À l'occasion des XVIIes Journées mondiales de la jeunesse, nous poursuivons notre histoire des JMJ, vues de France. Une histoire parfois mouvementée, mais pleine d'espérance.
Dès juin 1990, sous l'égide de la Commission épiscopale Enfance-jeunesse, une réunion avec des responsables de mouvements nationaux ou de services diocésains prépare la rencontre de Czestochowa des 14 et 15 août 1991.
Un communiqué constate à son issue : " La diversité des manières de participer a été signalée comme un des facteurs de réussite. Ainsi que le climat de liberté : d'autres rassemblements de chrétiens, durant l'été 1991, se tiendront ailleurs qu'en Pologne, sans aucun esprit de concurrence. Il y a place dans l'Église pour toutes les initiatives qui servent la Bonne Nouvelle du Christ ! " Pourtant, des oppositions persistent. Un vicaire épiscopal du diocèse de Lille déclare vouloir " neutraliser le pèlerinage "maritime" organisé à Dunkerque par les "petits gris". "
Aux 23.540 pèlerins recensés par les instances françaises s'ajoutent ceux inscrits par le biais de groupes internationaux comme le Chemin néocatéchuménal ou les Salésiens. Depuis 1989, la position de certaines organisations évolue ou se précise. L'association Jeunes Chrétiens Services n'est plus sur le devant de la scène, se considérant comme un instrument de communication ne s'inscrivant pas dans une logique d'accompagnement, et n'estimant plus désormais nécessaire une initiative de sa part dans le cadre des Journées mondiales. Les Guides de France sont au nombre de 60. Avec 410 représentants, les Scouts de France mobilisent davantage leurs troupes, soucieux de ne pas laisser le champ libre aux 2000 Guides et Scouts d'Europe. Un effectif aussi important se retrouve avec l'Emmanuel. Malgré une participation parcimonieuse de 20 personnes, la Jeunesse ouvrière chrétienne est l'unique mouvement d'Action catholique à manifester son intérêt. Il s'agit là du seul mouvement subventionné au plan national par l'épiscopat à participer à la rencontre. La position du Mouvement eucharistique des jeunes laisse songeur. L'équipe nationale autorise des responsables lillois à préparer un projet puis finalement multiplie les pressions pour que l'initiative avorte. Elle déclare : " Nous n'organisons pas, à la différence de Saint-Jacques-de-Compostelle, un groupe particulier au niveau national. Il nous semble important de maintenir nos propositions de camp d'été qui sont l'occasion d'une vraie structuration des jeunes. " La dernière phrase citée tend à jeter, a contrario, un discrédit sur le contenu de la rencontre de Czestochowa et ses conférences, enseignements, temps de catéchèse... Les responsables nationaux du MEJ oublient sans doute les termes du cardinal Pironio : " Le Conseil pontifical pour les laïcs désire inviter tous les mouvements et associations ecclésiales de jeunes à insérer ce rendez-vous important dans le programme de leurs activités. " Le MEJ ne sera finalement pas présent à Czestochowa.
Le recrutement par le biais des diocèses varie considérablement d'un lieu à un autre : 500 inscrits pour le diocèse du Puy-en-Velay et 200 pour celui de Lyon. Les régions apostoliques du Nord (13 diocèses) et de l'Est (9 diocèses), pourtant les plus proches de la Pologne, recrutent peu : respectivement 620 et 385 pèlerins. Certains diocèses n'organisent rien : Ajaccio, Angers, Annecy, Belfort-Montbéliard, Belley-Ars, Carcassonne, Chambéry, Langres, Le Havre, Limoges, Périgueux, Perpignan, Saint-Dié, Strasbourg, Troyes, Tulle et Verdun. À la différence de la rencontre de Saint-Jacques-de-Compostelle, les inscriptions par les diocèses sont toutefois majoritaires. De peu, il est vrai. L'appui épiscopal est resté souvent très mesuré, voire inexistant. Le relais paroissial et celui de l'Enseignement catholique n'ont pratiquement pas fonctionné. Les organisations habituellement en lien avec l'épiscopat se sont maintenues dans leur position marginale.
Comme en 1989, les principales organisations demeurent celles qui contribuent souvent largement au renouveau ecclésial de ces dernières années. Au plan national et souvent localement, elles ne reçoivent ni subside, ni aide matérielle, ni nomination d'aumônier. Pourtant, elles sont présentes et leur ampleur totale devient incontournable. Outre les Guides et Scouts d'Europe (2000) et l'Emmanuel (2000) déjà mentionnés, d'autres organisations apportent leur concours, parmi lesquelles : Jeunesse johannique (100) ; Saint Jean-éducation (400) ; Foyers de Charité (165) ; Équipes Notre-Dame jeunes (370) ; Verbe de Vie (100) ; Lion de Juda (750) ; Lux et Caritas (580) ; Jeunes Chrétiens Europe (50) ; Nouvel Avenir des Tanneries (50) ; Raoul Follereau (80) ; Orphelins Apprentis d'Auteuil (200) ; Passion de Nancy (320) ; Pèlerinage de Chrétienté (Centre Charlier) (300) ; Foi et Lumière (20) ; Opus Dei (280) ; Focolari (160). Des familles spirituelles manifestent aussi leur intérêt : frères des Écoles chrétiennes (210) ; Jeunesses franciscaines (100) ; jeunes de la Famille marianiste (280) ; jeunes de la Famille mariste (70) ; jeunes de la Communion oratorienne (70).
L'épiscopat hésite à s'engager
Peu de Français participent aux rencontres de 1984 à 1987 et les réactions d'évêques demeurent rares. La rencontre de Saint-Jacques-de-Compostelle en 1989 retient davantage leur attention. Au retour de celle-ci, 31 articles sont consacrés à cette rencontre dans l'ensemble des bulletins diocésains. Cinq articles seulement sont rédigés par des évêques : Mgr L. Cornet de Meaux, président de la commission épiscopale Enfance-jeunesse, Mgr J. de Saint-Blanquat de Montauban, Mgr J.-C. Thomas de Versailles, Mgr A.-M. Hardy de Beauvais et Mgr A.-M. de Monléon de Pamiers. Après la Journée mondiale de la jeunesse à Czestochowa en 1991, 67 articles dans les bulletins diocésains de France sont consacrés à cet événement. Parmi ces textes, 17 ont été écrits par des évêques, contre 5 deux ans auparavant. Seuls deux évêques ont repris la plume : Mgr L. Cornet et Mgr A.-M. Hardy.
L'engouement pour ce type de manifestation demeure encore mitigé. La commission épiscopale Enfance-jeunesse demande à chaque évêque de nommer un délégué pour s'occuper de la rencontre de Czestochowa : sur 95 diocèses métropolitains, 78 lancent une organisation pour s'y rendre ou se rallient à un regroupement voisin. Dans le diocèse de Digne, un seul pèlerinage pour Czestochowa est prévu au cours de l'été : il se déroulera au mois de septembre... " Il y aura trop de monde en août " indique l'organisateur ! Au cours des visites ad limina des évêques français en 1992, la question des Journées mondiales est évoquée à plusieurs reprises. Au nom des évêques de la région apostolique Nord, Mgr Lucien Bardonne déclare au Pape à propos des jeunes : " Nous nous efforçons de leur ménager des espaces d'accueil, de dialogue ou de recherche. Nous promouvons, de temps à autre, de plus grands rassemblements, dans un monde où justement les jeunes ont besoin de temps forts plus ponctuels. Mais vous permettrez, très respectueusement, de vous dire que les convocations qui viennent de vous sont parfois trop rapprochées, et ne permettent pas toujours de réaliser, entre temps, ces rassemblements que nous souhaiterions faire au niveau de nos diocèses, surtout si nous encourageons les initiatives des mouvements de jeunes. "
Cette intervention étonne de la part d'un évêque qui devrait se réjouir de la tenue de ces différents temps d'expression de la foi, de ces moments de communion ecclésiale auxquels participent les jeunes, qu'ils soient diocésains, régionaux, nationaux ou internationaux. Mgr Lucien Bardonne n'était venu ni à Saint-Jacques-de-Compostelle, ni à Czestochowa. Il lui était sans doute difficile de mesurer l'intérêt de ces rencontres.
La rencontre de Denver (août 1993)
La Journée mondiale de la jeunesse de 1993 tenue à Denver, dans le Colorado aux États-Unis, ne prête guère le flanc à ce genre de critiques françaises. Elle rassemble un peu plus de 2.500 Français, parmi lesquels six évêques dont Mgr M. Dubost, Mgr A.-M. Hardy et les cardinaux R. Etchegaray et J.-M. Lustiger. Mgr J.-M. Sardou, archevêque de la principauté de Monaco est également présent. Grâce au dynamisme déployé par la coordination de l'Île-de-France, 2.121 jeunes se sont inscrits par ses services. Des pèlerins viennent aussi par le biais d'autres organisations, notamment : Jeunes Pèlerins du Var (53) ; Compagnons et Pèlerins de Saint-Jacques du diocèse de Montpellier (50) ; Jeunes Pour une Foi (40), association stéphanoise ; Communauté des Béatitudes (30) ; Chemin néocatéchuménal (180).
Une participation non négligeable à Manille (janvier 1995)
280 Français participent le 15 janvier 1995 à la Journée mondiale de la jeunesse à Manille. Parmi eux se trouvent deux jeunes de Tahiti et dix de l'Île de la Réunion. Vingt-trois diocèses de France délèguent quelques-uns de leurs fidèles, une trentaine pour le seul diocèse de Paris. D'autres jeunes représentent des organisations, au nombre d'une douzaine, telles que les Guides et Scouts d'Europe, les Scouts de France, les Guides de France, le MEJ, la JOC, le MCC (Mouvement des cadres chrétiens), la communauté du Verbe de Vie, la communauté des Béatitudes. Sollicités pour envoyer des représentants, le Nid et la Jeunesse de la Mer envoient quelques-uns de leurs membres qui s'intègrent dans la délégation française. La moyenne d'âge des jeunes Français oscille autour de 23-24 ans. À leurs côtés, comptés parmi les inscrits, figurent une cinquantaine de prêtres, religieux et religieuses, ainsi que six évêques et une dizaine de journalistes.
Ludovic laloux est né en 1963, docteur en histoire. Dernier ouvrage paru : le Mouvement eucharistique des jeunes (MEJ), Le Sarment-Fayard, 1988. En préparation : publication de sa thèse sur l'apostolat des laïcs en France depuis le concile Vatican II.
Le texte intégral de cet article est publié dans Liberté politique n° 14, automne 2000.