Abrogation : un double mariage, sinon rien ?

Lors du meeting du mouvement Sens Commun, les trois candidats pour la présidence de l’UMP ont passé une sorte de grand oral. S’il est vrai que l’intérêt de Sens Commun porte sur tous les sujets d’un projet politique, ce jour-là, LA question portait sur l’abrogation ou non de la loi Taubira.

Hervé Mariton, fidèle à ses convictions, est resté sur la ligne qu’il défend depuis les premiers jours du débat à l’Assemblée nationale. Il demande l’abrogation en raison du lien entre conjugalité et filiation et pour le droit des enfants à avoir un père et une mère. Les enfants sont, en effet, les premiers concernés par la remise en cause de la double filiation paternelle et maternelle.

Bruno Lemaire, lui aussi, est resté sur sa position initiale. Il s’était abstenu lors du vote de la loi Taubira. Cependant, déclarant haut et fort, son refus de reconnaître un « droit à l’enfant » qu’ouvre la loi Taubira, il n’a pas précisé comment réécrire la loi pour couper le mariage de la filiation pour des personnes de même sexe.

Enfin Nicolas Sarkozy qui a longtemps entretenu le flou sur la question, a fini par lâcher, sous la pression de la foule présente, qu’il abrogerait la loi. Ses arguments sont intéressants, car ils montrent à quel point il n’a pas saisi les enjeux du mariage, tant il est vrai que prononcer le mot magique «abrogation» ne suffit pas.

Au motif que l’amour de deux personnes homosexuelles doit être reconnu socialement, il propose deux mariages, l’un pour les hétérosexuels, l’autre pour les homosexuels, les deux célébrés en mairie.

Impossibles “mariages” à deux vitesses

Un "double-mariage", est-ce possible ?

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  • La coexistence de deux mariages serait fondée sur l’orientation sexuelle. La Cour européenne des droits de l’homme ne manquerait pas de condamner la France pour discrimination et atteinte à la vie privée des acteurs du mariage.
  • En raison du lien entre conjugalité et filiation, il est impossible d’utiliser le même terme « mariage » pour deux réalités juridiques différentes puisqu’elles n’ouvriraient pas aux mêmes droits, ni aux mêmes devoirs, notamment en matière de filiation (adoption, accès à l’AMP). Là encore la CEDH condamnerait la France pour son refus de donner les mêmes droits pour le seul motif de la sexualité des acteurs.
  • Pour couper définitivement le lien union/filiation pour les personnes de même sexe, et ainsi refuser tout « droit à l’enfant » par adoption, recours à l’AMP ou à la GPA, la seule solution est de nommer différemment des réalités différentes.
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Ceci serait conforme à la position constante du Conseil constitutionnel en matière d’égalité :

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« Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes dès lors que la différence de traitement qui en résulte est en lien direct avec l'objet de la loi qui l'établit... »

(Avis du 17 mai sur la loi Taubira)

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Or, en matière de procréation, un homme et une femme ne sont pas dans la même situation que deux femmes ou deux hommes.

Alors que nous venons de célébrer la XXVe Journée internationale des droits de l’enfant, quel plus beau cadeau pourrions-nous leur offrir que d’assurer qu’aucune loi dans le monde ne privera volontairement les enfants de leur père ou de leur mère ?

 

Elizabeth Montfort est présidente du Nouveau Féminisme européen (ANFE).

 

 

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