Il y a cent ans, à trois mois près, un autre naufrage faisait la une de l’actualité. La leçon à tirer de ces deux catastrophes a-t-elle changé ?
Journal de Léon Bloy, 17 avril 1912 : « Les journaux sont remplis de la catastrophe du Titanic [le naufrage a eu lieu dans la nuit du 14 au 15 avril], le plus immense des transatlantiques. Dès son premier voyage, il vient d’être éventré par un iceberg. Un millier d’hommes à peine ont pu être sauvés [environ 700] sur quatre mille environs [en réalité 1 324 passagers et 889 membres d'équipage] que portait ce bâtiment diabolique chargé de richesses. Des milliardaires ont été noyés. Un luxe inouï les environnait, en même temps qu’il y avait, à fond de cale, une sorte d’enfer pour les pauvres émigrants. »
Un siècle plus tard, à trois mois près, tout le monde évoque le naufrage du Titanic à propos de celui du Costa Concordia. Fort heureusement, le nombre de victimes n’est pas comparable : 28 probablement dans ce dernier cas contre quelque 1500 à bord du Titanic. Mais la comparaison s’impose quant au gigantisme : le Titanic avait 269 m de long et pouvait embarquer 2435 passagers ; le Concordia faisait 290 mètres de long et pouvait contenir 3780 passagers, plus un millier de membres d’équipage. Même démesure, même luxe (« temple du divertissement flottant » assure la pub de la compagnie Costa), même sentiment de surpuissance et d’invulnérabilité. Pourtant la comparaison tourne vite à la défaveur du Concordia quand on pense aux circonstances des deux accidents : dans le premier cas, un naufrage en pleine mer dû à la rencontre somme toute improbable avec un iceberg ; dans l’autre cas, un échouage à moins d’une encablure de la terre ferme - un port qui plus est. On s’est alors aperçu que les dispositifs de sécurité hyper sophistiqués d’un navire ultramoderne ne rendaient pas plus faciles l’évacuation de plus de quatre mille personnes à quelques dizaines de mètres de la terre ferme ! Dans le cas du Titanic, la guigne d’un commandant compétent et courageux quoique poussé à la faute par l’armateur du navire ; dans le second, l’incroyable désinvolture d’un bellâtre voulant parader et faire plaisir à un subordonné avec lequel il copinait en aventurant son navire monstrueux à un jet de pierre du rivage. S’il y a eu panique à bord du Titanic comme du Concordia, l’équipage du premier se montra héroïque et en paya le prix fort (presque tous les marins ont péri), tandis que la défaillance de celui du Concordia et surtout de son commandant est pointée du doigt par les passagers dont beaucoup ont dû leur survie au « petit personnel », des employés sous-payés en majorité Philippins de cet hôtel flottant plutôt qu’aux marins. Le comble étant l’abandon du navire par le commandant du Concordia et son refus de remonter à bord pour diriger l’évacuation des passagers qui lui vaudra sans doute de nombreuses années de prison.
«Je ne voudrais jamais être dans le rôle du commandant du Titanic, obligé de naviguer dans l'océan entre les icebergs», avait déclaré Francesco Schettino, le commandant du Costa Concordia, lors d'un reportage effectué par le journal Dnes en décembre 2010. Son sort est pourtant aujourd’hui moins enviable que celui d’Edward John Smith, le commandant du Titanic, mort à son poste, en marin, après avoir fait le maximum avec son équipage pour sauver les passagers. À un siècle de distance, non seulement notre époque n’est pas guérie de l’« ubris », cette démesure prométhéenne qui fit tant de mal au XXe siècle, mais elle y ajoute la démission éducative et morale qui produit tant de Schettino, narcisses invétérés, beaux gosses invertébrés… La crise économique est grave mais elle n’est qu’un symptôme : c’est l’âme qu’il faut soigner.
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@ Du Gardin/Vincent
Concernant la terminologie : en droit du travail, notamment, le statut du marin et le statut du personnel de cabine ne sont pas les mêmes. L'on peut être embarqué et travailler sur un navire de croisière 11 mois sur 12 sans avoir le statut de marin. Le salaire et les avantages sociaux et de retraite, par exemple, sont différents.
Ma petite connaissance du monde maritime me fait nuancer la vision que vous avez du Concordia, et ce n'est pas bien évidemment pour ne pas louer la vaillance et l'abnégation du personnel philippin de l'hôtellerie même si je suis d'accord avec cette crise qui n'est pas seulement économique mais aussi morale.
Voir le commentaire en entierN'oublions pas non plus que la panique des habitants d'une tour de Babel qui s'écroule dans le noir, c'est terriblement difficile à gérer. Rappelons-nous également, en matière de défaillance humaine, ce que fit Lord Jim dans le roman homonyme de Joseph Conrad. Toute personne et de toute nationalité peut fauter, mais évidemment en portant un passager à l'arrière de son vélo et 4000 à bord d'un palace flottant, les conséquences ne sont pas les mêmes. Mais il n'y a pas de surhomme. En oubliant le facteur humain au profit de la technique et de l'argent, l'on courre automatiquement à la catastrophe. Si le naufrage du Concordia est pire que celui du Titanic, c'est parce que le défi au déraisonnable pour accroitre le profit (constructeurs, armateurs, commandants, même passagers à la curieuse conception du voyage par mer) s'est encore accentué.
Par ailleurs, le commandant, par sa faute d'appréciation, a entraîné la brèche dans la coque de son navire mais il a fait en sorte de l'échouer ensuite sur la côte, et de ce fait les pertes certes toujours trop importante même s'il n'y avait eu qu'un mort, ont pu être plus limitées.
J'évoquerai aussi le témoignage de l'aumônier du bord et de l'aumônier des gens de mer : cf. ici en français http://benoit-et-moi.fr/2012-I/0455009fcb0e2340d/0455009fde0832302.html
En conclusion: faute d'un homme sans doute mais faute aussi d'une vision démesurément mercantile d'une activité humaine dans un milieu qui n'est pas anodin, la mer.
Come italiana sono profondamente umiliata e addolorata per la pessima prova che ha dato la nostra marina mercantile. Sono d'accordo con la conclusione dell'articolo: in questo momento storico noi italiani dobbiamo curare la nostra anima, il resto verrà da sé. Grazie dell'attenzione. Carla D'A.
Traduction par LP : "En tant qu'italienne, je suis profondément humiliée et peinée par l'image détestable donnée par notre marine marchande. Je suis d'accord avec la conclusion de l'article : dans cette période historique, nous devons, nous Italiens, soigner notre âme, le reste viendra de soi. Merci de votre attention".
Et merci à vous, chère lectrice italienne, de suivre ainsi les commentaires d'actualité sur notre plateforme. LP