Par délibération du 10 juillet 2013, le conseil municipal de la ville de Montfermeil (Seine-Saint-Denis), a autorisé le maire et ses adjoints à faire acte d’objection de conscience dans le cadre de leur fonction d’officier d’état civil pour la célébration des mariages entre personnes de même sexe.
Selon les dispositions L2122-34 du code des collectivités territoriales, les élus ont décidé de transférer au préfet ou au délégué spécial qu’il aura désigné, la charge de la célébration de ces mariages. La délibération du conseil a été adoptée par 24 voix contre 4.
Le professeur Joël Hautebert, de l'association Objection ! nous prie de relayer les explications du maire de Montfermeil, Xavier Lemoine, qu'il a interrogé. La délibération du 10 juillet des élus de sa commune ne vise pas l’obstruction, mais le rappel effectif de la liberté de conscience comme un droit établi et garanti.
Joël Hautebert. — Monsieur le maire, la loi Taubira instituant le mariage pour les personnes de même sexe est votée et entrée en application. Pourquoi avoir pris une telle délibération ? Quelle est sa finalité ?
Xavier Lemoine. — La loi Taubira est effectivement en vigueur et les maires et adjoints au maire en sont les principaux acteurs, en raison de leur qualité d’officier d’état civil qu’ils tiennent de la loi d’une part et de leur élection par le conseil municipal d’autre part. Or, cette loi est susceptible de heurter gravement la conscience de bon nombre d’entre eux.
Dès lors, que faire ? Les forcer aux moyens de menaces diverses à renier leur conscience ou à démissionner de leur mandat ? Ce ne peut être le cas que dans un régime totalitaire. Les encourager, au motif d’une conscience heurtée ou blessée, à faire obstruction à la loi ? Ce ne peut être d’aucune manière, à ce jour et dans ce cas d’espèce, la solution à recommander.
L’autre option est notamment, mais pas exclusivement, ce que le Conseil constitutionnel reconnaît lui-même comme l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et la Convention européenne des droits de l’homme, c’est-à-dire la reconnaissance aux citoyens, et donc aux maires dans ce genre de situation, du bénéfice du droit à la liberté de conscience.
Mais ne s’agit-il pas tout de même d’une forme d’obstruction à la loi ?
Il suffit de lire attentivement la délibération pour voir qu’elle n’exige pas des demandeurs qu’ils renoncent à leur projet. Elle précise simplement, qu’au sein de la municipalité, nulle personne dont la conscience est heurtée ou blessée n’est obligée d’y participer. Donc rappeler dans une délibération du conseil municipal de la ville de Montfermeil que la liberté de conscience est également un droit bien établi et garanti n’a strictement rien à voir avec une quelconque obstruction.
À ce jour, tous les mécanismes juridiques et administratifs nécessaires à la satisfaction du droit à la liberté de conscience, sans aucune obstruction, existent déjà. Cette délibération ne fait que le rappeler sans engendrer le moindre conflit.
Comment comprendre les attaques très violentes dont vous avez fait l’objet de la part de militants et responsables de la cause LGBT ?
Ont-ils vraiment lu en détail le texte de la délibération ? Peut-être pas.
Ont-ils fondé leur jugement à partir des titres ou commentaires de la presse qui pour certains d’entre eux ont travesti le fond et la forme de cette délibération ? Ce peut être le cas et peut être alors qu’une lecture attentive et objective de la délibération serait de nature à pondérer leurs propos à mon encontre.
Si malgré cela les propos et réactions que suscite cette délibération persistaient sous cette forme si virulente, c’est-à-dire que le droit à la liberté de conscience établi et garanti et par la Constitution française et par la Convention européenne des droits de l’homme était dénié, de la plus vive manière, aux maires, il faudrait alors se poser d’autres questions.
Pourquoi la création d’un nouveau « droit », le droit pour deux personnes du même sexe de se marier, devrait-il violemment s’affirmer par la négation d’une liberté qui est revendiquée et reconnue depuis que l’homme a une conscience ? Quels risques et quels dommages sociaux pourraient-ils en résulter ?
Vouloir dénier ce droit fondamental à la liberté de conscience démontre non seulement une tentative mais une nécessité totalitaire. Il était facile de préciser dans la loi le mécanisme juridique permettant aux maires de ne pas être contraint à marier les couples homosexuels sans priver ces derniers du « droit » au mariage.
En effet reconnaître, dans le cadre de l’application de la loi Taubira, l’exercice de la liberté de conscience n’en aurait d’aucune manière perturbé la mise en œuvre. Cela ne devait donc poser aucun problème. Mais il fallait aller bien plus loin encore. La loi Taubira ne pourra jamais empêcher les élus et les électeurs de penser que le mot mariage au-delà de toutes les lois, au-delà de toutes les menaces, au-delà de toutes les exécutions (médiatiques, politiques, sociales, voire pire encore qui sait) ne peut concerner en final qu’un homme ET une femme.
Est-il désormais interdit de le dire et de le penser, sans être taxé d’homophobie ou de discrimination ? Là est la question et on est malheureusement en droit de se la poser.
Pour en savoir plus :
Objectiondelaconscience
Photo : Xavier Lemoine, par Liberté politique