
L’entreprise électorale créée en 2016 par Jean-Luc Mélenchon semble avoir déjà connu son âge d’or et apparaît aujourd’hui promise au déclin. Derrière les coups de communication permanents de ses cadres et une radicalité qui frôle régulièrement l’absurde, La France Insoumise entre dans son ère glaciaire.
La dernière polémique autour d’une caricature visant l’animateur télévisé Cyril Hanouna, jugée « antisémite » et produite par le parti de Jean-Luc Mélenchon, a donné lieu à une énième controverse autour de ce mouvement de la gauche radicale. Cette fois, cependant, le « coordinateur national » Manuel Bompard a concédé que le visuel n’aurait pas dû être publié, se réfugiant piteusement derrière l’intelligence artificielle d’Elon Musk. Il a ainsi avoué, par la même occasion, que les Insoumis travaillent avec les outils du capitalisme américain… Jean-Luc Mélenchon, lui, a défendu cette caricature dans sa stratégie habituelle : assumer et foncer. Assumer ses choix est certes louable, mais lorsque le modèle politique repose sur des provocations récurrentes, cela risque de lasser une partie de l’électorat. Dans le cas de LFI, cela irrite surtout ses alliés, notamment les socialistes, qui goûtent peu les outrances mélenchonistes – celles-là mêmes qui ont fait son succès hier et qui marqueront ses limites demain.
Le coup d’éclat permanent
À 73 ans, Jean-Luc Mélenchon est en bonne santé, semble disposer de toute sa tête et demeure l’un des esprits les plus cultivés de l’arène politique actuelle. Son entreprise politique apparaît néanmoins plus que jamais menacée à l’aube de sa première décennie d’existence. Les élections municipales de 2026 donneront une première indication de cet état de fait, avant la présidentielle de 2027.
L’échec cuisant de l’élection municipale du député Louis Boyard à Villeneuve-Saint-Georges en février a mis en lumière les limites du système Mélenchon. Même sans concurrent à gauche, le parti a réussi à être défait dans une circonscription qui lui était acquise. En choisissant des colistiers douteux et en adoptant une attitude hostile envers les autres partis de gauche, LFI a fait preuve d’un sectarisme qui explique en partie ses relations tendues avec le Parti socialiste, à la fois concurrent et partenaire.
La provocation permet d’exister, mais pas de diriger. Le succès du Front national de Jean-Marie Le Pen ne s’expliquait pas par ses outrances occasionnelles, mais par une radicalité constante. Sa fille, en capitalisant sur cette radicalité tout en se montrant toujours plus rassurante, a conduit son parti aux portes du pouvoir. Mélenchon, lui, emprunte le chemin inverse. Au-delà de ses opinions tranchées, c’est sa manière de défendre ses positions, en misant sur le coup d’éclat permanent, qui pose problème. Défendre la Palestine est une cause respectable, audible à droite comme à gauche a priori, mais LFI parvient à la ternir en entretenant des ambiguïtés destinées à séduire certains segments électoraux. C’est sur cette question que le parti semble avoir engagé sa voie déclinante.
L’obsession pour le vote des Français « issus de l’étranger », en somme la banlieue, apparaît également incertaine. S’il existe un réservoir démographique important, il faut compter avec les baronnies du PS et même de LR dans ces territoires marqués par l’immigration. Par ailleurs, le discours sociétal progressiste trouve parfois ses limites face à des populations peu réceptives aux élucubrations d’universitaires de gauche.
Le crépuscule du vieux
Enfin, le tort de Mélenchon est celui de sa génération : la difficulté à transmettre. Le fondateur de LFI s’est entouré principalement de figures médiocres. Les plus affûtés de sa garde gauchiste, comme Clémentine Autain ou Alexis Corbière, ont fini par quitter le navire, excédés par le manque de démocratie interne. En mettant en avant des personnalités très limitées comme Ersilia Soudais, Raphaël Arnault ou Sébastien Delogu, il s’assure une fidélité sans faille, mais ne construit pas un appareil politique crédible aux yeux des médias, de ses alliés et des électeurs. L’avenir de la petite entreprise mélenchoniste se jouera probablement en juin, lors du Congrès du PS. La victoire d’une ligne résolument hostile à une alliance avec LFI pourrait sonner le glas des espoirs électoraux du mouvement, qui reposent sur deux piliers : les alliances à gauche et la personnalité de son fondateur.
Olivier Frèrejacques
Président de Liberté politique
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