Dans le figaro du 27 octobre, un article sur une étude publiée dans Nature Reviews Endocrinology met en cause le paracétamol comme perturbateur endocrinien pouvant perturber la croissance des embryons masculins, avec « perturbation de la masculinisation » et « facteurs de risques de troubles de la fertilité ».On peut s’interroger sur ce que signifie précisément « perturbation de la masculinisation » à l’époque du gender et d’une société qui proscrit toute attitude virile. Et que penser d’autres perturbateurs endocriniens voire de l’ARN messager trafiqué qu’on injecte massivement aux femmes enceintes… Ne manquerait-on pas un peu de prudence ?
Les femmes enceintes doivent-elles limiter leurs prises de paracétamol ? Une tribune internationale publiée fin septembre interroge sur l’utilisation de cette molécule étiquetée sans risques particuliers.
Les futures mères le savent bien: pendant la grossesse, toute prise de médicament est soigneusement pesée en termes de balance bénéfice-risque. Le paracétamol, ou acétaminophène, jouit à ce titre d’un statut à part, étant l’une des rares molécules étiquetées sans risques particuliers. Par conséquent, les femmes changent peu leurs habitudes. Mais une tribune internationale publiée fin septembre est venue questionner ces certitudes.
Publiée dans Nature Reviews Endocrinology par 13 experts internationaux dont feu Bernard Jégou, fondateur de l’Institut de recherche en santé, environnement et travail (Irset) à Rennes, cette prise collective de position («consensus statement» en anglais) réclame «une action préventive» contre le paracétamol pendant la grossesse, en raison de risques potentiels pour l’enfant à naître. Sans pour autant remettre complètement en question son utilisation dans certains cas, notamment pour faire baisser la fièvre qui est très mauvaise pour le développement du fœtus. Rappelons en outre que l’ibuprofène ou l’aspirine sont à proscrire durant la grossesse, ce qui n’offre aucune alternative crédible au paracétamol… Pas simple.
L’argumentaire, appuyé par 78 autres scientifiques, s’appuie sur des études observationnelles humaines suggérant qu’une exposition au célèbre antalgique pendant la grossesse pourrait accroître le risque de cryptorchidie (lorsqu’un testicule ne descend pas) et réduire la distance anogénitale chez le garçon - autant de signes d’une perturbation de la masculinisation et de facteurs de risque de troubles de la fertilité. Chez les filles, poursuivent-ils, l’exposition in utero au paracétamol a été associée à une puberté précoce. Quant aux études épidémiologiques, elles suggèrent avec régularité que cela pourrait augmenter le risque d’hyperactivité (TDAH), de trouble du spectre autistique, de retards de langage chez les filles et de baisse du quotient intellectuel, pointent-ils. En résumé, «une part croissante d’études expérimentales et épidémiologiques suggère qu’une exposition prénatale au paracétamol pourrait altérer le développement fœtal et augmenter les risques de certains problèmes neurodéveloppementaux, reproductifs et urologiques».
Les preuves ne sont toutefois ni accablantes ni irréfutables à ce stade et les auteurs eux-mêmes soulignent «les limites de la littérature épidémiologique et la nécessité de méta-analyses rigoureuses» sur le sujet. En d’autres termes, il est nécessaire d’arrondir les recherches sur la question. En attendant, ils invitent les professionnels de santé à conseiller aux femmes enceintes de suspendre toute prise de paracétamol sans indication médicale, de consulter un médecin ou un pharmacien en cas de doute ou de prise prolongée, et de minimiser l’exposition du bébé à la molécule en s’en tenant à la plus faible dose pour la plus courte durée possible.
Pour Patrick Fénichel, gynécologue endocrinologue au CHU de Nice et professeur émérite à l’université de Nice Côte d’Azur, ce travail fait écho à des préoccupations partagées par les experts depuis plusieurs années. «Le paracétamol agit comme un perturbateur endocrinien: chimiquement, la molécule ressemble aux phtalates, avec un effet antiandrogène, ce qui pourrait expliquer les effets sur le testicule fœtal», explique-t-il. En outre, une étude parue dans JAMA Psychiatry tendrait à démontrer un lien avec les troubles neurodéveloppementaux (hyperactivité et troubles du spectre autistique), avec un effet dose: plus on ingère le produit, plus les risques sont élevés, avec toutefois des variabilités individuelles (on parle de «susceptibilité»). «N’oublions pas néanmoins que l’autisme est une maladie multifactorielle, nuance le Pr Fénichel. À ce titre, le paracétamol est sans doute un cofacteur parmi d’autres, comme la susceptibilité génétique.»
Séverine Mazaud-Guittot, chercheuse à l’Irset, travaille de longue date sur les effets d’une exposition au paracétamol, en menant des expériences sur des tissus provenant d’embryons issus d’IVG. «Le paracétamol est une boîte de Pandore: il y a autant de mécanismes d’action que d’organes, mais nos connaissances sur le sujet restent parcellaires», témoigne-t-elle. Ses expériences ont par exemple révélé des variations sur quelques hormones du testicule ou de l’ovaire, sans que les conséquences en termes de fertilité puissent en être déduites à ce stade. «Il existe un doute raisonnable sur l’impact du paracétamol pendant la grossesse qui justifie de s’en préoccuper, mais le message véhiculé doit aussi prendre en compte la façon dont les femmes consomment ce médicament. Une étude préliminaire conduite dans 7 maternités d’Ille-et-Vilaine a montré qu’enceintes, elles ont tendance à réduire leur consommation par rapport à l’ordinaire. Et même si 83 % des femmes dans le monde prennent au moins une fois du paracétamol au cours de leur grossesse, cela masque de grandes variations d’un pays à l’autre», explique-t-elle.
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