En France, le vote blanc n’existe pas. Il est comptabilisé dans les chiffres de l’abstention. Pour Michel Fauqier le vote blanc n’est pas de même nature que l’abstention. Même si la question demeure théorique dans le cas de figure des élections de ce printemps, elle mérite d’être posée. Nous rappelons que nous ne sommes pas favorables à l’abstention pour des raisons éthiques et politiques. L’abstention consiste toujours à donner une demi-voix au pire des candidats et à se situer de fait toujours dans le camp du vainqueur. Nous estimons néanmoins que les arguments que développe Michel Fauquier méritent d’être pris en compte. C’est pourquoi nous publions volontiers cette analyse dont nous le remercions.
La rédaction de Liberté politique.
Le débat que vous avez organisé sur la question de l’abstention est éclairant à bien des égards et permet, en particulier, de bien distinguer ce qui relève de l’idéal de ce qui relève de la pratique, le politique étant certainement un des lieux privilégiés de cet exercice auquel il donne un caractère parfois périlleux.
Toutefois, lors de cette réflexion (40’ 20’’ et sq.), le vote blanc a été finalement — je dis bien « finalement », car j’ai bien entendu les précautions oratoires du début — assimilé à l’abstention (« sur le plan pratique le résultat est exactement le même [...] quel est le résultat ? [...], qu’on s’abstienne ou qu’on vote blanc, ça revient à soutenir celui des deux candidats qui est le plus éloigné de votre choix personnel »).
Puisque ce jugement se situe, de toute évidence, sur le plan pratique (« c’est mathématique » nous dit-on), je ferai observer plusieurs points qui constituent la seule divergence d’appréciation que j’ai avec au moins un des intervenants —les autres ne semblant pas avoir trouvé à y redire —, mais une divergence de fond :
Voter blanc c’est voter...
et donc remplir le seul devoir exigé explicitement par l’Eglise (« la soumission à l’autorité et à la coresponsabilité du bien commun exigent moralement le paiement des impôts, l’exercice du droit de vote, la défense du pays » : C.E.C., 2240).
Le fait du politique et non du citoyen
Que le vote blanc ne soit pas comptabilisé et mieux, qu’il ne soit pas pris en compte comme sanction électorale (on pourrait très bien imaginer qu’un certain seuil étant atteint, l’élection doivent être réorganisée), ne peut pas être reproché aux citoyens qui choisissent ce mode d’expression, mais aux politiques qui ne veulent pas entendre cette forme d’expression électorale dont ils ne tiennent absolument aucun compte.
Le vote blanc comme désaveu pour faire changer les choses
Faire que le vote blanc soit reconnu dans le sens que je viens d’indiquer, ne peut de toute évidence pas être obtenu en votant pour un candidat quelconque, lequel — ainsi que les autres et tous les commentateurs politiques — interprétera toujours ce vote comme un soutien, et non comme un désaveu, ce que veut précisément exprimer le vote blanc. Il n’y a donc qu’une solution, contraindre les politiques à ouvrir les yeux quand le taux de vote blanc aura atteint un seuil tel qu’il sera impossible de ne pas le voir (ce qui est déjà en passe d’arriver avec l’abstention).
Justification morale du vote blanc
Mais surtout, le vote blanc se justifie moralement lorsque les citoyens, comme c’est le cas actuellement en France, sont dépossédés par les politiquesde la possibilité d’exprimer leurs suffrages pour un candidat auquel ces politiques refusent l’accès au suffrage populaire (cas pratique des cinq cents parrainages d’élus pour se présenter aux élections présidentielles), n’en tiennent pas compte (problème de la proportionnelle et de l’impossibilité pratique de se faire représenter dans les assemblées) et, pire que cela, donnent eux-mêmes le spectacle affligeant de l’abstention (et non du vote blanc)en refusant de parrainer aucun candidat à la présidentielle (cas de l’écrasante majorité des élus).
Au bout du compte, voter blanc, est parfois le seul moyen de dire aux politiques que nous jugeons qu’aucun de ceux qui sont présentés à nos suffrages (et non pas aucun politique, ce qui est plus qu’une nuance) ne nous convient, et ceci pour des raisons graves : soit que tout ou partie du programme de ces candidats imposés nous paraisse s’opposer au bien commun, soit que la façon dont ces candidats imposés ont exercé le pouvoir jusqu’à ce jour nous convainque que leur programme n’est destiné qu’à obtenir nos suffrages et non pas à exprimer des convictions même superficielles. En d’autres termes, comme le canon était jadis l’ultima ratio regis, le vote blanc pourrait bien être l’ultima ratio civium... pour faire comprendre aux politiques et aux partis qui les encadrent qu’ils n’ont aucun droit de déterminer à notre place qui serait digne de nos suffrages.
Michel FAUQUIER est professeur agrégé enseignant dans un Institut de Sciences Politiques
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