Comme dans beaucoup de circonscriptions, dans celle où je vote, le choix est entre Macron et Mélenchon. Faut-il se désintéresser de ce vote ? Je ne crois pas, je pense qu'il est en fait extrêmement important, parce qu'il y a quand même deux alternatives : les pleins pouvoirs à Macron, comme il y a 5 ans, ou pas. Même si Mélenchon n'est pas fiable, on se souvient de ce jour (10 Septembre 2018), à Marseille, où le matin, devant son public, il traite Macron de « plus grand xénophobe », et où, le soir même, le rencontrant inopinément au coin d'une rue, il bat en retraite et nie avoir tenus de tels propos.
Gilles-William Goldnadel, comme à son habitude, n’a pas mâché ses mots pour décrire son ressenti sur cette rencontre.
"Pour prouver à quel point les politiciens sont des cabots, on ne pouvait pas mieux faire. Voilà une rencontre qui n’a strictement rien d’inopiné et qui en vérité arrange tout le monde. Le problème c’est que Mélenchon, quelques heures auparavant, Mélenchon a traité Macron de ‘plus grand xénophobe’, et tout d’un coup quand on lui rappelle cette insulte c’est ‘oh bah non, je ne l’ai pas dit’. Dévaluer à ce point là la parole politique montre que quand la gauche radicale traite les gens de
racistes ou de xénophobes, ça n’est en vérité qu’une posture. On voit bien que Monsieur Mélenchon a un sabre de bois, c’est un bretteur mais dès qu’il est en face de quelqu'un en vérité il s’écrase puisqu'il explique qu’il fait jour à minuit et qu’il n’a rien dit".
De plus, Macron et Mélenchon ont des points communs, et se retrouveront sur de nombreux thèmes de politique intérieure. Pourquoi dans ce cas se poser la question du vote de dimanche, pourquoi ne pas simplement s'abstenir ou voter blanc ; comme près de la moitié des électeurs ?
En ce qui me concerne, j'attache une grande importance à la politique extérieure, qui a souvent plus d'influence sur le destin d'une nation que les décisions de politique intérieure. J'ai longtemps pensé que Macron menait une politique étrangère plus sage que ses deux prédécesseurs. J'ai aussi considéré, après sa rencontre avec les présidents russe puis ukrainien en février dernier, qu'il était simplement incompétent.
Mais aujourd'hui, un certain nombre d’événements récents me donnent à penser qu'il y a en fait, une grande cohérence dans ses actes, qui sont dramatiques quand à la finalité, mais très rationnels dans l'exécution, et cela donne froid dans le dos.
« Le fou n'est pas l'homme qui a perdu la raison. Le fou est celui qui a tout perdu sauf la raison » (Chesterton) On dit aussi : « la folie n'est pas d'avoir perdu la raison, mais de ne plus savoir à quoi elle sert ».
Je vais développer mon analyse des faits récents en quelques points :
1er point : Le président annonce que nous passons en « économie de guerre » Le lundi 13 Juin 2022, lors du salon Eurosatory à Villepinte, le président a annoncé une augmentation du budget de l'armée, en raison de la guerre en Ukraine, mais il a surtout dit : « La France et l’Union européenne sont entrées dans « une économie de guerre dans laquelle (…) nous allons durablement devoir nous organiser » » Une économie de guerre, rien que ça !
2nd point : quelle est la responsabilité de Macron dans le déclenchement de cette guerre ?
L'opinion publique, assujettie à la propagande de guerre que nous subissons actuellement, attribue la guerre au seul président russe.
Cependant, la phrase de Montesquieu "Ce ne sont pas ceux qui déclarent les guerres qui en sont responsables, mais ceux qui les y incitent", rappelle qu'il ne faut pas se fier aux apparences : (https://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1974_num_21_1_2287)
Ce texte cite le cas de la guerre de 1870, où l'Empire français déclare la guerre au royaume de Prusse, suite à une manipulation de Bismarck qui est celui qui souhaite en réalité la guerre afin de réaliser l'unité allemande.
Je ne reviendrai pas ici sur les arguments tendant à montrer que ce sont les USA qui souhaitent depuis 1991 la réduction et la vassalisation de la Russie, et l'OTAN qui s'est irrémédiablement rapproché des frontières russes, car ce n'est pas le sujet de ce texte (qui voudrait rester assez court et centré sur la question du second tour des législatives).
Pour établir la responsabilité de Macron, il faut rappeler la chronologie des événements de février :
– 07/02/2022 :
– Rencontre Poutine - Macron à Moscou (on se souvient de la table de8m de long!)
– 08/02/2022 :
– Rencontre Macron-Zelensky à Kiev
– Emmanuel Macron a ensuite pris la parole et remercié à son tour son homologue ukrainien. « Depuis la révolution de 2013, l’Ukraine a choisi la voie des réformes et de la démocratie, choix fait par le peuple ukrainien qui s’est mobilisé ». Le président français a garanti que les Européens soutiennent cet effort. Il a également « rendu hommage aux manifestants et soldats morts depuis la crise de Maïdan, lors de la crise entre l’Ukraine et la Russie en 2013 et 2014 ».
– https://www.ouest-france.fr/politique/emmanuel-macron/crise-en-ukraine-ce-qu-ilfaut-retenir-de-la-conference-de-presse-d-emmanuel-macron-00228904-88d4-11ecaea6-4ffbfd19eda9
– Je reporte ici l'historique des rapports de l'OSCE sur les bombardement de Donetsk. L'OSCE est l'observatoire européen, chargé entre autres de la vérification sur le terrain du respect des accords de Minsk. Je rappelle ici qu'il s'agit des bombardements quotidiens de la ville de Donetsk par l'armée ukrainienne, donc des violations des accords de Minsk, qui ont fait en huit ans 14.000 morts civils :
– Avant le 08/02/2022 :
– moyenne de 30 explosions par jour.
– 09/02/2022 :
– 11 ceasefire violations, including seven explosions
– 10/02/2022 :
– 27 ceasefire violations, including 11 explosions
– 01/02/2022 :
– 738 ceasefire violations, including 156 explosions
– 11-13/02/2022 :
– 261 ceasefire violations, including 50 explosions
– 12/02/2022 :
– 114 ceasefire violations, including 68 explosions
– 15/02/2022 :
– 17 ceasefire violations, including one explosion
– 16 /02/2022 :
– 24 ceasefire violations, including five explosions
– 17/02/2022 :
– 189 ceasefire violations, including 128 explosions
– 18/02/2022 :
– 222 ceasefire violations, including 135 explosions.
– 19/02/2022 :
– 591 ceasefire violations, including 553 explosions
– 18-20/02/2022 :
– 2,158 ceasefire violations, including 1,100 explosions.
(Les rapports de l'OSCE sont disponibles sur ce site : https://www.osce.org/ukraine-smm/reports?
page=2 )
– 21/02/2022 :
– discours de Vladimir Poutine annonçant l'Opération Militaire Spéciale
– 22/02/2022 :
– début de l'opération militaire spéciale
– Deux points sont à remarquer dans cette chronologie :
– L'augmentation par un facteur 20 des bombardements de Donetsk par l'armée
ukrainienne à partir du 17 février, soit 4 jours avant l'opération militaire russe.
– Le discours tenu par Macron à Zelensky le 8 février : Il est très probable que le 7,
Poutine ait entretenu Macron de ses craintes au sujet d'une armée ukrainienne renforcée
par l'OTAN depuis 8 ans, et simultanément noyautée par des éléments néo-nazis aussi
hostiles à la Russie que l'Allemagne nazie en 1941. Il est probable que le dirigeant russe
lui ait annoncé qu'il ne laisserait pas faire une opération Barbarossa 2.0, et qu'il
demandait une stricte application des accords de Misnk, c'est-à-dire, un arrêt total des
bombardements du Donbass par l'armée Ukrainienne.
– Or, le lendemain, le discours de Macron à Zelensky est exactement l'inverse : non
seulement le président français ne rappelle aucunement à son homologue ukrainien
l'obligation de respecter les accords de Minsk, mais en rendant hommage aux morts de la
guerre de 2015, il le conforte dans l'idée que la récupération des républiques autonomes
du Donbass par la force est parfaitement justifiée, et qu'elle recevra le soutien de la
France et de l'UE. 9 jours plus tard, l'intensité du pilonnage de Donetsk est multipliée par
20, et les Russes l'interprètent comme un barrage d'artillerie préalable à une guerre éclair
des ukrainiens contre les républiques du Donbass. 4 jours plus tard, les Russes lancent
une opération préventive. Autrement dit, Macron porte une énorme responsabilité dans
le déclenchement de ces hostilités.
– Cependant, tétanisés par la propagande de guerre, par les élections présidentielles, et par
l'offensive militaire, aucun candidat n'osera critiquer Macron sur ce point. Les trois
candidats dont le discours était jusqu'alors plutôt pro-russe, ou du moins « non aligné sur
les USAet l'OTAN », Zemmour, Marine Le Pen et Mélenchon se rallieront à la doxa
officielle, et ne demanderont strictement aucun compte à Macron sur sa rencontre avec
Zelensky.
3ème point : l'endettement de l'état :
– Sous la présidence Macron, l'état s'est endetté de près d'un milliard d'euros par jour,
augmentant ainsi la dette de l'état de 20 points de PIB. Elle est aujourd'hui proche des 120%
du PIB.
– Or ce qui intéresse le budget de l'état, ce n'est pas la dette en valeur absolue (la dette ellemême ne sera jamais remboursée), mais le service de la dette, c'est-à-dire le remboursement
annuel des intérêts.
– Or simultanément à l'augmentation de la dette, le service a diminué. Il s'établit pour l'an
passé à un peu moins de 40 milliards d'euros. Pour comparaison, il s'agit de l'ordre de
grandeur du budget de la défense. Si ce « miracle » a pu avoir lieu, et si le gouvernement
Macron a pu s'endetter autant de manière indolore pour le budget de l'état, c'est parce que la
BCE a pratiqué des taux directeurs négatifs. Or, dans le capitalisme « normal » c'est le
prêteur qui doit gagner de l'argent, non l'emprunteur. Cette situation est en réalité synonyme
d'inflation : on fait en réalité tourner la planche à billet, mais sans le dire, puisqu'il ne s'agit
pas de création monétaire au sens propre, simplement d'autorisations d'endettement.
– Cependant, le relèvement des taux directeurs par la BCE (suivant ainsi la FED), annoncé par
Mme Lagarde afin de juguler l'inflation dans la zone euro, va, dans un certain délai (lié aux
durées des emprunts), poser un problème inextricable au budget de l'état. En effet, le
refinancement de la dette publique de 120% du PIB par de nouveaux emprunts se fera à des
taux de 1 voire 2 points supérieurs aux taux actuels, et là, l'augmentation de la dette ne sera
plus masquée. Rappelons que les accords de Maastricht prévoyaient un plafond de 60% du
PIB de la dette des états, pour que le système fonctionne (la deuxième limite concernait le
taux d'accroissement annuel de la dette qui ne devait pas dépasser 3% du PIB). On est
aujourd'hui au double de ce plafond, et le système ne pourra que s'emballer. Ce qui va
amener d'ici quelques années le service de la dette autour de 80 milliards d'euros par an, soit
le rajout d'un nouveau budget de la défense (40 Milliards d'euros) !!
4ème point : les livraisons d'armes à l'Ukraine :
– La France a livré 6 canons « CAESAR » à l'Ukraine, avec les munitions, obus de 155
mm, qui vont avec. Quelles sont la signification et la portée de ce geste ?
– Les caractéristiques de cette arme sont disponibles sur le site de la société Nexter qui les
produit : https://www.nexter-group.fr/nos-produits
– Le principal avantage de cette pièce d'artillerie y est décrit comme étant sa capacité à
éviter les tirs de contre-batterie, du fait de sa très grande mobilité : les calculs de tir sont
effectués durant le déplacement vers le site du tir. « 1mn 40 après l'ouverture du feu,
CAESAR a tiré 6 obus, et quitté sa position » . La portée se situe entre 40km et 55km.
Portée et précision dépendent du type de munition. L'obus, de 155 mm, peut être
simplement une charge, il peut être doté de son propre système de propulsion, ce qui
augmente la portée, et il peut aussi être doté d'un système de navigation intelligent, qui
assure une précision de quelques mètres. Il a été utilisé en Afghanistan, au Mali, au
Liban (??) et en Irak. Les américains l'ont testé avec leur obus « Excalibur » et à la fois
apprécié ses performances,et l'interopérabilité avec leurs propres armes. Excalibur,
l'obus le plus sophistiqué, coûte 85.000 euros !
– Le coût de la livraison est donc au minimum de 30 M$ pour les 6 canons, plus celui de la
formation des personnels, de la logistique, et surtout celui des munitions, une dizaine
d'obus coûtant aussi cher que le canon lui-même.
– On voit donc qu'il s'agit d'une arme de qualité, sans doute très efficace. Quel sera son
poids dans les combats en cours ? Difficile à dire, mais ce qui compte c'est l'intention du
gouvernement français qui n'a pas ici fait un don purement symbolique comme c'était le
cas jusqu'à, présent.
– On peut dire que si ce type d'arme change réellement la donne, alors le conflit va
augmenter en intensité. Cela n'amènera pas les Russes à la table de négociation.
– Et s'il ne change pas la donne, alors il n'aura permis qu'à rallonger la guerre, et
augmenter le nombre de morts et de blessés.
– J'en viens maintenant à la synthèse de ces différents points :
– Début février, la « diplomatie Macronienne » n'a rien fait pour tenter d'éviter la guerre,
en rappelant fermement à la partie ukrainienne l'obligation d'appliquer strictement les
accords de Minsk..
– Au contraire, 9 jours après le discours de Macron à Kiev, les bombardements de
Donetsk par l'armée ukrainienne ont été multiplié par un facteur 20 (rapports de
l'OSCE), ce qui signifie bien que Kiev a interprété ce discours comme un soutien
inconditionnel de la France (et de l'UE) à une attaque éclair contre les Républiques
autonomes du Donbass.
– Le budget de la défense est en hausse depuis l'accession de Macron au pouvoir (donc
bien avant la guerre en Ukraine). Les Lois de Programmation Militaire envisagent une
augmentation de 10 Milliards d'euros du budget de la défense.
– Le service de la dette va augmenter dans les années qui viennent, d'un montant
équivalent à celui de l'armée (40 milliards), du fait du relèvement des taux directeurs
de la BCE, et de l'augmentation de la dette elle-même qui atteint aujourd'hui près de
120% du PIB,
– L'équation est impossible à résoudre, dans un cadre normal, il faudrait prélever 50
milliards d'euros sur les autres budgets de l'état
– Lundi 13 Juin, le chef de l'état annonce la solution : nous sommes « entrés en économie
de guerre ».
– On voit que le programme de Macron est en réalité extrêmement cohérent et rationnel. Il
est fou dans son objectif (la guerre pour elle-même), mais il est simultanément
extrêmement bien conçu : « la folie n'est pas d'avoir perdu la raison, mais de ne plus
savoir à quoi elle sert »
– Il faut rajouter à cela les tendances totalitaires de Macron : le gouvernement par
ordonnances (bien avant le Covid, et sans justification), qui réunit l'exécutif et le
législatif, contrairement aux principes de Montesquieu, la répression féroce des Gilets
Jaunes, les phrases humiliantes pour la population, des gendarmes dépêchés vers une
jeune fille de 18 ans pour avoir posé une question gênante au chef de l'état, etc, etc …
– Je ne suis pas Mélenchoniste, Mélenchon étant dans un certain sens, identique à Macron.
D'ailleurs les deux hommes ont des parcours similaires : passage par le P.S, puis sécession
(ou trahison?). Les deux hommes ont aussi des profils psychologiques similaires, en
particulier des égos surdimensionnés.On se souvient du fameux «Ne me touchez pas, je suis
un personnage sacré !» de Mélenchon lors d'une perquisition.
– La question que je me pose est la suivante : vaut-il mieux avoir un psychopathe avec tous les
pouvoirs, ou deux psychopathes, qui, pour de simples questions d' egos pourraient
éventuellement se neutraliser, en particulier sur ces questions de politique étrangère ? Faut-il
laisser une majorité absolue à Macron à l'Assemblée ? Ou faut-il le forcer à respecter
l'Assemblée Nationale ?
Jean-Marie Brodin