien comment s’arranger avec le cas inédit  d’un pape apparemment très faillible. Et donc, ils pratiquent la politique de l’autruche. Ces « Autruchiens », ce sont non seulement des laïcs mais aussi des membres du clergé qui mettent la tête dans le sable en attendant que cela se passe. Tout au long du synode sur l’Amazonie, j’ai croisé plusieurs prêtres aux positions parfaitement orthodoxes mais qui évitaient mes questions sur ce qu’il faudrait faire pour rappeler François à l’orthodoxie. Ils semblaient considérer qu’ils n’étaient pas concernés par ce synode et encore moins par l’idée, pourtant fréquente dans l’histoire de l’institution, d’une « correction filiale » ou « fraternelle » d’un souverain pontife infidèle à sa mission. Mettre en cause l’autorité de François, vous n’y pensez pas, était la réponse implicite, le pape est le pape, il a forcément ses raisons. 

-la tendance « totalitaire »: ce sont des laïcs et des membres du clergé qui appuient à fond la ligne du pape François; ils y voient la rupture moderniste longtemps attendue enfin assise sur le trône pontifical. Tout à leur transformation relativiste, ils invoquent l’obéissance au pape et son infaillibilité contre les nombreux chrétiens récalcitrants. Retournement étonnant: la plupart de ces gens avaient pour habitude, avant le présent pontificat, de contester l’autorité des successeurs de Pierre. A présent ils la revendiquent et insistent sur l’infaillibilité de « leur » pape. 

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