“À mon peuple chéri, dit Dieu.

« Mon peuple est un peuple attachant, dit Dieu. Il est difficile et paradoxal ; sensible comme une jeune fille et impétueux comme un jeune prince.

« Laïque par défi, et spirituel dans son âme profonde jusqu’à la mystique. Courageux avec ce brio de jeune seigneur insolent, travailleur jusqu’ à l’épuisement, consciencieux par devoir, dévoué jusqu’au martyre, droit comme l’épée de mon archange Michel, l’honneur poussé jusqu’à l’impatience, gai jusqu’à l’insouciance, aimant avec passion et fidèle jusqu’à l’héroïsme.

« Ce peuple est magnifique, dit Dieu, je crois lui avoir tout donné. Il est beau comme mes anges et vif comme l’éclair, c’est un peuple rapide, impétueux jusqu’à l’impertinence mais je l’aime ainsi. Sa dignité dans l’épreuve et la souffrance sont celles d’une âme de lumière ; il est beau lorsqu’il se tient debout les yeux fermés devant l’épreuve, les mains appuyées sur le pommeau de son épée et qu’il se recueille. C’est un peuple intelligent, très intelligent et fort. Il est profond et intérieur. C’est ainsi que j’aime mon peuple.

« Il est libre comme l’alouette qui monte au dessus de tous les oiseaux, il n’abdique jamais. Il est libre mon peuple, si libre que parfois il m’oublie, moi qui l’ai créé pour la gloire de ma création.

« Sa générosité est immense, il est de toutes les causes même de celles où on ne l’appelle pas, où on ne l’attend pas où il n’a rien à y faire. Mais il faut qu’il y soit. C’est comme ça. Il se mêle de tout, a un avis sur tout et cela agace. Mais je dois le reconnaître, même si ce côté premier de classe qui répond avant les autres exaspère, je dois reconnaître qu’il est souvent juste !

« Sa volonté de justice veut être de partout. J’ai peut être été trop fort en lui donnant saint Louis comme roi. Son désir de justice en devient excessif. Mais il est ainsi. Il est tellement donné dans ses engagements qu’il s’oublie lui-même. Et pourtant les nations pauvres l’aiment et parfois l’aiment si fortement qu’elles veulent l’embrasser jusqu’à l’étouffer. Ah oui petit peuple extraordinaire, qu’est ce que je m’ennuierai sans t’avoir créé ! Tu es bien mon enfant chéri. Avec toi je ne m’ennuie jamais. On me reproche souvent de t’avoir trop gâté, d’être mon préféré mais que veux-tu, je n’en n’aime pas moins les autres mais tu m’es si cher et je suis si bien avec toi.

« Mais il y a ceux qui te détestent, les puissants, les riches et les fanatiques. Ceux à qui tu oses dire de ta souveraineté royale dont je t’ai parée à jamais : “Je défends le pauvre et l’orphelin, vous n’avez aucun droit sur eux”, et de ta seule petite fronde tu fais reculer Goliath, et Goliath enrage, jurant ta perte. Toi qui es surdoué d’une raison implacable, au jugement impeccable et à la précision de la pensée tu exaspères les penseurs fous et les idées démesurées. Parce que tu as le cœur d’un enfant et donc l’amour juste.

« À ceux qui se prennent pour des dieux, tu leur rappelles que je ne suis que le Dieu des peuples libres et pour ça ils te haïssent.

« À ceux qui veulent me définir, tu leur réponds qu’ils n’ont aucun droit sur les consciences. Car de la conscience tu es le gardien sourcilleux. Ils n’aiment que les peuples esclaves et toi tu n’aimes comme moi que les peuples libres. Dieu sans la liberté n’existe pas et la France sans liberté, c’est l’esprit de mort qui éteint une à une les étoiles.

« Aussi vas-tu d’un bout du monde à l’autre, seul, à dix ou à vingt ou à cent défendre l’orphelin et la veuve… et tu ennuies tout le monde qui veut taire les drames et les combinaisons, qui courbe l’échine et se fait une raison. Toi tu cries, vitupères et dénonces. J’adore tes colères. Tu es vraiment insupportable et c’est pour cela que je t’aime, mon enfant.

« Ah petit peuple indocile, même si tu m’oublies parfois dans ton agitation et tes déclarations intempestives tu seras toujours mon enfant chéri et je ne te quitterai pas, surtout au moment où les démons veulent s’emparer de ton âme et assassiner l’âme des peuples.

« La tienne est en ma garde jusqu’à la fin des temps. Ne crains rien mais je sais que tu ne crains rien car j’ai habité ton âme une certaine nuit de Noël 496 et cela pour toujours. »

 

Dieu, p.c.c. Yves Meaudre.

 

 

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