C'est à l'Allemagne que revient l'organisation de la prochaine Coupe du monde de football qui se déroulera du 9 juin au 9 juillet prochain. C'est déjà en soi un évènement ! Trois millions de spectateurs sont attendus.
Il n'en fallait pas moins pour qu'en marge de cette fête du sport, un gigantesque trafic de femmes soit mis en œuvre dans ce pays où l'industrie du sexe est légalisée depuis 2002. On annonce l'acheminement de 40.000 femmes d'Europe centrale et orientale, avec campagne de promotion à l'appui.
"Le football et le sexe vont de pair" se défend l'avocat d'un complexe géant destiné à la prostitution, sécurisé et aseptisé, construit à proximité du stade de Berlin. Combien de jeunes femmes vulnérables, attirées par des promesses de travail, seront exploitées et forcées à la prostitution par des trafiquants du sexe peu scrupuleux de leur dignité ?
Associer la Coupe du monde de football et la prostitution est un scandale.
En outre, ce trafic est contraire aux textes internationaux et européens, signés par la majorité des pays participant au Mondial :
• La convention de l'ONU du 2 décembre 1949 pour la répression de la traite des êtres humains et l'exploitation de la prostitution. C'est le texte le plus précis sur les liens entre traite et prostitution. Il condamne toute forme de prostitution, même si la victime est consentante.
• La convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, convention dite de Varsovie. Elle s'adresse aux 46 États membres du Conseil de l'Europe et demande à ces États de tout mettre en œuvre pour décourager la demande. 26 pays ont signé ce texte, mais aucun ne l'a ratifié.
• La Charte européenne des droits fondamentaux, qui sans être un texte constitutionnel, n'en reste pas moins une référence en matière de droits de l'homme. Plusieurs articles réaffirment le respect de la dignité humaine (art. 1), le droit à l'intégrité de la personne (art. 3) et l'interdiction de l'esclavage et du travail forcé (art. 5).
Ce scandale a conduit un grand nombre d'associations dont Femina Europa à soutenir la pétition lancée par la Coalition internationale contre la traite des femmes (CATW), http://catwepetition.ouvaton.org
Cependant, se contenter d'une pétition serait bien insuffisant !
Il est urgent que les États se mettent en cohérence avec les textes qu'ils signent, soit directement, soit par leurs représentants, dans les instances européennes et internationales. S'il est vrai que ces questions relèvent de la compétence nationale, ces États ne peuvent signer de la main droite ce qu'ils désavouent de la main gauche. Ils doivent ratifier ce qu'ils ont signé.
Nous ne pouvons plus nous contenter de déclarations d'intention : la dignité et l'intégrité des femmes nous obligent à créer les conditions pour que les femmes les plus fragiles n'aient plus à choisir entre la misère et "l'eldorado de la prostitution".
Il est urgent et nécessaire de soutenir une véritable prévention aussi complète que possible, dans les pays d'Europe centrale et orientale, sur les risques de trafic, de criminalité et de traite des êtres humains dont les femmes sont les premières victimes, la pauvreté les rendant particulièrement vulnérables.
Cet objectif à court-terme relève du rôle et de la responsabilité de l'Union européenne, en coopération avec les États membres et les États candidats. Sur le moyen et long terme, la campagne d'information et de sensibilisation que nous recommandons doivent être assorties de mesures très concrètes sur la formation professionnelle, le travail et la vie familiale des femmes.
L'association Femina Europa va proposer dès la semaine prochaine à la Commission des droits de la femme du Parlement européen, un programme d'action pour permettre à chaque femme de vivre librement dans la dignité. Le refus de l'esclavage moderne doit se traduire par un engagement courageux de la part de tout responsable politique et associatif.
* Élizabeth Montfort est présidente de Femina Europa.
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