Ce silence des cadres français qui masque une autre réalité que celle des “gagnants de la mondialisation”

Source [Atlantico] Le député LREM Aurélien Taché a pu "ouvrir le débat" sur la question de l'indemnisation des cadres touchant plus de 5000 euros par mois. Comment évaluer la situation des cadres en France ?

 

Atlantico : Au cours de cette semaine de rentrée politique, le député LREM Aurélien Taché a pu "ouvrir le débat" sur la question de l'indemnisation des cadres touchant plus de 5000 euros par mois. Au delà de cette question particulière, comment évaluer la situation des cadres en France ? Derrière une image de "privilégiés" quelle est la réalité de ce que vous avez appelé "Le silence des cadres" ? 

 Denis Monneuse : Certains baromètres sociaux indiquent un taux de satisfaction élevé chez les cadres, en particulier chez les hommes, les jeunes, les cadres dans les PME et les cadres les mieux rémunéré. Il faut toutefois se méfier de ces enquêtes d’opinion car les cadres peuvent être tentés de nier leurs difficultés et de positiver leur situation pour tenir le coup. Quelques indicateurs en matière de santé physique et mentale peuvent en effet inquiéter. Le suicide de cadres sur leur lieu de travail (à Renault, France Télécom, La Poste, Pôle Emploi…), alors que le taux de suicide de ces derniers est traditionnellement faible, est un phénomène nouveau ; les cas de burn-out semblent moins exceptionnels qu’autrefois ; l’absentéisme maladie croît, alors que le surprésentéisme, à savoir la présence au travail malgré la maladie, est la norme chez cette catégorie socioprofessionnelle ; le recours à des substances dopantes utilisées pour « tenir coûte que coûte » semble se diffuser…Ce qu’on appelle le « malaise des cadres » prend trois formes : - Un malaise identitaire dû à une diminution du prestige, donc de la reconnaissance externe de ce statut.Il affecte ceux qui ne disposent pas d’une autre facette identitaire d’ordre professionnel à laquelle se rattacher : un métier bien défini, un diplôme valorisant, un secteur d’activité attractif, un statut plus précis (cadre-dirigeant, haut potentiel…), etc. - Un sentiment d’iniquité mesuré par le ratio contribution/rétribution. Le sentiment d’être perdant en la matière concerne tout de même 40 % des cadres (Apec, « Enquête climat », 2011). On retrouve ici en partie le malaise des classes moyennes qui se sentent les « dindons de la farce » comme l’avait identifié Laurent Wauquiez il y a quelques années (Laurent Wauquiez, La lutte des classes moyennes, Odile Jacob, 2011. Cf. aussi Fondation pour l’innovation politique, « Portrait des classes moyennes », octobre 2011). - Un mal-être dû au manque de sens et aux conflits de valeurs qui renvoie plutôt à des problématiques personnelles, à la capacité de chacun de trouver (ou non) la situation de travail qui sied à sa personnalité, au sens où elle permet de se sentir à sa place, à l’aise avec le contenu de l’activité, en adéquation avec soi-même. Il touche surtout les femmes ayant des enfants en bas âge, écartelée entre réussite professionnelle et réussite familiale, ainsi que des seniors qui ont l’impression que la qualité du travail se dégrade à mesure où la réactivité devient la première qualité recherchée.

 

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