Avortement tardif : le terrible témoignage du Docteur X

À l’occasion d’une campagne du Centre européen pour le droit et la justice pour recueillir des témoignages sur la réalité de l’avortement tardif en France, un médecin de 46 ans, Jean-Louis, nous a raconté son expérience, où la foi l’a aidé à surmonter des faits tragiques.

Témoignage complet du Docteur Jean-Louis X

« JE SUIS MEDECIN en réanimation adulte, métier que j’exerce depuis un peu plus de dix ans avec beaucoup de joie, et j’ai une formation d’anesthésiste réanimateur. Je voudrais témoigner de ce que j’ai pu vivre lorsque j’ai été interne d’anesthésie en stage de maternité, il y a environ seize ans, dans un centre hospitalier universitaire.

« J’étais ce jour-là en charge de la salle de naissance ayant le téléphone (bip) de garde de l’interne d’anesthésie. J’étais sous la responsabilité d’un médecin anesthésiste également chargé de la salle de naissance ce jour-là. Je fus appelé pour réaliser une anesthésie péridurale pour une jeune femme qui devait accoucher par voie basse suite à un déclenchement pour interruption médicale de grossesse à un stade assez avancé aux environs de six mois. Son mari était présent. J’avais tout à fait conscience du geste que je réalisais et il me semblait que je pouvais faire ce geste avec le plus de douceur possible dans ce moment difficile pour ce jeune couple.

Suivant le protocole

« Cette interruption de grossesse tardive avait été décidée suivant le protocole en vigueur dans le service, après les consultations multidisciplinaires nécessaires, mais je ne me souviens plus de la cause ayant mené à la décision d’une interruption de grossesse. Je me souviens très nettement ne pas avoir voulu savoir comment se déroulerait l’interruption de grossesse elle-même, et j’avais dit clairement au médecin responsable anesthésiste, que je ne souhaitais plus rentrer dans la pièce à la suite de la pose de cette anesthésie péridurale. J’avais déjà exprimé le souhait de ne pas assister aux interruptions de grossesses (IVG, IMG). Ce choix avait été respecté par l’équipe de gynécologie et d’anesthésie.

« Dans cette même journée, quelques heures plus tard je me trouvais être assis au bureau des anesthésistes, non loin de la salle de naissance. Mon téléphone de garde se mit à sonner. Et alors que celui-ci sonnait, je fus pris d’une impossibilité de pouvoir répondre à cet appel. C’est un petit peu difficile à expliquer, parce que jamais je n’aurais imaginé faire une chose pareille. Ne pas répondre au téléphone de garde de la salle de naissance est quelque chose de grave. Cela ne m’était jamais arrivé, cela ne m’est plus jamais arrivé. Pourtant à ce moment précis je fus comme saisi d’immobilité sur mon siège en écoutant ce téléphone sonner.

«  Après un délai peut être d’environ 15 à 30 minutes, je me levai en direction de la salle de naissance et fut vivement interpellé par la sage-femme qui s’occupait de la jeune femme à qui j’avais posé la péridurale en début de journée. Elle était énervée, mal à l’aise, me reprochant de ne pas avoir répondu et c’est alors qu’arriva le médecin anesthésiste qui avait la responsabilité de la salle de naissance ce jour-là. Il avait été appelé par la sage-femme. Ils se mirent à me raconter ce qui s’était passé.

Il cria, il était vivant

« La sage-femme me raconta rapidement comment le gynécologue avait mis fin à la vie de l’enfant dans le ventre de sa mère, en faisant un repérage échographique et en injectant du produit à fin de faire arrêter de battre le cœur de l’enfant. Puis l’accouchement par voie basse avait été déclenché.

« Au moment où l’enfant sortait, la sage-femme était seule. Lorsque l’enfant fut complètement sorti, il cria, il était vivant. La sage-femme disait combien elle fut saisie et étouffa les cris de l’enfant avec la main et sortit rapidement pour que les parents n’entendent pas leur enfant. Elle se dirigea vers la salle de réanimation néonatale. C’est à ce moment précis qu’elle m’appela sur mon téléphone de garde et que je ne pus répondre. Le médecin anesthésiste raconta à son tour qu’il fut appelé par la sage-femme en salle de réanimation néonatale. La suite de ce que je vais dire est difficile à entendre, c’est pourtant la vérité, elle me fut moi-même difficile à entendre et je fus longtemps saisi d’effroi. La sage-femme dut retourner auprès de la femme qui venait d’accoucher et le médecin anesthésiste se retrouva seul avec l’enfant. Il ne le réanima pas ; au contraire, par plusieurs manœuvres l’enfant mourut quelques minutes plus tard.

« L’atmosphère était tendue. Je mesurais alors combien j’avais été protégé d’assister à une chose aussi effroyable. Je remercie encore aujourd’hui la Providence de m’avoir épargné de voir tout cela.

Une réanimation réussie

« À peine une ou deux heures plus tard, une autre jeune femme arrivait pour menace d’accouchement à six mois de grossesse. Rapidement, elle accoucha. Son enfant fut emmené immédiatement en salle de réanimation néonatale. Ce fut une réanimation assez difficile, les pédiatres sont rapidement arrivés pour nous aider car les choses ne se passaient pas comme nous le voulions. Au bout d’une longue réanimation l’enfant fut stabilisé et il partit pour le service de réanimation néonatale.

« Je réalisais alors que cet enfant que nous venions de réanimer avait le même âge que l’autre enfant qui, quelques heures auparavant, n’avait pas eu le droit de vivre. J’étais à la fois bouleversé et dans une grande colère intérieure.

« À la fin de la journée, la sage-femme invita l’équipe à se retrouver en salle de pause. Elle sortit une bouteille de champagne du frigo. Elle invita chacun à prendre une coupe non pas pour se réjouir mais afin d’aider chacun à oublier ce qui s’était passé.

Ma conscience et ma foi

« Durant toutes mes études, je n’ai jamais caché ma foi en Jésus. Je suis catholique, mais je crois que cet événement interpelle tout homme toute femme, croyants ou non. Il ne s’agit pas d’accepter ou de refuser de faire tel geste médical au nom d’une appartenance religieuse. J’ai vu combien des personnes tout à fait équilibrées, pouvait être amenées à faire des choses qu’elles auraient réfutées dans un autre contexte, en étant détachées de cette notion d’urgence et de l’engrenage psychologique qui s’était mis en place dès le début de cette procédure d’interruption de grossesse.

« Je peux témoigner du malaise, le mot est faible, plutôt de la torpeur de cette fin de journée dans l’équipe médicale et paramédicale. Je reste profondément atterré par cette affaire et je vois combien nos structures médicales peuvent parfois nous amener à réaliser ce que nous ne voudrions pas faire.

« Je voudrais aussi témoigner que l’on peut toujours faire objection de conscience, croyants ou non. En repensant à cet événement, je peux dire que j’éprouve une grande tristesse et confie à Dieu non seulement cet enfant mais toutes les personnes présentes quelles que soient leurs responsabilités dans les actes commis. Ma foi en Jésus, mort et ressuscité, m’a été d’un grand secours pour traverser cet événement douloureux de ma formation de médecin. En faisant cette péridurale à cette jeune femme, il m’a fallu du temps pour être persuadé que je n’avais pas voulu la mort de cet enfant, mais simplement poser un geste de douceur et de réconfort pour un couple qui allait être éprouvé. La consolation de Jésus et de Marie m’ont été un d’un grand secours.

« Je suis également persuadé que ce que Dieu a fait pour moi, il peut le faire pour toute personne afin de l’aider à traverser un événement similaire. Si notre cœur nous accuse, il est au Ciel quelqu’un, de plus grand que notre cœur, qui pardonne et qui console.

 

Docteur Jean-Louis X, le 13 juin 2015.

 

Sur ce sujet :

rapport-ECLJ

Rapport de l’ECLJ
L’avortement tardif
et les infanticides néonataux en Europe
(30 juin 2015)

 

 

 

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