Homélie pour le 2e dimanche de l'Avent. Je voudrais aujourd'hui évoquer le baptême. Pas uniquement le baptême enfantin, mais le baptême d'adulte, dont nous parle Jean-Baptiste dans l'évangile, et qu'il prend soin de qualifier de baptême de conversion, de retournement.

Je pars d'un fait : dans le compte-rendu de la dernière réunion du Conseil pastoral paroissial, les chiffres suivants nous étaient communiqués : sur la grande paroisse Saint-François, il y a eu, en l'an 2000, 250 baptêmes. Huit ans après, en septembre-octobre de cette année, 50 enfants seulement sont inscrits en 1e année de catéchisme, c'est-à-dire un sur cinq. Autrement dit, quatre baptisés sur cinq ont disparu, évanouis dans la nature, et volatilisés !
Le prêtre voisin, curé de Lillebonne et Gravenchon, qui est aussi notre vicaire épiscopal, représentant de l'évêque, voudrait réagir contre cet état de fait, ce ramollissement de la religion, je crois qu'il a raison.
Il voudrait renforcer les réunions de préparation au baptême, réalisées de concert avec celles concernant le mariage, les deux publics étant, le plus souvent, frappés d'une même sorte d'anémie ! Le contenu de ces réunions serait davantage charpenté et étoffé, et la délivrance des sacrements reculée jusque un an.
J'étais ravi de l'entendre dire, l'autre jour, à une réunion de "pôle" : pourquoi ne pas commencer par poser la question : "Qu'est-ce que la vérité ?"
Prêcher dans le désert
Voyons maintenant une autre question, l'expression populaire, dérivée de l'évangile, "prêcher dans le désert"... Dans le langage courant, cela veut dire : parler à des sourds, parler dans le vide, tenir des paroles... verbales, c'est-à-dire non suivies d'effet. Je me demande si, dans certains domaines de la religion catholique actuelle, ce n'est pas un peu notre situation à nous autres prêtres et laïcs, chargés de transmettre l'Évangile ? Oui, parler de la vérité serait incontestablement un progrès.
Le second sens de l'expression "prêcher dans le désert", au sens précis du terme, est celui d'un discours rigoureux, et vigoureux, comme celui de Jean-Baptiste, dépourvu de fioritures, visant à obtenir un effet, sinon immédiat, du moins urgent. Vous vous souvenez de sa parole, quand il menace en disant : "La cognée est à la racine des arbres, tout arbre qui ne porte pas de fruit sera coupé et jeté au feu"... Ou bien, quand il prend la comparaison de la moisson : "Le grain sera engrangé, mais la balle, la paille, sera brûlée"...
Dans le désert, à vrai dire, le Baptiseur n'était pas si isolé que cela, puisqu'il avait eu l'intelligence de se poster près du gué de Beth Araba, point de passage obligé pour les caravanes voulant traverser le Jourdain, il les attendait au tournant !
Troisième signification du mot "désert" dans ce texte. Il évoque sans doute le monastère des esséniens en surplomb de la Mer Morte. Les esséniens étaient des moines qui avaient "pris le maquis", afin de réagir contre la corruption ayant cours dans beaucoup de milieux ecclésiastiques de Jérusalem et du Temple. Laxisme contre quoi le Seigneur Jésus avait dû, lui aussi, se bagarrer vivement, comme vous savez.
Le baptême des esséniens
Le monastère des esséniens à Qumran a été rendu célèbre. En 1947, leur bibliothèque, papyrus et parchemin, cachée dans des jarres au fond de grottes escarpées, a été retrouvée, d'abord par des bédouins en quête de bakchich, ensuite étudiée par beaucoup de savants mondiaux, qui continuent actuellement.
Il s'agissait de la bibliothèque de ces ascètes, cachée précipitamment lors de l'invasion romaine en l'an 70, la Xe Légion Foetensis, rouleau compresseur... bibliothèque restée intacte pendant dix-neuf  siècles, à cause de la grande sécheresse des lieux. Il est à penser que Jean-Baptiste a dû fréquenter ce monastère, pour son noviciat, et pour d'autres stages de formation.
Pour ne rien vous cacher, j'éprouve personnellement une affection particulière pour ces moines du temps de Jésus, à cause de leur grande rigueur, par opposition aux magouilles que l'on rencontre stigmatisées dans tout l'évangile, la médiocrité ambiante, et crasse. Certes, les positions des esséniens et celles de Jésus vont diverger sur de nombreux points, mais cependant l'exemple de ces solitaires est assez précieux, dans un monde délabré, je veux dire : le leur et le nôtre !
Les esséniens pratiquaient de nombreuses ablutions rituelles, bains et aspersions purificatoires. Ils avaient organisé tout un réseau pour capter les eaux de pluie et de source, les conserver et les répartir.
Notons cependant une autre différence : le baptême chez eux était répétitif, tandis que le baptême donné par Jean, ainsi que le baptême chrétien, ne le sont pas. Pour Jean-Baptiste et nous, c'est une seule fois que l'on est plongé, l'empreinte donnée étant profonde, et unique.
Le baptême de conversion
Je voudrais revenir sur ce que Marc l'évangéliste veut nous dire quand il parle de "baptême de conversion". La conversion, comprenons bien, ne consiste pas ici à changer de religion, mais tout simplement à passer d'une religion théorique, à une religion vécue, et pratiquée.
Marc demande de trancher dans le vif, par rapport à certains péchés. C'est ce que fait Zachée quand il dit à Jésus qu'il va donner la moitié de ses biens, et rendre au quadruple ce qu'il a détourné. Imaginez aujourd'hui la tête qu'ils feraient, les traders, les financiers et les agents de change si un nouveau Zachée débarquait subito chez eux.
Matthieu, dans le passage parallèle à Marc parle, lui, d'un baptême de feu. Le feu comme symbole plus fort de conversion et purification, le feu évoquant la colère de Dieu.
Je relisais dernièrement le livre fameux de Georges Bernanos, Sous le soleil de Satan. J'ai aussi réfléchi à tout ce que nous a apporté ce grand chrétien. Comme Jean-Baptiste, lui non plus n'avait pas sa langue dans sa poche.
Bernanos insiste sur le mystère ténébreux du péché, tout cet environnement délétère que le mal véhicule avec lui, complicités, connivences nocturnes, j'en viendrais presque à parler de métastases.
Chers amis, vous le sentez, les leçons que nous donnent, entre autres, Jean-Baptiste et Georges Bernanos, sont particulièrement utiles, pour ne pas dire indispensables actuellement, une époque dans laquelle on voudrait presque supprimer les notions de bien et de mal, pour mettre à la place je ne sais quelle psychologie de bazar. L'homme naturellement bon, c'est vraiment rigolo, ne trouvez-vous pas ?
En conclusion, deux points :

  • Essayons, dans notre entourage, de mieux faire comprendre l'importance du baptême, même donné à des enfants. Le baptême et son suivi, le catéchisme entre autres.
  • Quant à nous, acceptons de pratiquer en ce temps de l'Avent, une certaine cautérisation du mal et de ses racines, dans notre coeur et dans notre vie, par les sacrements, la prière et le partage.

 

Amen.
*L'abbé Pierre Guéroult est curé de Beuzeville-la-Grenier (76)

Marc 1,1-8
1 Commencement de l'Évangile de Jésus Christ, Fils de Dieu. 2 Selon qu'il est écrit dans Isaïe le prophète: Voici que j'envoie mon messager en avant de toi pour préparer ta route. 3 Voix de celui qui crie dans le désert: Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers, 4 Jean le Baptiste fut dans le désert, proclamant un baptême de repentir pour la rémission des péchés. 5 Et s'en allaient vers lui tout le pays de Judée et tous les habitants de Jérusalem, et ils se faisaient baptiser par lui dans les eaux du Jourdain, en confessant leurs péchés. 6 Jean était vêtu d'une peau de chameau et mangeait des sauterelles et du miel sauvage. 7 Et il proclamait: "Vient derrière moi celui qui est plus fort que moi, dont je ne suis pas digne, en me courbant, de délier la courroie de ses sandales. 8 Moi, je vous ai baptisés avec de l'eau, mais lui vous baptisera avec l'Esprit Saint."