Chaque année depuis maintenant trois ans, certains catholiques du diocèse d'Avignon ont des manières bien particulières de souhaiter la bonne année à leur archevêque, Mgr Jean-Pierre Cattenoz. Dans ces colonnes, nous avons par deux fois rapporté l'incroyable opposition frontale à leur pasteur d'un groupuscule de laïcs et de certains prêtres, et leur manœuvres inédites pour le faire partir [1].

Reconnaissant aujourd'hui publiquement que leur stratégie durant deux ans avait été particulièrement contre-productive, puisque Benoît XVI a reçu Mgr Cattenoz début 2010 et l'a conforté dans son ministère, ses opposants ont décidé de changer de tactique : si on ne peut obtenir le départ de l'archevêque par la hiérarchie et le pape (en se prévalant pourtant d'être en communion avec l'Église universelle ...), et bien tentons de l'obtenir par la base !
Un audit à charge
Ce changement de pied est annoncé dans le journal Le Monde du 7 janvier : structurés désormais en association (Chrétiens en Vaucluse), les contestataires décident de manifester publiquement leur opposition devant l'archevêché le dimanche 9 janvier en rameutant les médias nationaux et locaux ― volontiers de connivence lorsqu'il s'agit de critiquer l'Église-institution ― puis, fait unique sans doute dans l'histoire contemporaine de l'Église, de réaliser eux-mêmes un audit du diocèse .
Non ! vous ne rêvez pas : cela se passe dans l'Église catholique en Avignon en 2011. Sous prétexte d'être meurtris et blessés par leur évêque, ces fidèles sont vent debout contre une pastorale jugée en repli , qualifiée de quête identitaire , selon les poncifs éculés des progressistes radicaux.
Voici donc un groupe de laïcs, sans aucune légitimité ni ministère, autoproclamés auditeurs de leur diocèse, et réunis en groupes de travail thématiques. Pour être crédibles, les opposants auraient pu au moins faire appel à un intervenant extérieur neutre et impartial : c'est le principe élémentaire de ce type de travail [1].
Ce prétendu audit n'est donc qu'un vulgaire procès à charge, maquillé grossièrement en démarche objective et dont les conclusions sont déjà écrites : à écouter nombre de jugements et d'assertions cassantes, à lire certains propos dans la presse, on ne peut s'empêcher de penser à une sorte de tribunal populaire expéditif.
Un évêque plus collégial
D'un côté, nous avons donc un évêque qui, répondant aux orientations données par Jean-Paul II et Benoît XVI depuis trente ans, a maintenu son orientation générale vers le renouvellement et le rajeunissement pastoral, la nouvelle évangélisation, l'accueil et l'émergence des vocations, une application intégrale de Vatican II... tout en laissant sa place à la diversité des expressions et des sensibilités, comme l'Église-corps se doit, par vocation, de respecter les charismes complémentaires.
La vraie conversion de Jean-Pierre Cattenoz depuis dix-huit mois, c'est son mode de gouvernement, bien moins à l'emporte-pièce, bien plus à l'écoute des différents avis avant de décider, bien plus collégial : d'ailleurs les prêtres opposants se sont faits aujourd'hui beaucoup plus discrets, et ne sont plus sur le devant la scène comme ils l'ont été auparavant, preuve que leur évêque a su écouter et modifier sa façon de faire là où c'était nécessaire.
De nouveaux conseils, épiscopal et presbytéral, sont en place et travaillent sur nombre de dossiers. Certes, il reste des progrès à faire, tout ne peut être réglé en un an, mais le diocèse est en état de marche, même si – on peut l'admettre et le comprendre – certains sont impatients et peuvent être en désaccord avec les choix opérés.
Errances
De l'autre, des arguments rongés jusqu'à la corne depuis trois ans, des procès d'intention, des fantasmagories qui montent en épingle et déforment des micro-évènements, une désinformation menée par des leaders qui affolent leur ouailles avec des rumeurs, une prétention à détenir comme un monopole de la charité catholique vis-à-vis des pauvres et des exclus, des propos xénophobes incroyables vis-à-vis des communautés nouvelles ou des prêtres étrangers ( on n'a pas besoin de Brésiliens ou d'Africains chez nous pour servir notre Église : ils ne comprennent pas notre culture ), sorte de repli pavlovien et frileux sur l'entre-soi vauclusien...
Tout cela révèle la manipulation de groupe par un noyau de leaders, comme l'illustrent les propos entendus chez de nombreux manifestants le 9 janvier et ceux rapportés par la presse.
Pourquoi de telles errances ? Ces insatisfaits sont les enfants de mai 68, tout imprégnés du bain idéologique des années 60-70, leur jeunesse ! La pastorale prioritaire conduite par Mgr Cattenoz dans son diocèse dérange donc une doctrine forgée depuis cinquante ans par la pastorale de l'enfouissement, la confusion dialogue/collusion avec le monde, une conception gauchisante de l'apostolat, une interprétation très orientée et partiale de Vatican II, une vision ecclésiologique de type démocratique ou protestante [2].
Beaucoup parmi eux jugent donc rétrogrades, intégristes ou agressives des pratiques aussi diverses que l'agenouillement à la consécration ou l'adoration eucharistique, la liturgie avec encens, ornements et enfants de cœur, l'évangélisation explicite, le respect des dogmes, la finalité de toute mission d'Église qu'est l'évangélisation et donc la conversion au Christ...
Ainsi, proposer Jésus ou annoncer la foi dans la rue ou par le porte-à-porte n'est pour eux qu'un prosélytisme irrespectueux. Leur matrice de pensée semble se structurer sur l'opposition entre l'engagement dans le monde et la vie spirituelle, entre le service de la charité et l'évangélisation, alors qu'il est essentiel pour chaque baptisé de vivre et l'un et l'autre. Ils perçoivent donc l'orientation pastorale définie par l'évêque d'Avignon comme une intolérable régression, voire même une remise en cause personnelle insupportable, ce qui déclenche une hyper-sensibilité qui parasite toute discussion sereine et objective.
Immaturité chrétienne
Quoiqu'il en soit, se donner ainsi en spectacle alors que Mgr Cattenoz les a invités à plusieurs reprises à le rencontrer et qu'ils n'ont cessé d'en différer la date jusqu'à cette manifestation publique, appeler la presse et la solliciter activement pour couvrir l'événement, agiter de la sorte le chiffon rouge pour créer un scandale public hyper-médiatisé, est un procédé inacceptable dans l'Église catholique.
C'est un peu comme si des enfants organisaient une manif dans la rue contre leurs parents parce qu'ils sont fâchés contre eux : quelles qu'en soient les raisons, faire pression en utilisant depuis trois ans cette arme du scandale est absolument inadmissible et relève d'une immaturité chrétienne avérée à de nombreux égards. Comment justifier devant les jeunes générations, lorsqu'on a, a priori, l'âge de la sagesse , l'image de revendications syndicales primaires, en maniant habilement rumeurs et décisions supputées pour entraîner le bon peuple à la révolte ? Et ceci entre frères, membres du même Corps... quel triste spectacle !
Alors quelles conséquences ? Ce fameux groupe est très minoritaire : 150 à 200 manifestants malgré tout le battage médiatique du 9 janvier, sur 25 000 catholiques pratiquants en Vaucluse, dont 2 000 baptisés qui ont nominativement exprimé en moins de quinze jours leur communion avec l'archevêque d'Avignon et leur refus de la division avec l'ouverture du site www.benissez.fr.
Une génération vieillissante
Les contradicteurs de Mgr Cattenoz appartiennent à une génération vieillissante, et regroupent une très grande majorité de retraités et de personnes âgées. Leurs actions sont perdues d'avance, et l'Église dans ses différentes instances hiérarchiques ne s'y trompe pas : ce crescendo activiste de plus en plus déraisonnable a quelque chose de dérisoire [3], cela ressemble de plus en plus à un pathétique chant du cygne .
Le comportement de ce groupe pourra donc éveiller légitimement des réactions partagées entre l'indifférence, la colère ou la compassion :

  • l'indifférence devant les soubresauts de ces derniers des mohicans : l'Église en a vu tellement d'autres, et de bien plus graves depuis 2000 ans. Lavenir et le renouveau de l'Église sont puissamment à l'œuvre comme l'illustrent le dernier voyage du pape en France, l'annonce d'un succès planétaire des JMJ de Madrid, des milliers d'initiatives et de témoignages en France et de par le monde, en communion avec l'Église et avec son magistère ;
  • la colère et le ressentiment devant de telles irresponsabilités spirituelles et ecclésiales, résultats d'un aveuglement idéologique, de l'immaturité spirituelle et ecclésiale, d'un déni de l'autorité que l'Église universelle — conduite par l'Esprit-Saint — délègue à ses pasteurs, mais cause d'une déchirure de l'unité du Corps du Christ qui est révoltante ;
  • la compassion et l'intercession, car de tels agissements à ce point désordonnés illustrent, chez des baptisés certainement généreux et honnêtes pour la plupart, de grandes souffrances et donc un illogisme comportemental. Beaucoup d'enfants de chrétiens de cette génération ont aujourd'hui perdu la foi et nombre de petits-enfants ne sont pas baptisés : il est douloureux d'assumer paisiblement un tel résultat dans la transmission de la foi. Chez certains, des drames familiaux, des divorces, l'abandon du ministère ou de la vocation consacrée, des blessures lointaines avec des membres du clergé... ont nourri au fil des années un terreau de ressentiment ecclésial ou de sensibilité exacerbée qui trouvent dans ce combat féroce contre l'archevêque comme un exutoire faussement salutaire.

Pour l'unité

Au regard de toutes ces souffrances, l'amour fraternel, la compassion évangélique doit donc primer et nous guider : c'est important de le dire, de l'exprimer, même si c'est également un devoir de dénoncer et de démonter de tels comportements inadmissibles, et même si c'est sûrement difficile à entendre.
L'Église, unie autour de ses pasteurs, les aimant et les respectant dans leur diversité, a besoin de tous les membres de son Corps, unis dans la confession de foi intégrale et la vie évangélique reçues des apôtres ; des plus incarnés aux plus mystiques, du service de la charité et des plus pauvres au renouveau de la pensée politique et éthique, de la lutte sociale à la vie contemplative, de la missions de rue au service des SDF, de l'évangélisation kérygmatique à des formations catéchétiques solides, ... tous ont leur place : irremplaçable ! Mais dans l'amour et l'unité.
À la veille de la semaine pour l'unité des chrétiens, le temps est à la prière pour que la grâce de la communion soit redonnée dans ce diocèse, et que les offres répétées de dialogue de l'archevêque et de ses conseils aboutissent enfin et portent un fruit de paix, de concorde et de mission partagée.

[1] Mgr Cattenoz : l'opposition de prêtres vire au scandale pour le peuple de Dieu (2 mars 2010) et Avignon : un évêque offensé, une Église blessée (27 février 2009).
[2] Nous en parlons en connaissance de cause : c'est notre métier de conseil depuis quinze ans dans les entreprises et les organisations.
[3] Nous respectons beaucoup les communautés protestantes, notamment évangéliques dont nous admirons le zèle spirituel et les méthodes missionnaires ; mais nous ne partageons pas leur conception ecclésiologique sur plusieurs points.
[4] La farandole de papys et mamies manifestant devant l'archevêché le 9 janvier était — au second degré — poignante...

Note aux lecteurs

Pour la troisième année, nous sommes contraints de contribuer ici à dénoncer et démonter cette opposition à Mgr Cattenoz, scandaleuse dans le fond et la forme : que ce soit pour intervenir sur les radios ou à la télévision et à la presse, en contrepoint de la manifestation visant le monopole médiatique que visait "Chrétiens en Vaucluse" le 9 janvier, ou pour écrire, nous prions chaque lecteur de croire combien ce type d'exercice nous est particulièrement pénible et désagréable. Nous avons tant d'autres missions bien plus passionnantes à poursuivre ou à rapporter comme nous le faisons dans ces colonnes lorsque cela nous apparaît opportun. AMLP

 

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